3.2.2022, Laurianne Altwegg
L’idée fait son chemin depuis plusieurs années déjà: les reçus imprimés tendent à disparaître. Pourquoi et avec quelles alternatives? Quels avantages et quels risques pour le consommateur? Tour d’horizon et conseils.
Alors que les tickets ne seront plus systématiquement remis aux clients en France à partir du 1er janvier 2023, les démarches des principaux distributeurs suisses vont dans le même sens:
- Chez Coop, les clients qui utilisent les caisses automatiques peuvent choisir d’imprimer ou non un reçu. Aux autres caisses, seuls ceux disposant d’une Supercard peuvent décider d’y renoncer pour les recevoir par courriel.
- Depuis peu chez Migros, les détenteurs d’une Cumulus peuvent renoncer à la version papier sur demande. Ils retrouvent ensuite le détail de leurs achats dans l’application du détaillant.
- Chez Lidl, le ticket n’est imprimé que si le client le demande expressément et le format électronique est disponible pour les détenteurs de l’application Lidl Plus.
Pourquoi cette agitation autour d’un bout de papier?
Deux raisons à cela, l’environnement et la santé. Car même si le Conseil fédéral juge qu’«il n’est pas nécessaire de renforcer les efforts de la Confédération en la matière», les analyses effectuées dans les pays voisins démontrent que s’y intéresser n’est pas si futile. En France, l’Université de Strasbourg a évalué l’impact des 12,5 milliards de tickets imprimés chaque année dans l’Hexagone. Loin d’être anodin, il nécessite 150 000 tonnes de papier pour la production desquelles 25 millions d’arbres, 18 milliards de litres d’eau et 22 millions de barils de pétrole sont utilisés.
En Suisse, nous ne disposons pas de statistiques à ce sujet. Si l’on rapporte les chiffres français au nombre d’habitants, on peut toutefois imaginer que 1,5 milliard de tickets sont imprimés chaque année, nécessitant 18 000 tonnes de papier.
En plus des aspects écologiques se posent aussi des questions sanitaires, s’agissant d’une matière qui a longtemps contenu du bisphénol A (BPA) ou S (BPS), perturbateurs endocriniens reconnus. Bien que l’utilisation de papier thermique contenant ces deux substances soit interdite depuis fin 2020, rien n’indique s’il contient du bisphénol F, substitut possible aux BPA et BPS et présentant des problèmes comparables. La possible présence de ces substances implique d’ailleurs que les tickets ne peuvent pas être recyclés et doivent être incinérés avec les ordures ménagères. Un vrai gaspillage.
Le numérique, une solution?
Dématérialiser ces reçus est tentant, d’autant que cela permet de régler le problème des bisphénols. Pour Coop, «le ticket de caisse numérique évite non seulement de gaspiller le papier, mais permet aussi de consulter l’ensemble des reçus précédents à tout moment, et donc de garder une trace des achats effectués». Mais est-ce vraiment écolo de garder tous nos tickets? Assurément non. Car l’envoi de mails et leur stockage nécessitent le fonctionnement de centres de données très gourmands en énergie.
Difficile de calculer l’impact réel, sachant que cela dépend du poids de l’e-mail et sa pièce jointe, du nombre de destinataires, de l’hébergeur, ou encore de la durée de sa conservation dans notre messagerie. Mais à bien des égards, l’écobilan d’un courriel n’est pas plus intéressant qu’un format physique. Même si le stockage dans une application semble plus intéressant (les fichiers sont régulièrement supprimés et aucun courriel supplémentaire n’est envoyé), cette solution reste discutable. L’étude de l’Université de Strasbourg estime d’ailleurs que la dématérialisation ne fait que «déplacer le problème et la source de pollution».
De plus, outre la pollution numérique, ce format pose la question épineuse de la protection des données. S’inscrire sur une application, donner son adresse e-mail, permettre aux détaillants d’analyser nos achats dans le menu détail et de nous faire parvenir des offres: tout cela justifie-t-il un gain environnemental somme toute très relatif? Et que dire des motivations réelles des distributeurs derrière la dématérialisation des tickets de caisse?
Ne renoncez pas entièrement aux tickets
Même si un reçu peut sembler inutile, il est une preuve d’achat parfois indispensable, notamment si l’on souhaite retourner un produit ou actionner la garantie légale. Y renoncer peut donc être bienvenu pour les petites courses – par exemple un café ou un sandwich – mais ne saurait l’être lors d’achats importants. Sans oublier, comme mentionné dans notre article de 2017, que «ceux qui désirent avoir une vue d’ensemble de leur budget devraient continuer à le réclamer, tout comme les clients qui préfèrent y jeter un œil en cas d’erreur de caisse, ce qui est loin d’être rare».
Conclusion: virtuel ou physique, un ticket génère des effets sur la planète, mais ces preuves d’achat restent indispensables dans certains cas. Le bon choix est donc propre à chacun, selon son organisation et ses préférences. Une personne qui fait régulièrement le ménage dans sa messagerie peut par exemple tout à fait opter pour le e-ticket. Mais le choix du papier ne doit pas faire rougir pour autant.