3.10.2023, Jean Tschopp
La Commission suisse pour la loyauté a rejeté une plainte de la FRC concernant les campagnes de La Poste incitant les destinataires à renoncer à leur autocollant «Non merci, pas de pub!». Seule solution pour éviter ces envois commerciaux, s'inscrire sur la liste Robinson. La FRC a déposé une nouvelle plainte.
En mai dernier, la FRC déposait plainte contre les envois publicitaires de La Poste qui ont suscité de nombreuses réclamations de consommateurs. Le courrier, ciblant les personnes affichant sur leur boîte aux lettres l’autocollant «Non merci, pas de pub!», incitait les destinataires à retirer leur sticker pour bénéficier «de nombreux avantages» sous forme de «bons et échantillons de produits» ou d’«invitations à des événements passionnants». La décision de la Commission suisse pour la loyauté (CSL) concernant cette affaire vient de tomber. L’instance rejette la plainte de la FRC. En substance, la CSL ne retient pas de déloyauté dans les envois publicitaires adressés de La Poste. L’indication «Pas de pub» sur sa boîte aux lettres épargne au destinataire les publicités non adressées. Les conditions générales de La Poste permettent cependant l’envoi de courriers adressés à des fins publicitaires.
Décision critiquable
Ce parti pris pour vanter les «bienfaits» de la publicité ne manque pas d’énerver les consommateurs, surtout venant d’une entreprise publique dont on peut s’attendre à un minimum d’exemplarité. Le bilan carbone de ces publicités particulièrement insistantes et largement distribuées peut aussi être pointé du doigt.
La Poste ne ménage pas ses efforts pour inciter coûte que coûte ses usagers à renoncer à l’autocollant «Non merci, pas de pub!» Au printemps, un premier envoi publicitaire prétendait que l’usager pouvait obtenir plusieurs milliers de francs de bons et réductions annuelles en retirant l’autocollant. Une nouvelle vague de courriers au mois d’août de cette année promettait des «douceurs Kägi Fret». Malgré les demandes de la FRC à la CSL, les partenariats commerciaux qui entourent ces envois de masse n’ont pas été dévoilés.
Deuxième plainte contre le courrier publicitaire de La Poste
Dans sa décision, la CSL exclut toutefois les envois adressés quand la personne contactée a déclaré à l’avance qu’elle ne veut pas recevoir de publicité commerciale, avec une inscription sur la liste Robinson de l’Association Suisse du Marketing Direct (ASMD). Quand une société passe outre cette inscription, il s’agit pour la CSL d’une publicité agressive déloyale. La FRC a porté à la connaissance de l’instance un cas dans lequel une personne ayant fait les démarches en 2016 pour figurer sur la liste Robinson a reçu des courriers publicitaires de La Poste cet été. Dans la mesure où la CSL n’avait pas pu prendre en compte cet élément dans sa décision pour une raison de délai, la FRC a déposé une nouvelle plainte à la CSL fin septembre pour contester cet envoi publicitaire.
Pas de répit pour les morts
Dans cette même plainte, la FRC soulève aussi le cas d’une personne décédée en 2015, qui a encore reçu le dernier courrier publicitaire de La Poste huit ans après son décès. Pour la FRC, il s’agit d’une violation des Règles relatives à la loyauté dans la communication commerciale (notamment de la Règle C.4 al. 1 et 2), puisqu’une personne décédée ne pouvait de toute évidence plus être en rapport avec le géant jaune. Ce courrier interroge aussi la manière dont La Poste assure la mise à jour de ses listes de diffusion sous l’angle de la protection des données personnelles.
Zur Rose aussi
La CSL a également rendu une décision dans une autre plainte de la FRC, au sujet d’un courrier publicitaire adressé des pharmacies Zur Rose. Zur Rose offre des bons de 50 fr. en cartes cadeaux Migros (le géant orange possédant lesdites pharmacies) aux clients adressant une ordonnance permanente (ordonnance renouvelable pour des personnes atteintes d’une maladie chronique) aux pharmacies du groupe. La FRC contestait la loyauté de la démarche par rapport à d’autres pharmacies indépendantes ne disposant pas des mêmes moyens. La CSL s’estime incompétente pour statuer car ce grief relève du droit des cartels et non du droit de la concurrence. Des concurrents de Zur Rose pourraient avoir un intérêt à questionner cette pratique particulièrement offensive sous l’angle civil de la loi sur les cartels.
La FRC avait encore soulevé devant la CSL la conformité de cette pratique à l’Ordonnance fédérale sur la publicité pour les médicaments (voir notamment art. 21 al. 1 let. d OPMu) qui rend illicite la remise de bons d’achats pour des médicaments. Toutefois, pour la CSL, dès lors que l’envoi publicitaire ne ciblait aucun médicament en particulier, cette pratique n’est pas condamnable sous l’angle du droit en vigueur.
Là aussi, la CSL réserve toutefois le cas de destinataires inscrits sur la liste Robinson, qui doivent être épargnés par ce type d’envoi. Sur leur île à l’écart du matraquage publicitaire, il reste aux Robinsons de la consommation un espoir de répit.
Pour s’inscrire sur la liste Robinson de l’Association Suisse de Marketing Direct