9.5.2017, Laurianne Altwegg / Photo: fxxu/shutterstock.com
Quels sont les enjeux et conséquences de la votation sur l’énergie pour les consommateurs? Analyse et position de la FRC.
Soyons clairs: la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral est loin d’être parfaite et fera grincer des dents consommateurs comme entreprises. Elle n’en est pas moins nécessaire pour permettre à la Suisse de réduire son impact environnemental et social et d’agir concrètement pour diminuer sa dépendance aux sources d’énergies non renouvelables. Concrètement, cette stratégie vise à réduire la consommation d’énergie (pétrole, gaz, électricité), à améliorer l’efficacité énergétique et à promouvoir les énergies renouvelables comme l’hydraulique, le solaire, l’éolien, la géothermie et la biomasse. Pour cela, un premier paquet de mesures a été accepté par le Parlement en septembre 2016, lequel implique la révision de la Loi sur l’énergie (LEne) et la modification de onze autres lois, dont celles sur le CO2, sur l’énergie nucléaire et sur l’approvisionnement en électricité.
Détail de l’objet soumis au peuple | Dans le but de réduire la consommation d’énergie (43%) et d’électricité (13%) d’ici à 2035, des mesures sont tout d’abord prévues dans le domaine des bâtiments (assainissement énergétique), des transports (émissions de CO2 des véhicules) et des appareils électriques (soutien au remplacement d’appareils inefficaces). Mais la Loi sur l’énergie intègre surtout des objectifs chiffrés en matière de développement de la production d’électricité issue des nouvelles énergies renouvelables et de l’hydraulique. Pour les atteindre, il est prévu de renforcer le système de subventions existant en modifiant la manière dont est rétribué le courant injecté dans le réseau par les nouvelles installations d’énergies renouvelables ou en offrant une participation à l’investissement dans de petites installations. Le financement de ces mesures d’encouragement est assuré par un fonds soutenu par le supplément sur le réseau déjà payé par les petits consommateurs, lequel passera de 1,5ct./kWh à 2,3ct./kWh et dont un quart (0,2 ct./kWh) bénéficiera aux grandes installations hydroélectriques existantes. Une augmentation estimée à 40 fr. par an pour un ménage de quatre personnes et limitée à 2030.
Suite à l’accident de Fukushima en 2011, l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires a également été intégrée à la Stratégie énergétique, permettant ainsi d’ancrer l’abandon de cette technologie dans la loi.
Position de la FRC | La FRC soutient depuis de nombreuses années les objectifs de la Stratégie énergétique 2050, c’est pourquoi elle recommande de voter oui dans le cadre de la votation du 21 mai. Elle estime en effet que la Suisse doit agir de manière responsable et se tourner vers les énergies vertes pour garantir son approvisionnement. Elle est toutefois consciente du fait que le remplacement de l’énergie nucléaire nécessitera dans un premier temps la mise en place de centrales à gaz et une dépendance accrue aux importations de courant. Or, le mix électrique de nos voisins n’est pas aussi vertueux que celui souhaité dans le cadre de la Stratégie énergétique (nucléaire, gaz) et se reposer sur leur production comporte des risques (disponibilité de la production, congestions de réseau, etc.). La FRC estime donc que la Stratégie énergétique nécessitera immanquablement des adaptations selon l’évolution de la situation.
Défauts du premier paquet de mesures | Malgré ce soutien de principe, la FRC estime que la mise en œuvre du premier paquet de mesures comporte de nombreux défauts et met exagérément le petit consommateur à contribution. Ses arguments sont exposés dans sa réponse à la consultation sur les ordonnances d’application de cette première étape de la Stratégie. Dans sa prise de position, elle combat particulièrement les dispositions impliquant un effort financier inéquitable entre petits consommateurs et entreprises privées, qui ont pour conséquence de faire davantage porter le soutien à la transition énergétique par les ménages et les PME.
Les cas du supplément de 2,3ct./kWh payé exclusivement par les petits et moyens consommateurs (car remboursé aux grands) en est une illustration flagrante; c’est pourquoi elle est opposée à son augmentation, sauf si tous y contribuent. De plus, elle est très critique à l’égard de la nouvelle disposition visant à attribuer 0,2ct./kWh de ce supplément pour aider les grandes centrales hydrauliques à couvrir leurs coûts de production, estimant que le lobby des producteurs est en train de faire discrètement passer ici et là des mesures visant à régler ses problèmes financiers sur le dos des petits consommateurs.
D’autres dispositions désavantagent également les privés qui souhaiteraient investir dans des installations photovoltaïques, laissant l’amère impression que les petits consommateurs sont davantage considérés comme une source de financement inépuisable que comme de véritables acteurs du tournant énergétique. La FRC défend ainsi la révision de ces dispositions, mais surtout la redéfinition des droits et devoirs des petits consommateurs, afin que ceux-ci ne deviennent pas les vaches à lait de la Stratégie énergétique.
Deuxième paquet de mesures prévu | Initialement, le Conseil fédéral souhaitait que le premier paquet de mesures, basé sur des subventions et limité dans le temps, soit ensuite remplacé par des dispositions incitant à réduire la consommation de la population. Pour cela, un système de taxes incitatives (donc par principe élevées, mais remboursées à l’instar de la taxe CO2), était prévu dans un second temps. Le «système incitatif en matière climatique et énergétique» (SICE) proposé est toutefois aujourd’hui pratiquement enterré (refusé par le National et la Commission des Etats, son rejet définitif devrait intervenir en juin), c’est pourquoi la suite de la mise en œuvre de la Stratégie énergétique devra être redéfinie.
La campagne actuelle des référendaires sur la votation du 21 mai est donc trompeuse, car non seulement les montants annoncés (3200 fr. par ménage et par an) intègrent les dispositions du second paquet de mesures qui ne fait pas l’objet de cette votation, mais cette somme auraient de plus été remboursée dans le cadre du SICE. Ainsi, glisser un oui dans l’urne n’implique pas de signer un chèque en blanc pour la suite de la Stratégie énergétique, mais uniquement d’accepter ses objectifs et les modifications des lois réellement validées par le Parlement.