30.10.2018, Karine Pfenniger et Sandra Imsand - coll. Lara Soumillion
Omniprésentes dans et à proximité des établissements du secondaire romand, ces drôles de boîtes à goûter ne veulent pas que du bien aux élèves.
Ils sont dans les bureaux, les gares et les écoles. Si les distributeurs automatiques de boissons et de snacks sont généralement acceptés dans l’espace public et au travail, il en va autrement pour les collèges, cycles d’orientation et autres écoles du secondaire, où leur présence fait grincer des dents. En effet, les automates, en plus d’être des enseignes publicitaires gratuites pour les plus grandes marques agroalimentaires, proposent principalement des produits trop gras, trop salés et trop sucrés pour entrer dans une alimentation équilibrée.
Il y a belle lurette que les scientifiques et les médecins tirent la sonnette d’alarme. En Suisse comme à l’étranger, la population est touchée par une épidémie de surpoids et d’obésité. Les jeunes ne sont pas épargnés. Or, les automates des établissements scolaires ont une incidence sur leur santé. Selon une étude américaine, leur présence est négativement associée à la consommation de fruits et positivement associée à celle des graisses. D’autres scientifiques américains ont montré que l’indice de masse corporelle (IMC) des élèves varie avec l’offre alimentaire de l’école. A tel point que pour chaque pratique malsaine permise dans le cadre scolaire (dont les automates), l’IMC des élèves augmente de 10%.
Transfert d’aura positive
Les distributeurs à l’école poussent à la consommation. Barbara Pfenniger, responsable Alimentation à la FRC, en atteste: «De par leur présence dans les couloirs ou devant les salles de gym, ils sont une incitation en permanence à manger, boire et acheter.» Leur impact est d’autant plus fort qu’ils bénéficient d’une aura positive: «En plaçant des automates dans un environnement scolaire, on induit le client à transférer la confiance qu’il a pour l’école au distributeur.» Une stratégie problématique quand le contenu de ces boîtes à en-cas comporte, pour l’écrasante majorité, des produits peu recommandables.
L’ancrage de la malbouffe dans la société et le caractère urgent de la riposte ont engendré des mesures drastiques contre les automates dans certains pays. La France, par exemple, a inscrit dans la loi l’interdiction de distributeurs automatiques dans toutes les écoles du cursus obligatoire depuis 2005. Une décision de poids, car selon une estimation, pas moins de 22 000 appareils ont disparu.
La pression est telle que certains acteurs de l’agroalimentaire anticipent en prenant des engagements autorégulateurs. Coup de théâtre cette année: la Fédération européenne des boissons rafraîchissantes (UNESDA), un organe rassemblant les principaux fabricants de sodas comme Coca- Cola, Red Bull, Nestlé Waters, PepsiCo ou Danone Waters, s’est engagée à ne vendre que des boissons sans ou avec peu de calories dans toutes les écoles de l’Union européenne d’ici fin 2018. Pas de quoi sauter de joie pourtant puisque les sodas pourront être édulcorés artificiellement.
12-18 ans: en matière d’alimentation, les adolescents, davantage livrés à eux-mêmes, doivent bénéficier de garde-fous.
La Suisse? Hâte-toi lentement
Rien de tel au pays des Helvêtes. La question de la présence et du contenu des automates à boissons et snacking dans les écoles ne relève pas de la souveraineté nationale. Elle est cantonale, voire communale. Le Département fédéral de l’intérieur a néanmoins développé des outils pour améliorer l’offre dans les automates. Ainsi, une check-list à remplir fait prendre conscience aux entreprises et aux écoles du contenu de ces distributeurs. Le document relève des bonnes pratiques et n’est absolument pas contraignant.
Malgré l’absence de règlement, un consensus général semble se dégager: ces boîtes sont absentes des établissements du primaire. Pour les degrés supérieurs, c’est plus flou. Dans le secondaire I, les cantons romands délèguent la question des automates aux communes ou aux écoles. Les directives pour le secondaire II sont encore plus confuses, dans la mesure où le cursus ne fait plus partie de l’école obligatoire. A ce jour, seul le canton de Genève a interdit les automates dans le secondaire I et pris des mesures pour les contrôler dans le secondaire II, en limitant les espaces autorisés et en interdisant la vente de boissons énergisantes.
Les choses bougent néanmoins au niveau politique. Dans le canton de Fribourg, une motion visant l’interdiction ou la limitation des distributeurs dans les écoles du secondaire I a été acceptée par le Grand Conseil. Pour Nicole Lehner-Gigon (PS/FR), co-auteure de la motion, la raison d’intervenir au niveau cantonal est simple: «Le programme pédagogique fait partie des prérogatives du canton. Les automates dans les écoles entrent dans le cadre de la pédagogie; par conséquent, ils relèvent du canton.» En Valais, un postulat interpartis demandant la suppression des automates à boissons et snacks sucrés dans toutes les écoles a également été accepté par le Grand Conseil au printemps dernier.
30-54 g: la teneur en sucre d’un soda de 5 dl, soit ce que boit 1 ado sur 4 chaque jour.
L’interdiction est-elle nécessaire? Le cas du canton de Vaud porte à le démontrer. En effet, alors qu’une directive non contraignante recommandant aux écoles de renoncer aux automates dans le secondaire I et à proposer une offre saine dans le secondaire II depuis 2011, le nombre de distributeurs dans les écoles a augmenté, passant de 103 à 109 entre 2010 et 2015, selon l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire. C’est en se tournant vers le Valais qu’on entrevoit des alternatives inspirantes. Là en effet, des automates à fruits remplacent les distributeurs de snacks (lire ci-après). Quoi qu’il en soit, réduire l’accès aux aliments gras et aux boissons sucrées dépend d’une réelle volonté politique. La balle est donc dans le camp des cantons.