25.5.2023, Laurence Julliard, coll. Marie-Louise Droz. Photos: Jean-Luc Barmaverain
La Journée romande des Repair Cafés s'est déroulée le 7 mai au Spot de l’EPFL. Quelque 70 réparateurs issus de 25 associations ont pris part au lancement d’un réseau collaboratif mis sur pied par la FRC. Une cinquantaine d'entre eux ont ensuite ouvert leur boîte à outils. Pour le plus grand bonheur de la population.
Les étudiants de Fix N’Replace, cooganisateurs de la manifestation avec la FRC, ont fait la démonstration de leurs talents avec la modélisation et l’impression de pièces sur des machines 3D comme la construction d’un appareil low tech.
La Journée romande des Repair Cafés n’a pas été un moment ordinaire. En se réunissant le 7 mai au Spot de l’EPFL, les 70 organisateurs et réparateurs présents durant la matinée ont eu l’occasion de prendre le pouls sur l’ampleur du mouvement de la réparabilité qui se déploie à différentes échelles dans les communes et les quartiers. Certains développent des initiatives dans l’arc jurassien, d’autres sur l’arc lémanique ou le Plateau; tous les acteurs de la réparation que la FRC fédère en Suisse romande y avaient leurs représentants.
Des outils pour se lancer
La journée était importante, elle marquait à la fois les dix ans du premier Repair Café lancé en Suisse par la FRC Vaud à La Bonne Combine, à Prilly (VD) mais aussi le lancement d’une plateforme collaborative qui permet l’échange d’information et de compétences entre organisateurs et réparateurs de ce type d’initiatives citoyennes. L’occasion encore de présenter une réédition du Kit de lancement du Repair Café, un guide pratique qui livre les étapes pas à pas de toutes les démarches qui contribuent à la réussite d’un Repair Café pour qui souhaite se lancer dans l’aventure.
Un combat de longue haleine
La partie inaugurale a été conduite par Sophie Michaud Gigon et Laurianne Altwegg pour le compte de la FRC, ainsi que par Pascal Vuilliomenet, chef de projet Discovery Learning Laboraties à l’EPFL. La Secrétaire générale et la responsable Environnement ont retracé les étapes majeures du combat qui anime notre association depuis… 1979!, évoquant aussi les enjeux à venir. Parmi eux, l’introduction en Suisse d’un indice de réparabilité sur les produits, un étiquetage qui facilite l’achat durable, comme le développement de l’économie circulaire. Un premier pas vient d’être franchi à Berne, c’est une victoire que la FRC et ses partenaires de la coalition Longue vie à nos objets! savourent.
De son côté, Pascal Vuilliomenet a relaté la naissance du Spot, un bâtiment sorti de terre il y a tout juste une année et conçu dans l’esprit d’un «low tech lab». Le but? Sensibiliser les étudiants à lutter contre le gaspillage tout en apprenant les base de la réparation et à allier la théorie à la pratique. Faire réfléchir les jeunes générations à l’avenir du low tech est aussi un enjeu de taille pour une institution de formation comme l’EPFL.
C’est d’ailleurs ce à quoi s’attelle Fix N’Replace, un pôle estudiantin qui organise ses propres Repair Cafés sur les campus UNIL/EPFL à l’attention de ses pairs. «Faut pas croire, c’est pas parce qu’on est ingénieur que notre mixer ne nous lâche pas ou que le jeans ne craque pas! Et tout le monde n’est pas ingénieux, rigole Abraham, un des cofondateurs du pôle. Les étudiants qui viennent avec leurs articles cassés sont là pour apprendre à réparer.» L’expérience démarrée il y a un an fait des adeptes: «On a démarré avec les écouteurs sans fil. Avec le bouche à oreille, les appareils domestiques ont suivi. Parfois, des étudiants nous amènent aussi des machines de laboratoire; c’est comme a qu’on a eu une centrifugeuse. Il y a aussi les filles du Fashion Lab, qui organisent des ateliers couture et de la friperie», termine Abraham. Des apprentis de l’École technique et des métiers de Lausanne font également partie du projet et viennent en renfort. «Ils interviennent dans le cadre de leur formation pour devenir automaticiens, électroniciens. L’avantage, c’est qu’ils cumulent expérience pratique et théorie, c’est complet!» raconte William, autre cheville ouvrière du pôle. Découvrir cet univers, pour les bénévoles réparateurs venus d’horizons divers, a été une expérience très enrichissante et source de synergies. «Moi, je suis un autodidacte, explique Martin, féru de mécanique. J’ai fait de superbes rencontres aujourd’hui. Et puis je les envie un peu: ils ont un environnement de travail incroyable pour effectuer leurs réparations!»
