Score environnemental

«Les gens souhaitent agir. Notre outil le leur permet»

L’association française UFC-Que Choisir a intégré l’impact environnemental des ingrédients dans l’évaluation des produits cosmétiques et détergents. Rencontre avec l’une des responsables de ce projet, Gaëlle Landry.
Enjeux collectifs Impact environnemental

23 janvier 2024

Chimiste de formation, Gaëlle Landry occupe, depuis une vingtaine d’années, le poste de cheffe de projet pour le département des tests comparatifs au sein de l’UFC-Que Choisir. Avec le temps, elle s’est spécialisée dans le domaine des cosmétiques. Répondant à une demande croissante des consommateurs, cette rédactrice technique et son équipe ont élaboré une base de données évaluant la nocivité des produits cosmétiques et détergents sur l’environnement aquatique. Le grand public ne connaît pas tout le travail de l’ombre, mais utilise quotidiennement l’application Quel Produit.

Mesurer l’impact environnemental d’un produit ne va pas de soi. À quels écueils vos équipes sont-elles confrontées? L’avis qui est émis sur l’impact de telle ou telle substance est forcément une approximation. Il n’y a pas de vérité absolue, notamment parce que nous ne connaissons pas le détail des compositions. Notre raisonnement est binaire, il se base sur la présence ou absence des molécules sans connaissance de leur concentration dans les produits. Aussi, la conclusion sur le risque environnemental des articles est exprimée avec un «Envi-score», allant de «peu ou pas de substances problématiques» à «une substance à éviter ou nombre trop important de substances problématiques».

Quels scores figurent dans votre application? Dans les tests, l’analyse porte systématiquement sur le rapport contenu/contenant, la quantité de produit restante, le suremballage, la recyclabilité du matériau, l’emploi de matière recyclable. Nous sommes conscients des limites de l’exercice: notre travail n’est qu’une partie d’un tout, centré sur l’après-utilisation via l’évaluation de l’impact des ingrédients, de leurs dangers pour la faune aquatique. Notre analyse est perfectible, c’est indéniable, mais l’éclairage est intéressant car il permet de mettre en avant les formules qui se passent d’ingrédients problématiques.

Certains critères n’apparaissent pas. Pourquoi? Nous n’analysons pas les emballages. Nous n’évaluons pas non plus tout ce qui se passe à la fabrication (procédé de production, énergies, production de gaz à effet de serre…), ni même ce qui se passe avant comme le sourcing des ingrédients (extraction, production des matières premières) ou encore le transport… Comme pour les concentrations des ingrédients dans les recettes des produits, nous n’avons pas accès à ces informations.

«Notre analyse est perfectible, mais elle permet de mettre en avant les formules qui se passent d’ingrédients problématiques pour la vie aquatique.»

Comment passe-t-on d’une multitude de critères à une note finale, qui doivent les uns comme l’autre rester objectifs et impartiaux? En réalité, ce n’est pas si compliqué, d’autant qu’attribuer des notes aux produits est la base de notre métier. Dans toutes les études comparatives, nous devons passer de résultats de mesures à une notation. Pour cela, nous analysons les données avec les laboratoires dont l’expérience est précieuse, nous cherchons des valeurs de référence dans les publications scientifiques, dans les textes de normes… Par exemple, les critères de l’écolabel servent à attribuer un score à la quantité de produit qui reste dans les flacons en fin d’utilisation.
Pour la notation environnement c’est pareil, nous disposons d’un résultat sur le niveau de danger intrinsèque des substances pour les organismes aquatiques. Cette donnée, nous devons la convertir en une valeur chiffrée. Chaque substance se voit donc notée pour obtenir à la fin une somme, dit autrement le score du produit n’est ni plus ni moins que la simple addition des scores de toutes les substances qu’il renferme.

Sur quoi vous appuyez-vous pour déterminer un seuil de danger? Le niveau de danger pour les organismes aquatiques des ingrédients est basé, d’une part, sur la classification de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), d’autre part sur le travail réalisé par un laboratoire spécialisé en analyse environnementale, notamment pour les molécules les plus susceptibles de nocivité et les plus fréquemment utilisées par les fabricants. Pour chaque substance, les toxicologues ont tenu compte de la dangerosité sur les algues, poissons et daphnies, de la propension à s’accumuler dans les organismes, de la biodégradabilité et pour les filtres solaires, de l’effet sur les coraux.

Les marques ne sont pas forcément contentes des résultats. Avez-vous une équipe dédiée à gérer les contestations? Cela arrive mais surtout chez les leaders, qui ont développé leur propre système de notation environnementale. Nous échangeons avec eux en toute transparence sans occulter les imperfections de notre système. La plupart disposent réellement de peu de données et sont souvent demandeuses de précisions. Nous leur fournissons volontiers les résultats détaillés de leurs produits, les données bibliographiques, les valeurs brutes. Le but est qu’ils se forment, améliorent leur connaissance du sujet et aient les clés pour accroître la qualité de leurs articles.

Le consommateur est-il demandeur de ce type de critère? Oui. Nos lecteurs nous le disent et les tendances de consommation le confirment. Les gens souhaitent agir. Ils ont compris qu’ils pouvaient apporter leur pierre à l’édifice par des choix de consommation différents. Le boom des shampooings solides et du vrac illustrent le signal fort qui a été envoyé aux marques: on ne veut plus d’emballage plastique (Gel douche et shampoing casse tête écologique).

Le client est confronté à de multiples labels, éco-scores. Certains sont avérés, d’autres purement marketing. Comprend-il qu’il peut se fier à votre outil? Il existe déjà de nombreux référentiels sur les produits mais les consommateurs les plus avertis ne leur accordent que peu de crédit. Ceux qui ont appris à décrypter le marketing se tournent naturellement vers des organismes comme le nôtre qui les rassurent car ils savent que chez nous la publicité n’a pas sa place. Ils connaissent notre indépendance et nous accorde une crédibilité scientifique. Nous avons la chance que les consommateurs nous fassent confiance.

L’application Quel Produit, c’est:

  • 6 personnes: 2 ingénieurs, 2 informaticiens, 1 maquettiste, 1 chef de projet
  • 2 ans de développement• 7321 substances évaluées
  • 239 substances dangereuses pour les milieux aquatiques présentes dans les cosmétiques et détergents mises au jour
  • 20 000 euros d’investissement (hors coût salarial)

Vu d’ailleurs: UFC-Que Choisir

Cette association à but non lucratif a été créée en 1951, soit huit ans avant la FRC. Elle est la doyenne des associations de consommateurs d’Europe occidentale. Comme la nôtre, elle a pour mission d’informer, conseiller et défendre la population. Elle se mobilise aussi pour une consommation responsable, respectueuse des enjeux sanitaires, environnementaux et sociétaux. Elle édite ses propres médias papier et numérique, bénéficie d’un réseau de proximité et se fait entendre sur le plan politique et législatif, le tout dans une indépendance financière totale. Son équipe est forte de 138 salariés, dont 18 se consacrent aux tests comparatifs. En 2023, les tests ont concerné 2184 produits qui ont subi 145 mises à jour sur le site. Les onze éditions du mensuel Que choisir ont porté sur un total de 1488 produits testés, soit 74 tests.

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