24.7.2012, Huma Khamis / Photo Shutterstock / Maridav
La branche australienne de Friends of the Earth a détecté des particules "nano" d'oxyde de zinc dans certains filtres solaires. Des filtres qu'on pourrait retrouver dans quelques produits bio vendus en Suisse.
La branche australienne de Friends of the Earth (FoE) dénonce: la mention “non-nano” inscrite sur certaines crèmes solaires est fausse. En effet, l’ONG a trouvé la trace d’oxyde de zinc sous forme de nanoparticules dans certaines crèmes, alors même que celles-ci revendiquent son absence. Le coupable est le ZinClear-IM, un filtre solaire minéral fabriqué par la société Antaria et incorporé notamment dans les produits de marque Invisible Zinc Junior, Body Sunscreens et Woolworth Clear Zinc, vendus en Australie. Dans un pays où la protection solaire est un véritable enjeu de santé publique, les révélations de FoE font l’effet d’un petit séisme.
Mais l’enjeu dépasse les frontières, car l’oxyde de zinc d’Antaria, une petite compagnie de 25 employés, est distribué dans le monde entier, y compris en Europe: il serait incorporé dans certaines crèmes solaires certifiées bio présentes sur nos étalages.
Calculs d’apothicaire
Antaria se défend, estimant que les particules présentes dans les produits finaux dépassent la limite des 100 nanomètres (nm) qui les classeraient dans la catégorie des « nanos ». Selon le fabricant, la majeure partie de la gamme ZinClear-IM est certifiée par Ecocert , l’organisme français qui délivre le label de cosmétiques écologiques et biologiques.
Mais FoE oppose des résultats d’analyses effectuées par l’Institut national de mesure, un organisme gouvernemental, qui confirme que ce filtre est un nano-matériel selon les définitions adoptées par l’ISO, l’Union Européenne et la régulation australienne.
Dans la foulée, FoE porte plainte contre Antaria, estimant que cette dernière induit en erreur les fabricants qui utilisent cet ingrédient-clé pour développer des crèmes solaires certifiées biologiques. «Les consommateurs sont à juste titre inquiets au sujet des risques potentiels liés aux ingrédients nanos dans les crèmes solaires, analyse le Dr Gregory Crocetti, responsable de l’étude de FoE. C’est pourquoi de nombreuses entreprises ont choisi de revendiquer que leurs produits en sont exempts. Ce scandale altère la confiance des utilisateurs, puisqu’il semble que les fabricants eux-mêmes ne connaissent pas les propriétés des matières premières qu’ils utilisent».
Un ingrédient contesté
Si les méfaits du soleil sont largement reconnus, les doutes quant aux nanoparticules en tant que filtres solaires subsistent. Le dioxyde de titane utilisé couramment semble hors de cause. En revanche, Thomas Faune, professeur de droit et de médecine à l’Université nationale australienne, émet de sérieuses réserves sur l’oxyde de zinc: « Il y a encore de nombreuses préoccupations sur la manière dont les nanoparticules peuvent endommager les tissus ».
En Europe, les opinions sur l’oxyde de zinc divergent. On reconnait ses propriétés anti-UV et le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (CSSC) se montrait rassurant sur la forme non nano en 2009. En revanche, le CSSC devrait rendre son verdict sur cette substance version nano dans le courant de l’été.
Interdit en Suisse, et pourtant…
Pour l’heure, le ZinClear-IM est officiellement autorisé sous sa forme micronisée (non nano) et nano en Australie et aux Etats-Unis. Mais il n’en est pas de même en Suisse et en Europe: le filtre minéral d’Antaria ne peut pas être utilisé en Europe en tant que filtre UV (Allemagne exceptée) et il est même soumis à autorisation spéciale en Suisse (ça ne sera plus le cas dès cet automne). La forme nano est quant à elle interdite dans tous les cas.
Mais, ô surprise, les fabricants ont trouvé le moyen de contourner le problème: l’oxyde de zinc peut parfaitement être incorporé, quel que soit sa taille, dans les cosmétiques comme… absorbeur UV! La différence? La dénomination de la fonction: le filtre protège la peau des rayons UV, l’absorbeur protège le cosmétique des rayons UV qui pourraient altérer ses qualités cosmétiques. Raison pour laquelle on le trouve dans de nombreuses crèmes solaires en complément du dioxyde de titane et en particulier dans les cosmétiques bio, tel que certains produits Melvita ou Dermatherm, disponibles en Suisse.
Jeu sur les mots
Pour Laurence Wittner, directrice du site internet l’Observatoire des cosmétiques, les fabricants jouent, dans les faits, souvent sur les mots: « Si les règlementations sont assez claires, il suffit pour être en règle avec la loi de ne pas mentionner l’oxyde de zinc en tant qu’écran solaire et de ne pas le mentionner comme tel dans le dossier cosmétique… même si c’est bien sa fonction première ».
Dès 2013, les fabricants suisses et européens seront tenus de mentionner la présence de nanoparticules dans les cosmétiques mis sur le marché. Voilà qui devrait permettre d’y voir plus clair.
En attendant, impossible pour le consommateur de savoir si l’oxyde de zinc présent dans des crèmes solaires l’est sous forme de nanoparticules ou non. Si vous souhaitez éviter ce composant, sachez que celui-ci apparait en général dans la liste d’ingrédients sous la mention « zinc oxide ». Et Laurence Wittner de rappeler : « Mieux vaut une crème solaire aux ingrédients contestés que pas de crème solaire du tout ! »
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