26.10.2021, Jean Busché / Photo: shutterstock.com
L’internaute pense être libre de ses décisions sur la Toile. Il n’en est rien: des pratiques trompeuses et bien rôdées encadrent ses choix et ses clics, en particulier lors d’un acte d’achat. Explications.
Vous acceptez tous les cookies au lieu de patiemment décocher chaque case? Vous restez inscrit sur un site sans jamais rien commander? Malgré vos tentatives de désinscription, vous continuez de recevoir cette satanée newsletter? En chinant pour réserver un prochain séjour, vous avez en fait pris un hôtel au-delà de votre budget? C’est normal. L’architecture de ces plateformes est faite pour vous influencer. Bienvenue dans un labyrinthe qui se joue de vos décisions!
De quoi parle-t-on? | Les dark patterns sont des types d’interfaces qui désorientent l’utilisateur dans le but de l’influencer afin qu’il effectue une action. La finalité est commerciale: pousser à l’achat ou à la souscription, à ne pas quitter la plateforme ni à se désinscrire. Les consommateurs seraient deux à quatre fois plus enclins à réaliser une action dans un environnement contenant des dark patterns. Cette problématique, thématisée en 2010 par Harry Brignull qui se définit comme «expert en pratiques numériques trompeuses», commence à préoccuper les associations de consommateurs européennes.
Pourquoi est-ce un problème? | Les dark patterns contribuent à vulnérabiliser le consommateur dans son expérience en ligne. En 2019, la première étude d’envergure a déterminé que sur 11 000 sites commerciaux, 11% en contenaient. En 2020, le même type de recherche concluait que 95% des applications gratuites du Play Store de Google avaient recours à des modes de tromperie digitale.
Quelles formes cela prend-il? | Les plateformes modifient l’espace de décision ou manipulent l’information visible. Elles présélectionnent certaines options comme le «choix» d’accepter ou non une kyrielle de cookies ou en imposant la création d’un compte pour accéder à un contenu. Une pratique répandue est de jouer sur la «Fomo» (fear of missing out ou peur de manquer). Booking, p. ex., mitraille ses clients de messages alarmistes quant au peu d’offres encore disponibles à un prix donné. D’autres jouent sur un terrain plus psychologique en opposant un «bon choix» à une alternative contenant un jugement, le but étant d’y associer un sentiment de honte. Amazon Prime propose ainsi soit de s’inscrire, soit de «renoncer à des livraisons rapides et illimitées». Autre manière de procéder: prendre la forme de fausses directions par le biais de codes couleurs ou de doubles négations. Mais le plus courant est de jouer sur l’obstruction, comme lorsqu’une inscription se fait en un clic mais que se désinscrire en prend… bien plus. Le Conseil norvégien de la consommation a ainsi porté plainte contre Amazon, l’accusant de rendre le processus de désabonnement particulièrement compliqué.