Droit
Action collective
Les consommateurs suisses sont dépourvus de mécanismes juridiques leur permettant d’agir ensemble devant les tribunaux civils. En effet, à l’inverse de nos voisins comme l’Italie, la France ou l’Allemagne, il n’existe pas d’action groupée à proprement parler en Suisse.
04 mars 2023, Mis à jour le 10 janvier 2025
Les options pour regrouper un nombre important de demandes semblables relève davantage du bricolage à l’heure actuelle. Elles demandent également un investissement financier et personnel décourageant à l’échelle individuelle, pour un résultat très incertain. Le Conseil fédéral relevait déjà ces lacunes du droit suisse dans un rapport publié en 2013.
Depuis de nombreuses années, notre association se mobilise fortement pour que soit introduite en Suisse une réelle action collective, à l’exemple de ce qui existe déjà dans de nombreux pays de l’Union européenne.
Le 10 décembre 2021, le Conseil fédéral publiait le tant attendu projet de loi relatif à la révision du Code de procédure civile (CPC). Il propose d’intégrer dans notre législation un outil pour regrouper les prétentions civiles des personnes physiques ou morales qui font face à un dommage collectif identique. Il intègre également la possibilité de trouver des accords amiables pour un grand groupe de personnes. Notre association a pris position en faveur de cette introduction.
Depuis lors, les milieux économiques se mobilisent fortement contre cette nouveauté procédurale qui doit permettre aux personnes (consommateurs, mais également PME) de mieux se défendre. Leur position hostile à l’action collective ne sert pas les intérêts des entreprises, mais reflète une idéologie déconnectée de la réalité, alimentée par des craintes infondées et non-vérifiées que nous nous employons à déconstruire grâce aux nombreux exemples disponibles à l’étranger.
Le Conseil National a décidé de ne pas entrer en matière sur le projet de loi : c'est désormais au tour du Conseil des Etats de se prononcer.
La FRC continue son travail de sensibilisation sur la nécessité de développer une procédure collective dans notre pays et est convaincue qu’une solution suisse peut être trouvée ensemble.
Qu'est-ce que c'est?
Qu’est-ce que l’action collective?
L’action collective est une action déposée devant le juge civil, par laquelle plusieurs personnes ayant souffert du même état de fait font valoir de manière unie leurs droits de façon à obtenir ensemble la réparation du dommage subi.
Pourquoi faut-il développer une action collective en Suisse?
Les outils actuels ne fonctionnent pas (lire ci-dessous) et notre code de procédure civile ne prévoit pas de système analogue à celui qui existe dans l'Union européenne.
Cette lacune s’est lourdement faite ressentir lors de la faillite de Lehman Brothers ou encore du scandale des moteurs truqués de VW, deux affaires pour lesquelles la FRC a dû faire preuve d’imagination (lire ci-dessous). Dans l’affaire VW, alors que 175 000 véhicules ont été concernés (flottes d’entreprises et détenteurs individuels confondus), les personnes concernées en Suisse n’ont pas obtenu de compensation, contrairement à de nombreux autres détenteurs de véhicule VW en Europe.
Beaucoup de pays en Europe et dans le monde ont introduit un droit d’action collectif (pour l'Union européenne, voir Directive (UE) 2020/1828). En Suisse, l’accès à la justice reste ardu.
Avantages
- Garantir un meilleur accès à la justice. L’action collective est le seul moyen de rendre effectif le principe d’accès à la justice et de permettre à toute personne lésée, indépendamment de ses ressources financières ou personnelles, d’être indemnisée.
- Alléger la justice. La conduite d’une procédure unique entraînera moins de frais pour la justice qu’une constellation de procédures similaires à travers tout le pays. L’application uniforme du droit et la sécurité juridique qui en découlent seront également renforcées.