Deux ateliers de compétence
Il faut dire que Fix N’Replace a su créer l’attraction. La matinée était un moment dédié aux réparateurs pour réseauter, échanger de bonnes pratiques mais aussi pour montrer des savoir-faire originaux. Mais pas que. Les animateurs de Fix N’Replace ont mis sur pied deux animations. La première, un atelier pratique, permettait à chaque participant de concevoir un testeur de continuité. Cet outil est indispensable pour identifier si le courant électrique circule de manière optimale à l’intérieur d’un appareil et, le cas échéant, pour trouver la panne. Deux clous, du fil électrique, un boîtier modélisé à l’EPFL, usiné ensuite au laser pour la partie en bois et après quelques soudures le tour est joué: chacun a pu repartir avec un nouvel appareil low tech dans la poche.
Ensuite, un stand a permis de découvrir comment fonctionne une imprimante 3D. Cet instrument permet de remodéliser sur son ordinateur l’objet manquant et de le reproduire en 3D. Il est particulièrement prometteur dans le secteur de la réparation lorsqu’une pièce fait défaut. «Évidemment le plastique ne remplacera jamais l’acier, mais il y a beaucoup de plastique dans les pièces d’origine de l’électroménager d’aujourd’hui, souligne Quentin, autre membre du pôle estudiantin. Avec ces machines, le champ des possibles est énorme. Tout dépend du type de plastique utilisé pour la modélisation de nouvelles pièces, certains ont de sacrées résistances à la chaleur, à l’eau. Moi, par exemple, j’ai fait des roues pour la tondeuse-robot du jardin de mes parents avec l’imprimante 3 D. Après trois ans d’utilisation en extérieur, elles sont toujours nickel, elles n’ont pas bougé.» Faut-il préciser que la démonstration a fait briller tous les yeux de 17 à 87 ans?
Place au Repair XXL
Plus tard dans la journée, la manifestation s’est ouverte au public pour un Repair Café XXL. Sur la cinquantaine de réparateurs chevronnés présents l’après-midi, les uns étaient venus sur le campus avec leur boîte à outils et leur nécessaire de couture, de Porrentruy (JU) comme de Bex (VD). Les autres étaient «à la maison» avec perceuse et matériel de pointe. Il n’a pas été rare de voir têtes à casquette et cheveux gris penchés sur un même problème à phosphorer sur les options possibles. La chimie a fonctionné et, souvent, la solution aura été le fruit d’efforts commun.
Parapluie, téléviseur, vêtement et sac, jouet en bois, brosse à dents électrique, casque audio, coucou suisse, trottinette, il y avait dans la diversité de la centaine d’objets amenés. Et de quoi mettre au défi toutes les compétences. À la fin de la journée, 60% des pannes ou des défauts n’avaient pas résisté au savoir-faire des bénévoles. «Pour moi, la journée est pleinement réussie, aucun objet ne m’a résisté, se félicite Martin, réparateur à Morges. Être ici avec tous ces partenaires bricoleurs et les outils adéquats me donne un sentiment jubilatoire. Ce n’est pas tous les jours comme cela, parfois je n’ai que deux réussites dans la journée… ou pas!»
L’atelier couture et maroquinerie a aussi fait plein d’heureux. À commencer par Marianne, ravie de partager ses astuces raccommodage. Elle qui a trimbalé sa machine à coudre depuis l’Ajoie n’a pas chômé avec les sweats et les jeans. «L’entre-jambes, avec le vélo, c’est mortel! Mais une fois qu’on a compris comment s’y prendre pour renforcer les coutures, ça tient!» Et généreuse en recommandations, elle a noté à l’attention des néophytes sur un post-it le matériel de mercerie à acheter ou la marche à suivre à reproduire chez soi. De quoi faire d’autres heureux.
Au moment du dernier café, sourires et satisfaction étaient sur toutes les lèvres. Belle affluence, riches rencontres, énergie communicative, résultats concrets. «C’est une fierté pour la FRC de voir ce mouvement de la réparation prendre pareille ampleur avec autant d’élan, ont souligné les organisatrices Diane et Sylvie. Et une réussite: on a entendu les gens se dire au revoir, à l’année prochaine!» Le mouvement est lancé et il est plein de promesses.