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Advergames: on ne joue pas avec la nourriture

Enfants: marketing et malbouffe

3.5.2016, Aude Haenni / Photo: Jean-Luc Barmaverain

Internet et smartphones s’empoignent presque au berceau! L’industrie agroalimentaire l’a compris et s’est engouffrée dans le jeu vidéo pour promouvoir marques et produits. Décryptage.



Mise à jour: suite à l’enquête de mai 2016, les fabricants ont répondu à l’interpellation de la FRC en décembre de la même année. Leurs réactions à lire ici.

Les yeux rivés à l’écran, il tapote frénétiquement sur son smartphone. Vous pensez que votre enfant joue sur Minecraft, Clash of Clans ou Candy Crush? Eh bien non, l’objet de toute son attention est une mascotte qu’on retrouve généralement sur des biscuits ou des yogourts à boire… Bienvenue dans le monde pas merveilleux de l’advergame, cette pub qui avance masquée.

Mise à jour 18.12.16

» Les fabricants répondent

Contraction d’advertising (publicité) et game (jeu), l’advergame est un jeu vidéo dont l’objectif consiste à promouvoir une marque ou un produit. Un support censé être ludique et interactif, mais un outil marketing avant tout. «Le but premier n’est pas forcément de faire vendre. Il s’agit de s’assurer une présence dans l’esprit du consommateur et de créer la notoriété de la marque, dans un contexte positif », explique Julien Intartaglia, professeur de marketing et publicité à la Haute Ecole de gestion Arc Neuchâtel. «En règle générale, les enfants adorent les advergames, ajoute-t-il. Certains y sont carrément accros.»

Les conclusions d’une étude de l’Université de l’Etat du Michigan publiées en 2013 ont d’ailleurs mis en lumière l’influence considérable de ces jeux vidéo sur le comportement de consommation des jeunes. Jouer durant des heures sous-entend une exposition prolongée à la marque, au logo, à la mascotte… Pire: l’intention publicitaire n’est pas manifeste. Et qui est le meilleur prescripteur d’achat en matière de céréales, d’en-cas ou de yogourts à votre avis? Pas besoin de vous faire un dessin.

Entre plaisir et ennui

La FRC a voulu mesurer ces conclusions à l’échelle helvétique, se penchant volontairement sur les sites des marques des 13 firmes agroalimentaires signataires du Swiss Pledge (voir encadré) ainsi que de l’UE Pledge. Nous avons répertorié 13 advergames, trouvés soit via un QR code ou une incitation sur l’emballage, soit directement sur le site de la marque. Certains nous amenaient à télécharger une application sur l’Apple Store et Google Play. Nous avons ensuite constitué un panel de 29 enfants de 6 à 12 ans, chacun devant évaluer quatre jeux. Au menu: Pom-Bär, Princeland (Prince de LU), La Jungle de Coco (Kellogg’s), Cookie Crisp, Jamadu, Nestlé Family, Max Adventures (Lusso), Kiri, Oreo, McDonald’s, Actimel, Danonino et Kinder.

La moitié de nos testeurs en herbe ont pris du plaisir à jouer à un jeu au moins. Ils ont aimé le personnage, les couleurs et/ou l’histoire. Près d’un tiers a admis vouloir rejouer au-delà de cette expérience à l’un ou l’autre de ces advergames. Jayan, 9 ans, fait un pas de plus: il serait même tenté d’acheter des Cookie Crisp et des Pom-Bär. Idem pour Liza, 6 ans, concernant des biscuits Oreo, ou Jean, 12 ans, qui a trouvé que «ça donne faim». Un point que Marine Friant-Perrot, maître de conférences, relève dans le documentaire Malbouffe sans frontières: «On mange avec les yeux! Visionner des images d’aliments, ça donne envie d’en manger.»