- Effet incitatif. Si un comportement injuste et dommageable a plus de chance d’être porté devant un tribunal, les entreprises seront plus susceptibles de respecter le droit en vigueur. A l’inverse, si l’auteur du dommage n’a pas de raison de craindre que les lésés fassent valoir leurs droits, il n’adaptera pas son comportement à l’avenir pour essayer d’être plus respectueux.
- Garantir une saine concurrence. Les entreprises qui se comportent bien sur le marché peuvent partir du principe qu’elles ne subiront aucun désavantage et n’auront pas à craindre des demandes en dommages-intérêts.
Pour toutes ces raisons, la FRC soutient l’introduction d’une action collective dans le Code de procédure civile (CPC).
Quand est-ce utile?
Dans plusieurs pays européens, l’action collective est limitée aux seuls droits des consommateurs. En Suisse, le projet de loi ne limite pas son application à un domaine particulier, de sorte qu’il pourra être employé tant par les personnes physiques que par des PME, lesquelles sont souvent aussi dépourvues que les individus.
Exemple de situations variées où des dommages de masse peuvent survenir:
- Dans le domaine de la santé, contre une entreprise pharmaceutique qui aurait mis sur le marché un médicament qui a porté atteinte à la santé des patients.
- Dans le domaine des constructions ou de l’industrie, en cas d’exposition de plusieurs individus à des matières toxiques, comme l’amiante, des rayonnements radioactifs ou d’autres substances néfastes pour la santé ou à l’encontre d’une entreprise qui aurait mis sur le marché un produit défectueux, dangereux ou impropre à la consommation.
- Dans le domaine des marchés financiers et des capitaux, contre des acteurs qui auraient causé des pertes aux investisseurs à cause de fausses informations ou en raison d’une absence d’information.
- Dans le domaine des cartels, lorsqu’une entente cartellaire a causé un préjudice à un nombre important de concurrents, d’acheteurs et de fournisseurs.
- Dans le domaine de la concurrence déloyale, lorsqu’un comportement déloyal envers un grand nombre d’acheteurs permet d’engendrer des bénéfices illicites.
Projet de loi du Conseil fédéral
Les opposants à l’action collective craignent de voir introduite en Suisse une class action à l’américaine, connue pour ses dérives. Celles-ci sont toutefois dues à de fortes incitations économiques (punitive damages, avocats payés en cas de succès uniquement, non application du principe looser pays) que l’on ne retrouve pas dans notre pays.
Ces craintes n’ont pas de raison d’être et le Conseil fédéral a clairement établi dans son message qu’il ne souhaitait pas instaurer une action collective sur le modèle américain et propose de créer une action collective 100% helvétique, où l’action peut être portée uniquement par des organisations à but non lucratif. En ce sens, il s’est davantage inspiré de la recommandation 2013/396/UE de la Commission européenne de 2013, où l’action est portée par une entité représentative.
Pour rappel, le droit d’action des organisations se limite actuellement à la protection de la personnalité de ses membres et à quelques violations de la Loi contre la concurrence déloyale. Les prétentions ne peuvent porter que sur la cessation, l’interdiction ou la constatation de l’atteinte mais pas sur un dédommagement.
Le projet en quelques points :
- Le droit d’action des organisations sera réservé aux seules organisations à but non lucratif déjà existantes.
- Ces organisations pourront agir contre toute violation du droit et feront valoir en leur propre nom et à leurs propres risques, les prétentions pécuniaires des personnes concernées qui auront adhéré à la procédure.
- Pour agir, au moins 10 personnes devront être touchées par des faits ou des fondements juridiques similaires.
- L’organisation soumettra alors une demande d’admission préalable lors de laquelle le juge examinera si les conditions pour agir sont réunies. Cette demande interrompt la prescription.
- Une fois la demande admise, elle est inscrite dans un registre et les autres personnes ont trois mois pour rejoindre l’action. La procédure est ensuite menée selon les règles du Code de procédure civile.
- La décision sur l’action lie les parties et les personnes qui se sont jointes à l’action.
