30.4.2019, Sandra Imsand, Robin Eymann – collaboration Flavio Perret-Gentil-dit-Maillard / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Une vaste enquête de près d’un an portant sur les indications de prix a permis de découvrir des irrégularités. Nous avons porté plainte contre Conforama.
Au départ de cette enquête au long cours, «l’affaire Ochsner», qui a fait grand bruit. Pour rappel, un client avait découvert que le prix initial d’un article avait été artificiellement gonflé pour faire croire à un rabais conséquent. Une pratique commerciale qui constitue une infraction flagrante à l’Ordonnance sur l’indication des prix (OIP). La FRC l’avait révélée publiquement en 2016, la dénonçant au Ministère public. Une enquête menée par la Police du commerce vaudoise avait alors démontré une pratique généralisée dans les succursales du groupe. Au final, Ochsner Sport a été condamné à une amende de 4000 francs en 2018. Le montant, quasi symbolique au vu du chiffre d’affaires de l’entreprise, et contre lequel notre association n’avait pas manqué de s’insurger, s’explique par les limites de la loi.
Ce cas était-il isolé? Ou, au contraire, d’autres enseignes montraient-elles des pratiques similaires? Notre enquête est d’une envergure jamais réalisée en Suisse romande. Car les Polices du commerce, bien qu’en charge de la bonne application de l’OIP, manquent de moyens pour mener des enquêtes sur la durée. C’est là que la FRC et son vaste réseau d’enquêteurs ont pu jouer un rôle déterminant.
Nous avons collecté un grand nombre de témoignages évoquant des affichages de prix étranges, des fausses actions possibles et des indications suspectes. La grande majorité concernait des appareils électroniques et électroménagers. Nous nous sommes donc concentrés sur les enseignes proposant cette catégorie d’articles. Pour déterminer notre champ d’action, nous avons retenu quelques enseignes, nous intéressant à celles qui possédaient plusieurs filiales réparties dans différents cantons. Notre choix final s’est porté sur M-electronics, Fust, Interdiscount et Conforama. En parallèle, nous avons aussi exercé une surveillance accrue de leurs sites internet respectifs. La réflexion sur le choix des commerces a été menée de concert avec les antennes régionales de la FRC qui, pour certaines, reçoivent des mandats de leur canton respectif pour des contrôles concernant l’OIP. Ainsi, l’idée était de déterminer si les problèmes, pour autant qu’il y en ait, étaient liés à un point de vente spécifique ou relevaient plutôt d’une politique à l’échelle régionale, voire nationale.
Un prix barré ne signifie pas forcément que l’on fait une bonne affaire.
Sueurs froides sur le terrain
L’opération délicate du suivi, nos enquêteurs l’ont menée durant six mois au moins, voire presque un an, de juin 2018 à début avril 2019. Chacun a observé une liste de produits choisis à l’avance et a fait des pointages très réguliers en magasin ou en ligne. Tout changement de prix devait être dûment consigné et documenté. Le traitement attentif de cette masse de données devait ensuite nous permettre de savoir si l’Ordonnance sur l’indication des prix était bien respectée ou s’il y avait des soupçons d’infraction.
L’enquête n’a pas été de tout repos, et pour trois raisons. Primo parce qu’elle exigeait des enquêteurs une rigueur extrême et une grande disponibilité sur une longue période. Deuzio parce que le choix des articles s’est avéré délicat à gérer: dans de nombreux points de vente, notamment ceux situés dans les centres urbains, l’assortiment a fortement varié en peu de temps. Parmi les produits sélectionnés, nombreux sont ceux qui ont disparu, qui ont été remplacés ou qui ont changé de référence. Un casse-tête. Tertio, en qualité de clients mystères, les enquêteurs devaient faire preuve de la plus grande discrétion en magasin. Sachant qu’il faut partir à la recherche de 50 produits disséminés dans des rayons pas toujours très bien organisés, chapeau bas! Malgré quelques sueurs froides, ils ont mené leur mission avec brio. Au final, plus de 350 produits, dont des télévisions, des imprimantes, des frigos, des meubles et divers petits et gros appareils électroniques et électroménagers, ont été suivis dans quinze filiales de quatre enseignes différentes.
Cette récolte énorme de documents, de relevés et de photos achevée, il a fallu les classer et les comparer afin d’obtenir une idée précise de l’évolution du prix de chaque article. S’y sont ajoutées de nombreuses remarques des enquêteurs, dont certains ont fait part d’éléments étranges au cours de leur visite.
Conclusions et soupçons
Et le résultat de ce travail de fourmi? Plusieurs cas nous ont interpellés, avec des anomalies à divers degrés. Nous avons transmis ces irrégularités aux Polices du commerce des cantons concernés afin qu’elles puissent mener désormais leurs propres enquêtes. Pour ne pas les compromettre, nous ne rentrerons dans dans les détails ici, mais nous suivrons ces affaires de près et ne manquerons pas d’en relater les suites éventuelles.
L’enseigne qui nous a donné le plus de fil à retordre est Conforama. Nous y avons relevé plusieurs pratiques douteuses. Résultat qui a amené nos enquêteurs à concentrer leurs efforts sur cette enseigne française en visitant plusieurs de ses filiales. Présent en Suisse depuis 1976, Conforama se positionne comme un leader des équipements pour le foyer vendus aux meilleurs prix. Il est ainsi très fréquent de trouver dans ses points de vente des produits dont le prix est barré, proposant une réduction importante par rapport au tarif d’origine. Une pratique qui séduit et attire inévitablement les personnes en quête de bonnes affaires. Or nos relevés nous permettent de soupçonner que l’enseigne prend des libertés avec la loi. L’OIP fixe en effet de manière très claire l’affichage des prix, la façon d’indiquer les rabais ainsi que leur durée.