29.10.2018, Robin Eymann
La récente sanction du Ministère public confirme l’infraction et démontre la limite des lois actuelles.
Rappel des faits: début 2016, un client contacte le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) après avoir constaté une irrégularité dans la filiale d’Ochsner Sport de Nyon (VD). Il avait en effet acheté une lampe frontale étiquetée à 34 fr. 90 au lieu de 59 fr. 90. C’est ce rabais qui l’avait séduit. Chez lui, il décolle le prix et découvre dessous une autre étiquette… à 34 fr. 90, soit le prix d’avant les soldes. Le Seco mandate donc la Police du commerce vaudoise pour procéder à des vérifications dans les succursales d’Ochsner Sport. L’enquête démontre une pratique généralisée. De son côté, la FRC révèle l’affaire en septembre 2016, dénonçant le cas au Ministère public.
Le jugement est tombé: Ochsner Sport est condamné à une amende de 4000 fr., qui sanctionne une pratique récurrente au niveau national. Un montant qui interpelle lorsqu’il est mis en regard du chiffre d’affaires du leader des articles sportifs – un milliard – et de l’aspect régulier de ces agissements. Or la loi est ainsi faite: en cas d’infraction à l’Ordonnance sur l’indication des prix, c’est la personne physique qui a violé la loi qui doit être sanctionnée d’une amende maximale de 20 000 fr.
Malgré sa longue enquête et l’audition notamment de membres du conseil d’administration, le Ministère public n’a pas trouvé le coupable. Dans ce cas, si l’amende est inférieure à 5000 fr., le procureur peut sanctionner l’entreprise plutôt que de mener de plus amples investigations. Ochsner s’en sort donc très bien, alors que la Police du commerce avait découvert ce qui s’apparente à une stratégie nationale de tromperie.
Loi dépassée
La FRC salue cette condamnation et s’attendait à une sanction faible, mais la situation n’en demeure pas moins préoccupante. Les limites de la loi sont criantes: les amendes devant s’adresser à une personne physique, les montants se révèlent ridicules pour une entreprise d’envergure. En effet, si cette manière de procéder avait tout son sens pour sanctionner les gérants de petits magasins indépendants dans les années 1980, date d’entrée en vigueur de la loi, elle est aujourd’hui totalement dépassée. Les politiques de prix se décident au siège d’entreprises opérant au niveau national voire international, pas dans les succursales.
Avec des sanctions inférieures à 5000 fr. alors que la volonté de tromper le consommateur est avérée, c’est un appel d’air pour d’autres entreprises qui pourraient opter pour un tel modèle d’affaires. C’est aussi une claque pour les autorités: pourquoi les Polices du commerce devraient-elles mobiliser leurs faibles ressources pendant des mois si la sanction ne couvre au final même pas le coût de l’enquête?
Il conviendrait de renforcer la réglementation pour que les sanctions en matière d’infraction à l’affichage des prix soient dirigées contre les personnes morales et non plus contre les personnes physiques. C’est pourtant la voie inverse qu’a choisie le Conseil des Etats, qui a accepté une motion visant à alléger l’Ordonnance sur l’indication des prix. Un affront pour les consommateurs, et qui ne tient pas compte des réalités du terrain.