- En cas d’accord entre les parties, le juge homologue la transaction collective mettant fin à l’amiable au litige. La transaction peut, dans le cas des dommages dispersés, s’étendre aux personnes qui ne s’y étaient pas jointe si l’entreprise le souhaite.
Dans l’ensemble, la FRC est satisfaite du projet de loi, qu’elle considère comme équilibré. Il facilite l’accès à la justice pour les dommages collectifs tout en restant libéral de sorte que l’organisation qui introduit une action doit supporter les risques en cas d’échec, ce qui permet d’empêcher les actions téméraires.
Néanmoins, la question des frais de justice qui doivent être avancés et qui peuvent vite atteindre des montants importants devra être abordée pendant les travaux parlementaires pour éviter que cet outil ne reste lettre morte. En effet, les organisations à but non lucratif que le projet habilite à agir disposent souvent de peu de ressources. Or les frais découlant d’une procédure ne doivent pas constituer un obstacle financier pour exercer un droit.
Constats
Une simple «amélioration de l’accès à la justice individuelle» ne suffit pas
Le fait de supporter un risque financier suffit à décourager une personne de faire valoir ses droits.
Les frais de justice ne constituent qu’un seul des nombreux remparts à la justice. Il faut ensuite prendre à sa charge les frais d’avocats, les frais d’expertise, etc. en plus de risquer de devoir payer des dépens si seule une partie de la demande est admise en justice. Tout ceci suffit à décourage une personne esseulée de faire valoir ses droits, estimant que «le jeu n’en vaut pas la chandelle». C’est ce que le Conseil fédéral appelle l’apathie rationnelle (Rapport de 2013). Au-delà de la question des frais, la plupart des individus ne disposent pas non plus des ressources personnelles suffisantes pour entamer un bras de fer avec une grande entreprise et sont découragées.
Or lorsqu’un dommage touche des dizaines voire des centaines de personnes de la même manière, rien ne justifie de les laisser chacun seul et découragé dans leur coin. Dans ces cas, «faciliter» l’accès à la justice ne suffit pas. Il convient de «réaliser» l’accès à la justice en accompagnant ces personnes pour que le droit soit respecté.
Enfin, faciliter l’accès à la justice à un individu ne règlera pas la question de la surcharge des tribunaux si des centaines de personnes devaient saisir individuellement la justice. Il faut cesser les bricolages et apporter une vraie solution à ces cas, à savoir donner la possibilité aux personnes de se grouper et donc mettre sur pieds une action collective.
Les outils actuels ne fonctionnent pas
Ce n’est un secret pour personne, les procédures judiciaires sont longues et coûteuses et face à des dommages collectifs – de grande valeur touchant plusieurs personnes – ou des dommages dispersés – de valeur modérée mais atteignant, cumulés, une somme non négligeable – la seule option réaliste pour les personnes est de se regrouper et demander à un expert de défendre l’affaire en leur nom devant un tribunal. Malheureusement, la Suisse ne dispose pas d’un système fonctionnel pour cela.
Dans son rapport de 2013, le Conseil fédéral souligne, d’une part, que le droit d’action des organisations pour leurs membres est actuellement très limité (art. 89 CPC). Il se borne en effet à des cas très restrictifs (atteinte à la personnalité, acte de concurrence déloyale, …) et les demandes que les organisations peuvent formuler devant les tribunaux sont, elles aussi, très étroits (demander l’interdiction de l’atteinte si elle est imminente, sa cessation si elle est en cours ou d’en constater le caractère illicite si le trouble créé subsiste). Dans le droit en vigueur, une organisation ne peut en aucun cas demander de dédommagement en faveur de ses membres. L’action du Seco dans les cas de concurrence déloyale s’est également révélée très limitée.
D’autre part, les outils existants ne sont pas adaptés à des dommages de masse car ils ne permettent pas de soulager l’individu du poids tant financier que personnel inhérent à une procédure (voir Modèles 1, 2 et 4 ci-dessous).
