30.3.2023, Yannis Papadaniel - Shutterstock
Chaque année près de 200 millions de boîtes de médicaments sont remises en Suisse. Mais pas facile pour le consommateur de savoir où remettre les pilules et gélules non utilisées. Tour d’horizon, canton par canton.
De bout en bout de la chaîne de production, d’approvisionnement et de consommation, les médicaments constituent des biens particuliers. Même lorsqu’ils sont périmés ou surnuméraires à la fin d’un traitement, ils ne peuvent être considérés comme des déchets ordinaires. Il existe quatre catégories de médicaments selon leur remise. Les catégories A et B ne peuvent être obtenues que sur ordonnance. La catégorie D n’est délivrée qu’avec un conseil spécialisé (et quelques vérifications d’usage), et la E correspond aux médicaments en vente libre qui ne nécessitent aucune supervision particulière.
Seuls ces derniers, une fois périmés ou hors d’usage, peuvent être jetés dans la poubelle ordinaire. Les trois autres doivent suivre un circuit protégé qui les conduit directement à une usine d’incinération des ordures ménagères (où ils seront pris en charge de manière spécifique avant de finir dans le four) ou à une usine d’incinération des déchets spéciaux.
De fait, un médicament distribué ne peut plus réintégrer la chaîne d’approvisionnement. Les directives de l’OMS sont claires: un médicament remis puis rapporté à la pharmacie ne peut pas faire l’objet d’un don à des fins humanitaires, même non utilisé. Sorti des canaux contrôlés par des professionnels, le destin d’un médicament dans les ménages n’a donc que deux déclinaisons possibles: être consommé ou être récupéré afin d’être détruit.
Dans les deux cas, des précautions sont nécessaires. Dans ses recommandations, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) insiste sur les mesures préventives entre conseils aux patients dans la prise de médicaments et suivi du traitement, mais également dans la gestion de son stock dans ses meubles de pharmacie.
Déchets spéciaux et substances dangereuses
Les médicaments contiennent des substances actives dont les structures chimiques varient. Elles se retrouvent dans l’environnement, d’abord parce que les humains mais aussi les animaux les rejettent par leur excrétions naturelles (urines et selles). Si l’on veut en diminuer l’impact drastiquement, il faut agir en premier lieu sur un phénomène bien connu: la surprescription. Ensuite parce que les médicaments sont jetés là où il ne faut pas (surtout pas dans les toilettes!). Si les substances actives ou leurs résidus sont traités dans les usines d’épuration des eaux, une part se retrouve malgré tout dans les cours d’eau et les eaux souterraines.
On ne retrouve pas les mêmes résidus au gré de saisons. L’OFEV souligne que les traces de médicaments antigrippaux sont plus importantes en hiver, alors que celles d’analgésiques, par exemple le diclofénac, sont présentes à valeur constante tout au long de l’année. Par ailleurs, certaines substances sont plus facilement éliminables et dangereuses que d’autres.
Le principe de précaution prévaut. Selon Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l’Université de Lausanne, «si l’on sait que nous sommes entourés par des substances chimiques, nous n’avons aucune idée des effets sur la santé et l’environnement que cette exposition peut avoir sur le long-terme». De son côté, Forum Déchets précise que les médicaments «sont tous considérés comme des déchets spéciaux mais tous ne contiennent pas des substances dangereuses au sens de l’Ordonnance sur les produits chimiques». En tout état de cause, la loi oblige à déposer ces médicaments, y compris les produits homéopathiques, dans les lieux dédiés à cet effet.
Où ramener mes médicaments?
L’enjeu pour le consommateur en Suisse est alors de savoir où ramener ses vieux médicaments sans avoir à payer pour le recyclage. À la pharmacie? Dans les centres de tri des déchets? Les deux, mais selon des modalités différentes d’un canton à un autre. Selon l’art. 13 de l’Ordonnance fédérale sur les déchets (OLED), c’est aux cantons de veiller à la récolte séparée des déchets spéciaux produits par les ménages. Ces derniers sont libres d’opter pour un système de récolte établi en partenariat avec les pharmaciens ou organisé dans les déchetteries gérées directement par eux et/ou les communes.
