15.9.2021, Sandra Imsand
Véritables arcs-en-ciel pour les yeux, ces repas se déclinent en une multitude de formes et de goûts. Cette variété met tout le monde d’accord.
Poke bowl, Açaï bowl, Buddha bowl, Salad bowl: des take-away d’un genre nouveau proposent des produits aux noms exotiques. Leur credo, une nourriture rapide et saine pour les pressés du quotidien. Ces établissements ont même pignon sur rue dans les centres urbains, à l’image de la très chic Bahnhofstrasse de Zurich. La tendance a séduit, au point que les supermarchés ont suivi.
Le bowl – un plat servi dans un bol – a pour particularité que les ingrédients sont disposés individuellement côte à côte, de façon que tous soient identifiables. Ce n’est donc ni une salade mêlée, ni une potée, encore moins une soupe.
Autre caractéristique: les légumes sont crus ou à peine cuits, maintenus croquants. Enfin, la sauce est un signe reconnaissable, ni trop couvrante, ni trop liquide. «Les bowls sont arrangés de manière lisible, ils sont attractifs et colorés», résume Christine Brombach, professeure à la Haute Ecole zurichoise des sciences appliquées.
Les bowls s’inscrivent dans une modification profonde des habitudes alimentaires pour les repas pris hors de la maison. À terme, ils pourraient supplanter le sacro-saint sandwich de midi, innovation historique qui a durablement modifié les habitudes. «Son succès date de l’industrialisation au XIXe siècle, expliquait récemment le magazine américain Women’s Health. Un repas bon marché, facile à transporter, qui tient au ventre et se mange rapidement.» Or, au XXIe siècle, les besoins sont différents. Fini le repas qui cale, bonjour la pyramide alimentaire et les valeurs nutritionnelles. Et surtout la variété. Au rayon frais, sandwichs et bowls sont côte à côte.
Les arguments des enseignes spécialisées dans les bowls jouent clairement sur la vague du «manger sain», dans le discours comme dans la déco. «Nouveau phénomène healthy», «notre poke bowl est sain, c’est une source de vitamines et d’antioxydants », «repas savoureux et sain», «nature, fraîcheur, exotisme et modernité» sont des expressions fréquemment exploitées. Chez Planet Bowl, à Lausanne, on retrouve tous les codes du naturel. «L’argument santé est important, explique sa gérante Sylvie Menouane. La clientèle nous dit souvent qu’un repas à l’emporter qui soit sain, il y en a peu.»
La pandémie pourrait avoir offert un coup d’accélérateur. Entre télétravail et fermeture de lieux traditionnels de restauration, le prêt-à-manger et le take-away équilibré ont connu une progression fulgurante. En supermarché aussi. «C’est très pratique de trouver un repas complet en un seul contenant, explique Tristan Cerf, porte-parole de Migros, qui évoque aussi la réticence à multiplier les emballages pour des raisons écologiques. Le géant orange mise sur les personnes actives travaillant en ville. «Elles achètent leur repas et se retrouvent au parc pour la pause.» La professeure à la Haute Ecole zurichoise des sciences appliquées confirme qu’il s’agit d’un public plutôt jeune. Les plus de 70 ans seraient peu habitués aux épices et aux goûts à dominante asiatique ou exotique. «Effectivement, nous avons moins de personnes âgées, complète Sylvie Menouane. Mais grâce au bouche-à-oreille, nous accueillons désormais beaucoup de familles.»
Un feu de paille ou une tendance amenée à s’installer durablement? Selon une étude issue de l’Ecole hôtelière de Lausanne, le snacking sain continuera d’être plébiscité. Et la personnalisation deviendra un élément prépondérant dans la manière de choisir. Le bowl a l’avantage de se décliner à l’infini ou presque, une possibilité exploitée chez Planet Bowl, où la clientèle compose sa version propre en fonction de son goût, sa faim et son régime spécifique (intolérances, allergies). «Finalement, ce plat est une salade en version sophistiquée, sourit Christine Brombach. Bowl sonne juste plus moderne.»
Cet article est paru dans le magazine FRC Mieux choisir sous le titre «Midi à la mode bowl».