3.7.2012, Huma Khamis et Eden Lorenzetti
Douze jambons analysés pour des résultats tranchés: la moitié se conservent mal jusqu’à la date de péremption et deux produits ont trop d’eau, trop de sel.
Un jambon sur deux ne passe pas l’épreuve de la date limite de consommation. En effet, analysés par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) du canton de Vaud, six des douze échantillons présentent un taux de germes supérieur aux normes admissibles. Si ces aliments ne mettent pas forcément la santé en péril, ils soulèvent une fois de plus des questions sur la manière de fixer les dates de consommation sur les produits de consommation courante (lire notre précédente édition sur le gaspillage alimentaire). Interpellés, les distributeurs concernés assurent que leurs propres analyses n’ont jamais montré de problème similaire et invoquent une éventuelle rupture de la chaîne du froid… Pourtant, nos échantillons ont été achetés en magasin, comme le ferait n’importe quel consommateur, et ont été directement acheminés au laboratoire dans des sacs isothermes. Et le verre n’est pas qu’à moitié vide, puisque six échantillons restent de parfaite qualité jusqu’à la date annoncée sur l’emballage. Il semble donc que les processus de fabrication et les bonnes pratiques varient d’une entreprise à l’autre.
Pour Christian Richard, chimiste cantonal adjoint au Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV), le fait que certains résultats soient décevants ne remet pas pour autant en cause la qualité initiale du jambon: «Il est important de souligner que ces analyses ont été faites à la date limite de consommation.» Les échantillons qui obtiennent de mauvais résultats auraient probablement tous été irréprochables la veille de cette date fatidique. Un conseil donc: gardez au frais et consommez rapidement après l’achat les charcuteries et les produits à base de viande.
Des protéines presque de bonne qualité
En Suisse, près de 20% de la viande sont consommés sous forme de charcuterie. Le jambon cuit entre dans cette catégorie, mais présente l’avantage d’être pauvre en graisses et riche en protéines. Ainsi, 100 g de jambon apportent environ 20 g de protéines de qualité si la viande provient du muscle de la cuisse du porc. En revanche, les protéines s’avèrent nutritionnellement moins intéressantes si elles proviennent du tissu conjonctif (des membranes entourant le muscle, et non le muscle lui-même). Notre laboratoire a donc aussi vérifié la qualité des protéines de nos jambons. Sur douze produits, deux – Malbuner et Suter – renferment trop peu de protéines nobles.
Du jambon à l’eau?
En 1972, la FRC lançait un appel au boycott du jambon. En cause, l’ajout de polyphosphates dans cette charcuterie, qui permet à la viande de mieux retenir l’eau. Les consommateurs avaient refusé en bloc d’acheter de l’eau au prix de la viande. Depuis, fort heureusement, la législation a évolué, et il n’est plus possible de donner l’appellation «jambon» à un produit qui dépasserait un certain rapport entre les protéines et l’eau, bien que les polyphosphates soient encore autorisés. En effet, lors de la préparation, on injecte de l’eau et du sel dans les morceaux avant la cuisson. Les laboratoires appellent, dans leur jargon, la «valeur Q2» le rapport protéines-eau, et celle-ci doit être inférieure à 3,7. En principe, du moins… Sur nos 12 échantillons, le produit de la marque Suter vendu chez Aldi n’est pas un jambon mais un «cotto», soit un produit cuit à base de porc, comme on le découvre en retournant l’emballage. Sa teneur en eau est supérieure aux normes qui permettraient de le classer comme jambon. Quant au produit Denner, dans la mesure où son appellation française est «jambon cuit» et qu’il dépasse la limite de la valeur Q2, il écope de la dernière place.
Si cette distinction est claire pour les produits suisses, il n’en va pas de même pour les européens. Ainsi, les normes sont différentes en Autriche et en Italie. Dès lors, avec le principe du Cassis de Dijon, il n’est pas exclu que l’on voie, à l’instar du produit Denner, apparaître de la charcuterie portant l’appellation «jambon» dans nos étalages, avec des teneurs en eau plus importantes que celles que la Suisse tolère. Et le consommateur de se demander si c’est du lard ou du cochon…
Consultez le tableau comparatif de douze jambons au laboratoire