Suisse et UE

Cassis de Dijon

Depuis 2010, la Suisse applique une version helvétique du principe du Cassis de Dijon. Celui-ci permet la commercialisation de marchandises qui ne remplissent pas les prescriptions suisses mais celles d’un pays de l’Union européenne. La FRC reste vigilante afin que ce contournement des prescriptions suisses ne péjore pas les droits des consommateurs.

Alimentation Emballages et étiquetage Nourriture et boissons

16 février 2018

Sommaire

La FRC reste vigilante afin que ce contournement des prescriptions suisses ne péjore pas les droits des consommateurs.

Principe

L’UE oblige ses membres à ouvrir les frontières aux marchandises légalement en vente dans un autre pays de l’Union, y compris dans les domaines où la législation n’est pas encore harmonisée.

Cette obligation a été introduite en 1979 par un jugement de la cour européenne de justice. Suite à la plainte déposée par un distributeur allemand, la Cours avait obligé l’Etat allemand à autoriser la commercialisation de la liqueur «Cassis de Dijon» dont la teneur en alcool ne correspondait pas aux exigences légales allemandes.

Mise en place suisse

Contrairement au Cassis de Dijon réciproque imposé aux pays de l’UE, la Suisse a choisi de mettre en place ce principe de manière volontaire et unilatérale. Le but: faire baisser les prix à l’importation par une diminution des entraves techniques au commerce.

L’introduction du principe du Cassis de Dijon complète la stratégie du Conseil fédéral contre l’îlot de cherté en facilitant le commerce. Celle-ci a débuté en 1990 avec des accords commerciaux et l’harmonisation de la législation suisse avec la réglementation de l’UE.

Quelles «entraves techniques»?

La suppression des entraves techniques au commerce doit permettre de vendre les produits concernés sans contrôle suisse préalable. Ces «entraves techniques» sont les prescriptions légales spécifiques au pays, dans ce cas à la Suisse.

Il s’agit par exemple de limites maximales pour certains résidus, de mentions valorisantes jugées trompeuses, de teneurs minimales en composants de valeur, d’émissions limitées dans l’environnement ou encore d’informations obligatoires sur les étiquettes.

Les exceptions

Comme en Union européenne, la Suisse a fixé un certain nombre d’exceptions destinées à protéger des intérêts publics prépondérants. Plusieurs exceptions demandées par la FRC ont été retenues, comme l’indication obligatoire du pays de production des denrées alimentaires, les avertissements dans la langue du lieu de vente, l’indication des œufs pondus en batterie ou encore les dispositions relatives aux OGM.

Les interdictions d’importer des stupéfiants, des lessives aux phosphates ou encore des animaux en voie de disparition ne peuvent pas non plus être contournée en évoquant le Cassis de Dijon. Le Seco tient à jour la liste.

Ces exceptions sont critiquées par les groupements favorables au libre-commerce et attaquées par des interventions politiques (par exemple, 3 motions et 1 postulat de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats en 2017). La FRC reste vigilante afin que le droit des consommateurs à l’information ne soit pas bafoué.

Le cas des denrées alimentaires

Comme les denrées alimentaires sont des biens de consommation particulièrement sensibles, le Conseil fédéral a décidé d’obliger les denrées non conformes au droit suisse de passer par une autorisation de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) avant leur mise sur le marché.

L’OSAV a publié 41 décisions de portée générale depuis 2010. Dans 35% de ces cas, la baisse de qualité amenée n’est pas (ou difficilement) visible sur l’emballage . Les consommateurs sont donc privés de leur droit à un choix informé.

Utilisation des lois de l’UE pour contourner le droit suisse

Contrairement au principe du Cassis de Dijon appliqué en UE, le législateur suisse a élargi ce principe aux producteurs indigènes. Alors que les pays de l’UE ont été contraints d’autoriser l’importation des produits qui ne correspondent pas à leurs prescriptions, la Suisse autorise ses propres fabricants à produire pour le marché interne selon les prescriptions techniques de la Communauté européenne. Ce «principe de non-discrimination» leur permet de contourner le droit suisse (art. 16b LETC).

Ainsi, Denner avait demandé l’autorisation d’importer de la crème contenant moins de matières grasses que la crème suisse habituelle, afin de pouvoir produire en Suisse cette crème de moindre qualité tout en l’affublant d’une croix suisse. Cette pratique est devenue moins intéressante depuis qu’il est obligatoire de mentionner sur l’étiquette si un produit a été élaboré selon une prescription de l’Union européenne.

