14.9.2016, Robin Eymann / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Un Vaudois a constaté une irrégularité sur une étiquette chez Ochnser Sport. Son geste a mené à une enquête de grande envergure, mettant en cause la chaîne du leader suisse des articles de sport.
En décembre 2015, Paul* achète une lampe frontale dans une filiale d’Ochnser Sport à Nyon (VD). Il est persuadé de faire une bonne affaire. En effet, l’étiquette indique que le produit lui revient à 34 fr. 90 au lieu de 59 fr. 90. Une jolie économie! Il reconnaît que c’est d’ailleurs cette baisse de prix qui le pousse à l’achat. Arrivé chez lui, le Vaudois enlève l’autocollant indiquant le prix baissé. Dessous, il découvre alors que le prix avant soldes était en fait de… 34 fr. 90, soit un prix identique au prix barré. Consternation. Paul se sent berné.
Volet politique lancé sans succès
Janvier 2017 – Rebecca Ruiz, conseillère nationale vaudoise, a déposé une interpellation à la session d’hiver: «Il s’agit d’une violation grave de la loi. J’ai demandé au Conseil fédéral ce qu’il pensait de cette affaire et des sanctions encourues. Les consommateurs doivent être protégés de telles pratiques illégales.».
Février 2017 – Le Conseil fédéral a répondu à l’interpellation de la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/VD) concernant le groupe Ochsner, dont les agissements répréhensibles avaient été rendus publics par la FRC. Le Conseil fédéral estime que l’amende maximale de 20000 fr. ainsi que le simple avertissement envoyé par le Seco ne posent pas de problème. Pour une entreprise qui a un chiffre d’affaires de 1 milliard et qui a mis en place une stratégie à l’échelle nationale pour tromper le consommateur, la réponse laisse un goût amer. La balle est désormais dans le camp du Ministère public.
Le Vaudois décide de ne pas en rester là. Il contacte le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), chargé de la haute surveillance de l’indication des prix. L’instance mandate à son tour la Police du commerce vaudoise pour procéder à des vérifications dans les succursales d’Ochsner Sport. L’Ordonnance sur l’indication des prix (OIP) interdit en effet de pratiquer ce type de «faux prix barrés».
Au fur et à mesure que l’enquête avance, l’ampleur de l’affaire se dévoile: des indices laissent entendre que plusieurs cantons sont concernés par cette pratique, selon le Seco. L’organisme fédéral reprend la main sur le dossier et contacte Ochsner. L’entreprise reconnaît les faits: contactée par la FRC, elle reconnaît d’ailleurs des «irrégularités» mais, toujours selon ses dires, refuse de parler d’une stratégie visant à tromper le consommateur. Or, la FRC estime pour sa part que la seule existence de ces étiquettes préimprimées qui valorisent le prix baissé (photo en médaillon) laisse penser qu’on est loin d’un acte isolé.
Fait réjouissant, le groupe s’engage à se mettre en conformité avec la loi… d’ici au 1er octobre 2016. Mais ne devrait pas être amendé pour autant, le Seco n’ayant pas qualité pour agir. Evidemment, aux yeux de la FRC, l’affaire ne peut en rester là, l’entreprise ayant reconnu avoir violé la loi, sans préciser d’ailleurs sur quelle durée il avait pratiqué ses faux prix barrés. La FRC a donc dénoncé le cas au Ministère public le 13 septembre 2016: il s’agit de donner le signal à toute la branche commerciale que l’OIP ne peut être violée impunément (lire encadré).
Cette histoire rocambolesque aura au moins eu le mérite de démontrer que l’action d’un simple consommateur a permis de saisir une instance fédérale pour forcer une entreprise à lui faire changer ses pratiques anticoncurrentielles. Interpellé sur le résultat de l’enquête, le Chef de la Police cantonale du commerce, Albert von Braun, se réjouit que le cadre légal ait permis de corriger ces pratiques, et qu’à cet égard l’enquête menée ait porté ses fruits. Un argument de plus, s’il en fallait un, pour scruter attentivement vos étiquettes lors de tout achat.
*prénom d’emprunt