Les tentatives qui se sont soldées par un échec
Les organisations agissent pour leurs membres en interdiction, cessation ou constatation de l’atteinte subie. Sur la base d’un jugement positif, les lésés agissent ensuite en réparation.
Problèmes:
- Les organisations disposent souvent de peu de moyens et les risques liés aux procès sont importants. Par ailleurs, une victoire est remportée sur le principe et ne débouche pas à un dédommagement.
- Si le tribunal met trop de temps à statuer sur la demande des organisations, les prétentions individuelles des lésés peuvent se prescrire car l’action des organisations n’interrompt pas la prescription des prétentions individuelles.
- Même si une décision de justice positive est rendue, la plupart des lésés n’exerceront pas leurs droits pour des prétentions de valeur modeste en raison des frais de justice qu’ils devront supporter pour obtenir réparation.
Un exemple pratique récent démontre par ailleurs que ce modèle ne fonctionne pas. Dans le cadre de l’affaire des moteurs truqués par Volkswagen, l’organisation de protection des consommateurs suisse-allemande a agi contre VW en demandant au tribunal de constater le caractère illicite des agissements du constructeur sur la base de la loi contre la concurrence déloyale, pour faciliter toute demande en réparation des clients lésés. Le Tribunal fédéral a rejeté cette demande au motif que la constatation du trouble ne pouvait pas se faire a posteriori (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_483/2018, consid. 3.1-3.2.3). Dans ce genre de situation, les organisations sont donc mal prises pour pouvoir soutenir une éventuelle action individuelle future de leurs membres.
Une personne lésée intente seule une action pilote pour régler une question de fait ou de droit dans le but que la réponse juridique bénéficie à une multitude de cas.
Problèmes:
- Une décision positive du tribunal n’a qu’un effet interprétatif pour les autres lésés et ne présente aucune garantie que les autres cas seront jugés de la même manière.
- L’entité contre laquelle est dirigée l’action est rarement prête à coopérer et à s’engager à dédommager l’ensemble des personnes lésées si la procédure pilote aboutit.
- La plupart des lésés n’exerceront pas leurs droits pour des prétentions de valeur modeste en raison des frais de justice qu’ils devront supporter pour obtenir réparation.
Même si elle a une valeur interprétative, une décision de justice n’a d’effets que pour la personne qui a intenté l’action, ce qui implique une insécurité juridique pour les autres lésés. Ce type de procédure ne fonctionne bien que dans les procédures contre l’Etat, à l’image de la procédure que la FRC a intenté contre l’OFCOM pour le remboursement de la TVA facturée indûment par Billag.
Les lésés cèdent leurs prétentions à une organisation ou un tiers qui agit pour eux (art. 90 CPC).
Problèmes:
- Le demandeur unique supporte seul tous les risques liés aux coûts du procès.
- La démarche est possible uniquement en présence de personnes et d’institutions prêtes à s’engager dans les démarches adéquates et disposant du savoir-faire organisationnel et juridique nécessaire ainsi que d'importants moyens financiers.
- Les conditions de mise en œuvre sont strictes; un tel regroupement ne peut notamment concerner que les personnes dont les prétentions résultent de faits ou de fondements juridiques semblables, et le tribunal compétent doit être le même pour chaque lésé.
L’action MyRight en Allemagne dans le cadre du scandale des moteurs truqués de VW reposait sur la cession des créances de chaque client lésé à une organisme financier qui supportait seul les risques et les coûts de la procédure. Aucun marché du financement des procédures ne s’étant développé en Suisse, les consommateurs ont agi en Allemagne. Ce procès a toutefois été abandonné en ce qui concerne les clients suisses de VW.
En parallèle à cette procédure, le SKS, notre homologue alémanique, avait tenté d’agir en Suisse après que de nombreux automobilistes avent cédé leurs prétentions. Cette action a été déboutée définitivement par le Tribunal fédéral en juillet 2020 (arrêt 4A_43/2020); le but de protection des consommateurs n’engloberait pas, selon lui, la défense de leurs intérêts en justice.