Neuchâtel
- Les pharmacies sont les lieux de retour exclusifs selon les directives cantonales.
- Le canton prend à sa charge les frais d’élimination des médicaments collectés en pharmacies.
Vaud
- Les frais d’élimination sont pris en charge par les «périmètres de gestion des déchets» (organismes régionaux).
- Les médicaments doivent être déposés dans les centres régionaux de collecte ou ceux des communes (déchetteries). Attention, les déchetteries communales ne disposent pas nécessairement de l’équipement pour récupérer les médicaments. Dans ce cas, charge à elles d’informer sur le centre de collecte régional où les déposer.
- Les pharmacies ne sont pas tenues de récupérer les médicaments mais sont invitées à le faire. Toutefois aucun fonds ne leur est alloué permettant de financer l’élimination des déchets réceptionnés.
Valais
- Les frais d’élimination sont pris en charge par les différentes entités responsables de la collecte.
- Pharmacies, déchetteries communales ou collecte ponctuelle organisée par les communes sont les lieux de dépôt des médicaments périmés.
Fribourg
- Les pharmacies sont les lieux de retour prioritaires selon les directives cantonales.
- Le canton prend à sa charge les frais d’élimination des médicaments collectés en pharmacies.
- Neuf centres de collectes régionaux et les sites mobiles de collecte récoltent les médicaments périmés.
- Les communes sont libres de collecter les médicaments dans leur propre déchetterie et en assument alors les frais.
Genève
- Les pharmacies sont les lieux de retour exclusifs selon les directives cantonales.
- Le canton prend à sa charge les frais d’élimination des médicaments collectés en pharmacies.
Jura
- Les pharmacies sont les lieux de retour prioritaires.
- Le canton prend à sa charge les frais d’élimination des médicaments collectés en pharmacie.
- Certaines communes collectent les médicaments et en assument les frais.
Il est à noter que les déchets (médicaments, pansements, matériel) issus d’une prestation fournie par les soins à domicile ne sont pas considérés comme des déchets privés. Les soins à domicile ont les mêmes responsabilités que les établissements de santé (hôpitaux, EMS): ils gèrent eux-mêmes les déchets spéciaux.
Et les fabricants? Et les pharmaciens? Et la vente par correspondance?
La Société suisse des pharmaciens pharmaSuisse rappelle que le droit sur les produits chimiques prévoit explicitement l’obligation de reprise par l’établissement de vente. Une telle obligation n’existe pas pour les médicaments. L’association précise également qu’«aucune solution globale n’a pu encore être trouvée au niveau de l’organisation de l’élimination». Selon les cantons, les pharmacies sont tenues de récupérer les médicaments périmés des ménages privés, d’autres officines le font de manière bénévole ou en faisant payer un forfait selon la quantité de médicaments. On observe néanmoins que quatre acteurs de la chaîne d’approvisionnement ne participent pas au système de récolte:
- Après la livraison, les fabricants ne sont pas tenus de reprendre les médicaments périmés qu’ils ont produits, ni même de participer financièrement au dispositif de reprise. Contrairement à ce qui est valable pour les sources lumineuses ou les appareils électroniques, ils n’ont aucun devoir en matière de reprise.
- Pareil pour les fournisseurs/ grossistes à moins que les conditions spécifiques du contrat qui les lient au détaillant n’aient prévu une mesure à cet effet.
- Les pharmacies en ligne pratiquant la vente par correspondance ne prévoient aucune modalité de récupération pour les particuliers, ce que déplore pharmaSuisse. À noter que certaines chaînes proposant des modes de vente hybride (en ligne et dans des officines ou dans des supermarchés) participent au système de récolte.
- Les médecins dispensants (non autorisés en Suisse romande) remettant directement à leurs patients leurs traitements ou médicaments prescrits n’offrent aucune sorte de reprise des médicaments.
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