7.7.2022, Barbara Pfenniger et Sandra Imsand / La classique tomate-mozarella fait souvent partie de la carte. D'autres options végétariennes réfléchies sont rares. Shutterstock
Quand on souhaite ne pas manger de viande dans un restaurant, quels sont les choix proposés? Peu d’originalité et beaucoup de fromage, semble-t-il. Enquête de terrain en Suisse romande.
Pas fameuse en 2012, l’offre végétarienne. Le constat de la FRC était triste alors puisque cela se résumait à quelques plats de pâtes ou à la traditionnelle pizza marguerite. Et le prix pouvait par ailleurs se révéler dissuasif. Dix ans plus tard, les habitudes alimentaires ont changé. Nombreuses sont les personnes à être conscientes de l’impact environnemental des produits carnés. Manger de la viande à chaque repas n’est plus la norme et le régime flexitarien, qui consiste à réduire fortement sa consommation de protéines animales, se répand: il concerne en Suisse 58% des gens (43% en 2016), selon le sondage Link 2020 pour Coop. Le pays compte par ailleurs plus de 250 000 végétariens et près de 38 000 végétaliens (aucun produit d’origine animale) selon une étude MACH Consumer sur la consommation et les médias. Les femmes et les moins de 34 ans sont particulièrement représentés dans ces régimes et les plus de 60 ans se trouvent surtout parmi les flexitariens. Petit bémol lié à la pandémie, le contexte ayant eu pour effet une très légère augmentation de la consommation de viande pour atteindre près de 52 kilos par habitant l’an dernier.
Les salades composées comme la classique tomate-mozzarella ou celle au chèvre chaud sont fréquentes. Les options vraiment réfléchies sont rares.
Les restaurants ont-ils suivi le même courant? Une trentaine de nos enquêteurs ont joué les clients mystères et visité 107 établissements de cinq cantons romands. Avec comme mission d’examiner la carte des mets pour y répertorier les plats végétariens et de demander au personnel d’indiquer sur le menu ce qu’il conseillerait.
Pour commencer, trop peu de restaurants mettent en avant la composante végétarienne des plats sur la carte. Seuls 26% des établissements les affichent en évidence ou les regroupent dans une catégorie spécifique. Dans 12% des cas, un logo (feuille, élément vert ou autre) permet d’identifier la proposition en un coup d’oeil. C’est donc globalement au client de scruter attentivement les suggestions (62% des visites), alors qu’un effort serait apprécié pour faciliter le choix de la clientèle.
La qualité de l’accueil, une carte maîtresse
Nos enquêteurs devaient aussi évaluer l’offre en jugeant la réponse donnée par le personnel de salle. Et là, la surprise est plutôt bonne, puisqu’ils l’ont considérée satisfaisante, voire très satisfaisante (67%). L’accueil réservé aux questions est pour beaucoup dans ce score. En effet, un restaurant a beau proposer plusieurs menus correspondant au régime végétarien, si le consommateur a l’impression qu’on lui répond de mauvaise grâce, il conservera un sentiment négatif. A contrario, si le personnel a une solution à proposer comme d’adapter un plat ou d’en cuisiner un spécialement, l’impression générale est plus favorable. Et cela même si dans l’absolu, l’établissement n’a pas ou peu d’option végétarienne.
Preuve qu’il faut former le personnel? Parmi les remarques saisies, celle-ci qui dénote une forme d’indifférence, voire de dédain: «Ce n’est pas vraiment le bon restaurant pour manger végétarien. Si je fais des lentilles, j’y ajouterai des lardons.» Autre réponse guère meilleure, malgré l’effort à satisfaire le client: «Végétarien? Ouh là, on n’a pas grand-chose! On peut vous faire des pâtes aux légumes, sinon des salades, une pizza.» La marge de progression est bel et bien manifeste.
L’enquête montre qu’il est temps que les restaurateurs investissent davantage dans la formation continue de leurs brigades.
Fromage omniprésent
Une assiette équilibrée, qu’elle soit végétarienne ou non, devrait idéalement comporter une bonne ration de légumes, un féculent et une source de protéines, même si l’on est bien d’accord qu’il est possible de compléter ces différents apports tout au long de la journée. Outre des oeufs ou un produit laitier, une combinaison de plusieurs sources végétales comme des légumineuses ou des fruits oléagineux avec des céréales apporte des protéines de bonne valeur biologique. Or c’est le fromage qui est la source de protéines la plus souvent référencée durant l’enquête. Il est au moins quatre fois plus présent dans les mets que les légumineuses. Les oeufs étaient encore moins fréquents, le tofu rare et les noix presque inexistantes. Pourtant, celles-ci sont agréables au goût et saines. Manger davantage d’oléagineux fait partie des recommandations pour la santé et pour le climat… quand ils remplacent la viande.
Combo pâtes, pizza et salades
Les pâtes ou la pizza sont souvent suggérées (respectivement 20 fois et 10 fois) en lieu et place d’un plat avec viande ou poisson. Il est en effet facile d’enlever des ingrédients ou de rajouter des légumes. Le résultat donne beaucoup d’hydrates de carbone et du fromage, mais peu de légumes. Autres solutions fréquentes, les salades composées comme la classique tomate-mozzarella ou celle au chèvre chaud. Les établissements proposant des options vraiment réfléchies sont rares. Dans la majorité des cas, l’option carnée est celle par défaut, et les végétariens devront se rabattre sur un mets «sans». Or retirer une partie d’un plat n’en fait pas un repas complet et équilibré pour autant.
Nous avons trouvé une exception notable: les lieux spécialisés dans les burgers, qui souvent ont élaboré différentes options végétariennes. Le steak est ainsi remplacé par une galette de légumineuses, du fromage ou des légumes grillés, le tout avec des sauces pensées spécialement comme accompagnement. Une étrangeté est à relever: celle d’un «Super Green Veggie Burger» dans un pain brioché… à l’encre de seiche; l’effort au final est donc raté. Enfin, on note aussi davantage de variétés dans les restaurants servant de la cuisine du Proche-Orient, où les préparations à base de pois chiche font partie intégrante de la culture culinaire.
Centres urbains un peu meilleurs
C’est dans l’accueil de restaurants à la cuisine dite traditionnelle que les enquêteurs ont jugé l’offre et l’accueil le moins satisfaisants. «On a l’impression de dire un gros mot en prononçant végétarien», regrette un Vaudois, qui a parfois éprouvé un certain malaise dans les lieux visités. Pourtant, la fondue est un plat sans viande tout à fait traditionnel et national! Dans les cuisines ouvertes récemment, la sensibilité a été jugée meilleure, l’accueil aussi. De même, dans les centres urbains, les enquêteurs se sont sentis mieux conseillés. Mais partout, les restaurateurs dont un membre de la famille est végétarien se sont montrés plus enclins à proposer des mets intéressants. Les moeurs évoluent donc, mais avec une certaine lenteur!