Les lésés demandent que les actions en justice déposées soient jointes auprès du même tribunal (art. 71 CPC).
Problèmes:
- En pratique, un tel modèle est difficile sinon impossible à mettre en place si le nombre de lésés est important, vu le niveau de collaboration et de l’investissement en temps nécessaires dans le cas de centaines voire de milliers de personnes. Par ailleurs, la plupart des lésés n’exerceront pas leurs droits pour des prétentions de valeur modeste en raison des frais de justice qu’ils devront supporter individuellement pour obtenir réparation.
- Les frais sont dégressifs, mais restent plus élevés que si une personne agissait seule pour le montant cumulé. Par ailleurs, l’économie réalisée est contrebalancée par des frais plus importants liés à l’organisation et à la gestion de la procédure.
- Les lésés sont solidaires du paiement des frais. C’est-à-dire que si l’un d’eux ne paie pas ou ne peut plus payer, les autres seront débiteurs du montant impayé et devront entreprendre à leurs frais le recouvrement de leur créance.
- Les conditions de mise en œuvre sont strictes; un tel regroupement ne peut notamment concerner que les personnes dont les prétentions résultent de faits ou de fondements juridiques semblables et le tribunal compétent doit être le même pour chaque lésé.
Fausses idées
«Une procédure collective en Suisse mettra en danger notre système juridique.»
FAUX
Ce système ne favorisera pas une culture du conflit et prendre pour exemple les class action à l’américaine est mensonger. Contrairement au système en vigueur aux Etats-Unis et dans d’autres pays de Common Law, il est contraire à l’ordre public suisse d’accorder une somme d’argent supérieure aux seuls dommages réellement subis (dommage punitif). La procédure collective ne doit permettre que d’obtenir la compensation d’un dommage effectivement subit.
«Une procédure collective en Suisse mettra en danger la sécurité juridique.»
FAUX
La sécurité juridique n’est pas mise en danger, au contraire. L’objectif de l’action collective est une mise en œuvre du droit plus efficace et effective que ce que permettent les actions individuelles en cas de dommage de masse. Il permettra de garantir l’application uniforme du droit par un seul juge par opposition à des décisions prises individuellement par plusieurs juges différents à travers le pays sur des états de fait similaires.
«L’action collective aura de lourdes conséquences pour les entreprises, lesquelles risquent de faire faillite ou encore d’augmenter leurs prix .»
FAUX
Ce scénario «apocalyptique» décrit par les milieux économiques n’est pas réaliste et n’est fondé sur aucun chiffre. La comparaison avec plusieurs pays européens qui ont la même tradition juridique que la Suisse dément cette affirmation. Ces pays ont instauré des instruments plus poussés d’exercice collectif des droits pour remédier aux défauts de protection juridique et ces instruments ont fait leurs preuves sans déclencher le cataclysme prédit.
Par ailleurs, l’introduction d’une action collective n’engendrera pas une hausse des coûts pour les entreprises qu’il faudra répercuter sur les consommateurs. Cette affirmation par les milieux économiques ressemble d’ailleurs plus à une menace. Selon le projet actuel, les actions civiles seraient déposées par des organisations agissant dans l’intérêt de leurs membres et ne poursuivant pas gain économique, contrairement à des cabinets d’avocats. Celles-ci n’auraient aucun intérêt à investir des ressources dans des litiges téméraires ou chicaniers qui seraient ensuite balayés par des tribunaux et leur coûterait inutilement cher.
Au contraire, l’introduction de l’action collective aura un effet positif sur l’économie. Elle permettra de favoriser les entreprises honnêtes et d’encourager l’innovation. Actuellement, l’absence d’action collective a pour conséquence qu’il est plus rentable pour certaines entreprises de se comporter de manière illicite.
