19.11.2019, Aude Haenni
Pas besoin d'aller chercher cette microalgue en Chine ou en Equateur. Elle se fabrique aussi en Suisse, notamment dans les cantons de Vaud et du Jura. Présentation d'un savoir-faire façon helvétique.
A peine la porte des serres franchie, la température surprend, à Lonay (VD) comme à Montignez (JU). «L’eau des bassins doit se situer entre 18°C et 35°C, idéalement à 25°C, pour que la spiruline se développe», indique Stéphane Sasvari, producteur de cette microalgue bleue en terre vaudoise.
L’été a été propice à la récolte. Néanmoins, en Suisse, loin des contrées où la cyanobactérie se développe naturellement depuis plus de trois milliards d’années, les arbres perdent leurs feuilles, l’humidité s’installe, la lumière baisse. «Ces détails font prendre conscience que la qualité va gentiment décliner», fait savoir l’agriculteur jurassien Mathieu Etique. Les bassins seront ponctuellement brassés, mais les derniers lots que certains considèrent comme un superaliment sont récoltés en octobre.
A première vue, la récolte est simple, répétitive. Le savoir-faire est pourtant nécessaire, acquis entre tâtonnements, visites de productions à l’étranger et cours auprès de la Fédération des spiruliniers de France.
Quotidiennement nourrie d’azote, de CO2 et de minéraux dans une eau qui reproduit son biotope, la spiruline vit tranquillement sa vie, s’adaptant à son environnement.
C’est le disque de Secchi (une plaque graduée) qui en mesure la concentration. A taux satisfaisant, la microalgue est ensuite transférée – non sans avoir été filtrée afin d’éviter quelques insectes curieux.
Le milieu de culture est renvoyé en bassin, tandis que la pâte verte est pressée pour en extraire le liquide. «Cela permet d’enlever les résidus, mais surtout l’eau, très alcaline, à un taux de pH supérieur à 10», souligne Stéphane Sasvari. Pressée dans de la toile de fromager chez les Vaudois, dans une valise à vacuum chez les Jurassiens: à chacun son procédé.
L’étape suivante – la réalisation des spaghettis – est d’ailleurs bien plus artisanale chez ces derniers, qui utilisent un ancien pressoir… à saucisses!
Installés sur des claies dans un espace ventilé équipé d’un déshumidificateur, lesdits spaghettis sèchent à basse température six à huit heures à Lonay, un peu moins de six sur des plaques en inox à Montignez. «C’est le temps qu’il faut pour ne pas perdre en qualités nutritionnelles, souligne Mathieu Etique. Après, la spiruline s’oxyde, devient bleue.»
Les plaquettes séchées se transformeront en paillettes à la force des mains de sa femme Morgane, responsable de la production. «C’est la dernière machine que l’on n’a pas encore trouvée», rigole-t-elle, un peu jaune: cette dernière étape prend un temps considérable. La spirulinière se ralliera possiblement à l’astuce de Christophe Sasvari qui, lui, termine les brindilles au robot-coupe.
Pas de gaspillage
L’entier des productions romandes est conditionné dans un sachet étanche, le temps de recevoir le compte-rendu de l’échantillon envoyé en laboratoire. La Spiruline des P’tits Prés ne fait pas partie des produits analysés, le couple d’agriculteurs assurant sa production avant la vente. «Nous mélangeons d’ailleurs le produit sur un mois, car le taux des vitamines fluctue avec la météo», relève Morgane.
Le nettoyage des lieux et du matériel clôt le processus, qui sera réitéré jusqu’à ce que la spiruline soit mise en repos pour l’hiver… Quant aux déchets résultant du travail des Etique, la Boutique d’Ewan, à Courtedoux, les insère dans des cosmétiques solides et liquides. Et les veaux anémiques s’en régalent aussi!
Paru dans FRC Mieux choisir sous le titre «Spiruline: des paillettes dans nos vies», en lien avec le test comparatif «La spiruline est-elle une bonne combine».