Base légale :

  • Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC)
  • Ordonnance sur la mise sur le marché de produits fabriqués selon des prescriptions étrangères (OPPEtr)

Chronologie

  • Mars 2018

    Le Conseil national bloque trois motions défavorables aux consommateurs durant la session de printemps 2018. Il s’est ainsi rallié aux revendications de la FRC.

    Ces motions ainsi qu’un postulat avaient été déposés en 2017 par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-CE) dans le but de favoriser le recours au principe du Cassis de Dijon en supprimant des exceptions protégeant les consommateurs. (17.3622, 17.3623, 17.3624, 17.3625)

  • Décembre 2017

    Le Conseil fédéral propose un nouveau changement du principe du Cassis de Dijon. La procédure d’autorisation des denrées alimentaires serait remplacée par un simple système de notification. Le Conseil fédéral intègre ce changement dans son catalogue de mesures contre l’îlot de cherté. La suppression de l’obligation d’indiquer le pays de production des denrées alimentaires est également proposée, tout comme la possibilité de vendre des appareils électroménagers inefficaces et du bois traité avec des substances cancérogènes. (Le communiqué de presse du Conseil fédéral) L’analyse FRC: les changements proposés ne sont pas favorables aux consommateurs

  • Février 2016

    Les autorités proposent d’obliger les fabricants à informer les consommateurs si une denrée a été produite en Suisse d’après le principe du Cassis de Dijon, donc sans devoir respecter les prescriptions de notre pays. Cette mention doit enfin amener la transparence sur les produits suisses qui contournent la législation helvétique en toute légalité, tout en bénéficiant de l’image positive de la provenance locale. La proposition découle de la promesse du Conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann en 2015. La FRC soutient cette proposition, bien que la formulation choisie soit moins claire que demandé. (La réponse complète de la FRC)

  • Juillet 2015

    Le Conseil des Etats refuse d’exclure les denrées alimentaires du champ d’application du Cassis de Dijon. La FRC avait soutenu l’initiative parlementaire Bourgeois qui avait demandé cette exclusion. (La réponse complète de la FRC)

  • Mai 2013

    Le Seco publie son rapport sur le principe du Cassis de Dijon. Son observatoire des prix ne relève pas de répercussion mesurable sur les prix de consommation. Son sondage auprès des entreprises a un retour très modeste (1,4%). Le Seco juge néanmoins l’introduction du principe du Cassis de Dijon globalement positive. La FRC ne partage cet avis et met en garde contre le risque d’érosion de la qualité (l’interview d’Aline Clerc).

  • Avril 2012

    Le Tribunal administratif fédéral (TAF) refuse d’accorder aux organisations de consommateurs la qualité pour agir contre une décision de portée générale émise dans le cadre du Cassis de Dijon (la réaction de la FRC). Les organisations de consommateurs avaient déposé un recours contre la décision qui autorise les fabricants à utiliser une police de caractère si petite que les étiquettes en deviennent difficiles à déchiffrer. Cette décision affaiblit le droit à l’information des consommateurs. Le TAF a également rejeté le recours de groupements de producteurs. Un dysfonctionnement démocratique se révèle: personne ne peut déposer recours contre une décision «Cassis de Dijon».

  • Février 2012

    Face aux défauts constatés, la FRC demande que le Cassis de Dijon soit corrigé sur plusieurs points. Elle demande la suppression de la non-discrimination des producteurs suisses, l’élargissement de la procédure d’autorisation aux cosmétiques, une application plus restrictive des autorisations en s’inspirant de la pratique allemande et la mise en place d’une réelle possibilité de recourir contre une décision. La conclusion FRC: bilan décevant.

  • Juillet 2010

    Le principe du Cassis de Dijon est appliqué à partir de juillet 2010, suite à l’approbation du Conseil fédéral de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur les entraves techniques du commerce (OPPEtr). La FRC avait répondu à la consultation sur cette ordonnance d’application du principe du Cassis de Dijon. Dans la version finale, seules quelques-unes des conditions posées par la FRC sont remplies (La réponse complète de la FRC).