«L’action collective aura de lourdes conséquences pour les tribunaux qui feront face à une avalanche de plaintes.»
FAUX
Les tribunaux qui ont participé à la consultation se sont exprimés en faveur de l’action collective. La conduite d’une procédure collective et unique entraînera moins de frais pour la justice qu’une constellation de procédures similaires à travers tout le pays. Par ailleurs, l’application uniforme du droit et la sécurité juridique qui en découle seront renforcées. Enfin, ce système est accompagné dans le projet d’une transaction de groupe qui doit permettre de trouver une voie en conciliation, ce qui allègera d’autant les tribunaux.
«Une procédure collective n’est pas nécessaire. Il suffit d’améliorer les outils déjà existants.»
FAUX
Une légère adaptation des outils en place ne suffit pas (jonction des causes, cession de créance, etc.). Seule une procédure collective permettra de soulager un individu de l’investissement financier et personnel qui le dissuade actuellement de faire valoir ses droits. Bien entendu, l’introduction d’une action collective n’exclut pas l’amélioration d’outils existants pour des causes touchant un cercle plus restreint de personnes.
«Une personne ayant subit un dommage modeste doit passer le montant par pertes et profits.»
FAUX
Une personne atteinte dans ses droits ne doit pas «passer le montant incriminé par pertes et profits», contrairement à ce que soutient EconomieSuisse. Personne ne doit renoncer à faire valoir ses droits pour des questions de ressources personnelles et financière. L’accès à la justice doit être le même pour tous, y compris pour la majorité des individus qui n’ont pas les ressources pour se lancer seuls dans une action à l’encontre d’une grande entreprise disposant, elle, de plus de moyens. Par ailleurs, ce type de raisonnement n’encouragera pas les entreprises peu respectueuses du droit à adapter leur comportement.
«Les entreprises seront poussées à trouver un accord amiable même lorsque l’affaire n’a aucune chance de succès pour éviter de nuire à leur réputation.»
FAUX
La plupart des règlements amiables interviennent tard dans la procédure, lorsque le défendeur sent que ses chances de succès ne sont pas bonnes. Dans le cadre d’un contrôle préliminaire par le juge, un règlement amiable n’interviendrait qu’après que le tribunal ait statué sur le bien-fondé de l’action collective.
On peut le voir avec l’affaire VW: VW, qui a accepté d’indemniser plusieurs de ses clients à travers le monde, notamment les consommateurs allemands. VW a néanmoins écarté volontairement les clients suisses qui ont choisi d’agir en Allemagne de l’accord trouvé avec l’association allemande VZBV.
Exemples
De nombreux épargnants avaient acheté, via Credit Suisse, des produits financiers, dont le capital était supposé être garanti. Or, suite à la faillite de la banque américaine, les petits investisseurs avaient perdu toute leur mise. La FRC avait alors mis en place une plate-forme regroupant les lésés d’ici. Leur nombre important avait permis d’engager un avocat. Sous la pression médiatique, Credit Suisse avait accepté de négocier et remboursé plus de 75% des victimes.
En 2015 éclate le scandale VW. La FRC a conseillé aux victimes de rejoindre une action collective devant les tribunaux allemands, au vu du caractère supranational de l’affaire. Les lésés ont dû, pour ce faire, céder leurs droits à la société allemande qui mène le procès pour eux. La procédure a toutefois été abandonnée pour les "clients suisses", laissant ces derniers sans solution.
Ailleurs
On connait bien sûr la class action américaine, mais beaucoup d’autres pays ont adopté la procédure collective.
Les Etats membres de l’Union européenne disposent d’une telle action pour protéger les intérêts collectifs des consommateurs (Directive (UE) 2020/1828).
En Suisse, les dispositions du projet de révision du Code de procédure civile s’inspirent des recommandations de la Commission européenne.
Nous ne voulons pas que les Suisses aient moins de droits dans leur pays qu’à l’étranger.