«J’aime les Oreo mais ce jeu ne donne pas envie d’en acheter: il est un peu nul. La même chose pour La Jungle de Coco: à part un tableau qui m’a plu, je n’y rejouerai pas. C’est pour les 7-9 ans.» Jeanne, 12 ans. Jean-Luc Barmaverain

«J’aime les Oreo mais ce jeu ne donne pas
envie d’en acheter: il est un peu nul. La
même chose pour La Jungle de Coco: à
part un tableau qui m’a plu, je n’y rejouerai
pas. C’est pour les 7-9 ans.»
Jeanne, 12 ans. Jean-Luc Barmaverain

Cela étant, hormis quelques advergames qui ont tiré leur épingle du jeu, le résultat d’ensemble est bien loin du compte. Les enfants ont été plutôt critiques: «nul», «musique ennuyeuse», «trop fastoche», «moche», «énervant», «bruits fatigants» sont autant de termes avec lesquels ils ont décrit leur test. Le psychologue et président de Gaming Federation, Niels Weber, s’en explique: «Vu le boom du jeu vidéo, les marques se disent qu’elles doivent aussi en créer un. Mais l’intention de vendre ne suffit pas: le jeu vidéo, qu’il soit thérapeutique, pédagogique ou marketing, doit être efficace et fun avant tout.» Visionnant les produits de notre sélection, le spécialiste considère que la majorité de ces jeux sont restés coincés dans une autre époque, les années 1990. «Il y a plus une volonté de réaliser un article commercial qu’un jeu stimulant. On prend l’enfant pour un réceptacle à pub», conclut-il. Julien Intartaglia tempère: «Certains éléments peuvent être bien perçus, comme la facilité de la prise en main, l’efficacité du jeu, la personnalisation de l’interface… En revanche, ils sont davantage destinés à un public très jeune. Pour tenir un préadolescent en haleine, il faudrait plus de complexité; le jeune a besoin de défis!» Et c’est bien là que cela pèche…

Le but recherché – créer un lien émotionnel durable avec la marque – rate donc sa cible car la plupart de nos petits testeurs, lassés ou agacés, l’affirment: leur expérience a changé leur regard sur le produit: «Sur ce site, rien ne me plaît! Je ne mangerai plus jamais de Pom Bär», ose clamer Guillaume, 10 ans. Pour que la sauce prenne, certains ingrédients sont impératifs: «Le jeu doit être intuitif, développe Niels Weber. Sinon, l’enfant passe à autre chose.» En témoigne l’abandon de certains, qui se sont ennuyés ou se sont retrouvés confrontés à des difficultés ou des bugs. Or rien ne frustre plus un joueur qu’un problème technique qu’il ne peut pas surmonter. Autre point sensible: en cherchant à surfer sur la renommée de jeux connus, les univers de ces advergames manquent d’originalité. «Pom-Bär, c’est un peu le Super Mario de mes parents», rigole Zélie, 12 ans, et l’application Oreo «ressemble à Fruit Ninja, mais en moins bien», font remarquer Naomi, 9 ans, et Romain, 11 ans.

«Bon ou mauvais jeu, telle n’est pas la question, conclut Barbara Pfenniger, responsable alimentation à la FRC. Le rôle des adultes est de veiller à rendre l’enfant attentif à l’envers du décor. Il faut se souvenir que l’effet de la publicité pour une marque augmente la consommation de tous les produits qu’elle chapeaute. Et malheureusement, on retombe toujours sur les mêmes travers: trop gras, trop salé, trop sucré!»

Plus d’infos dans le dossier Marketing enfants
L’article entier, mai 2016: FRC-Mieux-choisir-88-advergames
Le rapport complet, mis à jour le 16 décembre 2016: frc-advergames
La version alémanique (SKS)

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Interpellation des grands distributeurs

 
Nous demandons aux distributeurs

  • cesser le marketing agressif sur les fraises, mais également sur d’autres denrées hors saison, que ce soit en rayon ou dans les différentes publications destinées à vos clients (catalogues, magazines, journaux, newsletter, etc.) ;
  • renoncer à disposer les fraises espagnoles aux endroits stratégiques de vos points de vente, à savoir en face de l’entrée, sur des ilots dédiés, ou en tête de gondoles ;
  • ne pas recourir à des mises en scène pour vendre la fraise hors saison (à savoir jusqu’en avril), en l’associant par exemple à de la crème et des tartelettes. Une demande valable aussi pour d’autres denrées, comme les asperges du Pérou associées à de la mayonnaise, viande séchée ou autre ;
  • indiquer clairement, de manière bien visible et transparente le pays de provenance ainsi que les noms des producteurs de fraises importées, que ce soit sur les affichettes qui accompagnent ces fruits en rayon, dans les publicités ou sur le dessus des barquettes ;
  • ne plus utiliser de formulations qui peuvent induire en erreur le consommateur sur la saison de la fraise en Suisse. Une demande valable pour la mise en rayon, ainsi que toute publication ;
  • être en mesure de prouver toute allégation de durabilité concernant l’assortiment.

Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)