22.7.2021, Laurianne Altwegg,
A force de dénoncer l’industrie textile, les choses se sont-elles améliorées? Hélas, non. La situation des travailleuses du secteur s’est même péjorée depuis 2020 en raison de la pandémie. Comment faire quand on veut bien faire?
- Ce qui se cache sous des prix (trop) bas
La fast fashion n’est pas un mythe: le modèle d’affaires de marques comme Zara, PrettyLittleThing ou Boohoo, qui proposent jusqu’à 20 collections par an, repose sur des vêtements ultra bon marché qui ne tiennent que quelques lavages. Jouant sur l’impression de rareté pour pousser à la surconsommation, ces produits sont obtenus sur le dos de l’environnement et des ouvrières du textile. Ces dernières travaillent dans des conditions indignes et ne disposent pas d’un salaire de subsistance. Les autres enseignes du prêt-à-porter ne sont pas plus recommandables, car elles n’offrent pas non plus de revenu décent alors que quelques centimes par pièce suffiraient. Prendre un peu de recul et résister à leurs appels du pied – influenceurs des réseaux sociaux et soldes compris – est aujourd’hui essentiel.
- Les matières ne se valent pas toutes
Les matières naturelles économes en ressources comme la laine, le lin ou le chanvre sont les moins problématiques. Souvent mélangées au coton, il est d’autant plus important qu’elles viennent de cultures biologiques (cherchez les labels!), lesquelles garantissent des conditions de production plus respectueuses de l’environnement. Le coton est très gourmand en eau, engrais et pesticides, donc source de pollution, perte de biodiversité, érosion des sols et intoxication des travailleurs et riverains. Il est de plus très souvent génétiquement modifié, ce qui pose d’autres problèmes, et cette information ne figure pas sur l’étiquette!
Viscose et bambou ont longtemps été présentés comme des alternatives écologiques au coton, car issus de fibres naturelles. Las, si l’origine de la matière est effectivement moins problématique, la transformation de la cellulose en fibre textile demande de nombreux produits chimiques. Surtout, elle génère du disulfure de carbone (CS2), un solvant hautement toxique qui se répand dans l’air au moment du processus et peut gravement affecter les ouvriers.
Plus problématiques encore, les matières synthétiques obtenues exclusivement à partir de ressources fossiles (pétrole et gaz) sont aujourd’hui les plus répandues. Polyester en tête, elles représentent près de 70% des textiles du fait de leur coût très inférieur au coton. Outre l’impact environnemental catastrophique de leur production, elles participent aussi largement à la pollution des eaux, puisque chaque lavage libère des microparticules de plastique.
- De belles promesses qui occultent la réalité
Les enseignes de la mode ne reculent devant rien pour pousser à l’achat. Notamment à grands coups d’allégations mettant en valeur leurs prétendus engagements durables. Que ceux-ci soient fondés ou non ne change rien au fond: si l’objectif est de vous faire acheter plus de vêtements que ce dont vous avez besoin, la démarche n’est pas responsable. On vous offre des bons-cadeaux en échange du recyclage de vos vieux vêtements? Le but est de vous faire venir en magasin pour vous pousser à l’achat – alors que vos fripes seraient en plus bien plus utiles à des œuvres caritatives. Un arbre est planté pour toute commande? Rappelez-vous que l’impact environnemental d’un vêtement est bien plus important que cette maigre compensation. Lorsque H&M, Zara ou Superdry annoncent fièrement renoncer aux cintres, emballages ou sacs en plastique gratuits, il importe de se rappeler que leurs collections sont confectionnées à partir de dizaines de millions de tonnes de plastique, donc de pétrole. L’arbre cache souvent la forêt, il faut juste en être conscient.
- Les labels aident mais ne suffisent pas
La durabilité sociale et environnementale tout au long de la chaîne de production ne peut être garantie par aucun label. Toutefois, bien qu’ils ne concernent souvent qu’un aspect de celle-ci et que et tous ne soient pas égaux, ils aident à s’orienter. Le label OEKO-TEX assure par exemple qu’il n’y aura pas de produits toxiques dans le produit fini. D’autres permettent de certifier que le coton est bio, ce qui atteste aussi l’absence d’OGM. Aucun des labels environnementaux n’a toutefois de volet social suffisamment poussé. A l’inverse, la Fair Wear Foundation est l’initiative la plus exigeante à ce jour concernant l’amélioration des conditions de travail, mais elle ne contient aucun critère environnemental. Reste qu’un produit labellisé est toujours préférable. Pour s’orienter, l’ONG Public Eye publie un descriptif des principaux labels du domaine du textile qui détaille leur organisation, leurs critères, ainsi que les méthodes de contrôle appliquées.
- Les enseignes responsables ne courent pas les rues, mais elles existent
De plus en plus d’initiatives basées sur le principe d’une mode éthique et responsable voient le jour, sans être forcément labellisées. Bien qu’un œil critique reste toujours de mise, des plates-formes recensant ces entreprises telles que Fair’act permettent de les trouver plus facilement. Un bon moyen de prendre le contrepied de la fast fashion.
- Les fripes ont la cote
Echanges entre particuliers, en ligne ou lors de vide-dressing, magasins de seconde main ou dépôts-ventes: les solutions pour trouver des habits d’occasion pullulent et rencontrent de plus en plus d’engouement. Attention toutefois aux conditions générales de certains sites internet ou à leur localisation, parfois sources de surprises, frais de port ou droits de douane imprévus. La FRC propose aussi moult conseils sur son site internet, ainsi que des événements sur la mode durable, des bourses aux habits, de bonnes adresses et des Repair-cafés dédiés à la couture qui sont autant de pistes à explorer pour se vêtir à moindre coût.
- Ne culpabilisez pas trop et… faites-vous entendre!
Le vêtement 100% éthique et durable n’étant pas de ce monde (et le naturisme pas du goût de tous), s’habiller reste une nécessité. Sachant qu’un dressing irréprochable est mission impossible, le compromis est de mise. Chacun peut toutefois agir à son niveau en achetant raisonnablement, selon ses besoins. Mais il est aussi nécessaire de manifester son mécontentement auprès des marques de prêt-à-porter pour que le secteur bouge. En ce moment, la pétition #Payyourworkers peut notamment être signée pour exiger le versement des salaires et indemnités de licenciement impayés suite à la pandémie.
- Choyez votre garde-robe
Aérer au lieu de laver, sécher à l’air libre, faire appel à une couturière pour adapter ou raccommoder ses textiles… Bref, faire durer sa garde-robe est encore le meilleur moyen de se distancer de cette industrie peu regardante. D’autant que si les 44% de de l’empreinte environnementale d’un vêtement sont liés à sa production, les 38% émanent de son utilisation. Le bon choix doit donc s’assortir d’un bon entretien.