  • Octobre 2009

    La version définitive du principe du Cassis de Dijon est publiée dans la Loi fédérale sur les entraves au commerce (LETC). Les organisations de consommateurs ont obtenu qu’il soit accompagné d’une nouvelle loi sur la sécurité des produits, d’un système d’autorisation pour les denrées alimentaires et de quelques exceptions importantes pour le maintien du niveau d’information et de qualité. Pourtant, rien n’oblige les distributeurs à répercuter les baisses de prix promises aux consommateurs. La Suisse n’a toujours pas adhéré au système RAPEX. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Juin 2009

    Le parlement adopte la Loi sur la sécurité des produits (LSPro) qui oblige enfin les entreprises à rappeler les produits dangereux. Cette loi attendue vivement par les associations de consommateurs est adoptée en même temps que le principe de Cassis de Dijon promettant de faire jouer la concurrence. Les organisations de consommateurs ont obtenu plusieurs exceptions afin de garantir la protection et l’information des consommateurs. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Février 2009

    Les autorités politiques limitent le risque de mettre sur le marché des denrées peu sûres en introduisant un système d’autorisations délivrées par les offices fédéraux. La FRC et ses collègues demandent de mettre au niveau européen également les droits des consommateurs et d’augmenter les ressources pour contrôler les nouveaux produits. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Juillet 2008

    Le Conseil fédéral introduit certaines exceptions demandées par la FRC et ses collègues. Le Cassis de Dijon ne peut plus être utilisé pour contourner l’obligation d’indiquer le pays de production ou les allergènes. Manque encore l’étiquetage des œufs de poules en batterie. Les organisations de consommateurs exigent également un relèvement des normes de sécurité pour les jouets et autres objets usuels et l’adhésion au système européen des produits dangereux RAPEX. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Octobre 2007

    Les organisations de consommateurs s’élèvent contre la volonté du Conseil fédéral de contourner l’obligation d’indiquer le pays de production des denrées alimentaires par le principe du Cassis de Dijon, ainsi que l’indication «élevage en batterie» pour les œufs. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Août 2007

    Les premières failles du principe du Cassis de Dijon se révèlent: le Conseil fédéral veut permettre de contourner l’obligation suisse d’indiquer les allergènes, ainsi que l’interdiction suisse d’ajouter des colorants azoïques dans le lait et dans autres aliments de base. (Le communiqué de presse de la FRC)

  • Mars 2007

    La FRC et ses collègues alémaniques exigent dix exceptions dans le secteur alimentaire avant l’application du principe du Cassis de Dijon contre l’îlot de cherté. Ils sont favorables à l’harmonisation des normes pour les téléphones et les vélos mais demandent à être prudents avec les denrées alimentaires. (La réponse complète de la FRC)

  • Novembre 2006

    Le Conseil fédéral met en consultation le projet d’application du principe du Cassis de Dijon. La FRC s’élève contre la diminution de l’information des consommateurs, notamment contre la suppression de l’indication de la provenance de la viande. Elle salue, en revanche, la lutte contre l’îlot de cherté. (Le communiqué de presse de la FRC)

Quelques exemples concrets

Energy Drink sans avertissement | Grâce au principe du Cassis de Dijon, un fabricant a pu contourner l’obligation suisse d’avertir sur l’étiquette de ne pas mélanger Energy Drink et alcool. Suite à cette décision, les autorités ont fini par supprimer l’article d’ordonnance pourtant favorable à la santé des consommateurs.

Jambon gonflé à l’eau | Grâce au principe du Cassis de Dijon, il est possible d’ajouter davantage d’eau dans le jambon, sans devoir informer les consommateurs de cette qualité baissée. Le test FRC a révélé un tel jambon gonflé à l’eau.

Allégations de «beauté» sur des bonbons | Un fabricant a obtenu le droit d’ajouter des traces de coenzyme Q10 dans des bonbons pour pouvoir les vendre comme étant favorables à la beauté naturelle de la peau (Beauty).

Marketing

La fleur de l'âge est périssable, bonbons ou pas

La beauté éternelle grâce à des bonbons? Après les crèmes miracles, ce sont les fabricants de sucreries qui s’engouffrent dans le marché des produits de beauté: des traces de coenzyme Q10, d’aloe vera et de collagène pour donner bonne conscience aux grignoteurs de bonbons.

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Cassis de Dijon

Bilan décevant

Face aux défauts constatés, la FRC demande que plusieurs points soient corrigés.

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