13.10.2020, Aude Haenni
Les bibliothèques d’objets essaiment en Suisse romande. Pour mieux comprendre, petit tour du côté de La Manivelle lausannoise.
INSPIRANT
A l’image du Repair Café, projet collaboratif riche de sens qui a fait sa place dans le paysage, certaines expériences méritent qu’on s’y attarde. FRC Mieux choisir raconte ces autres manières de consommer.
Un jeudi de septembre, 17 h 30, à Lausanne. Une passante franchit le pas de la porte. «Bonjour! Les patins à roulettes dans la vitrine, ils sont à vendre?» A Thibaud, bénévole, de répondre qu’«ici, tout se loue». Car ici, c’est à La Manivelle qu’on a affaire, une bibliothèque d’objets.
A l’intérieur de cet espace – provisoire, le bâtiment étant voué à la destruction –, on y découvre des étagères numérotées regorgeant d’articles divers et variés, de la machine à bricelets au télescope, en passant par le nettoyeur à vapeur et le tapis de yoga. «Les perceuses, c’est ce qui est le plus demandé. Mais il y a tellement de choses dont on n’imagine pas l’existence!», sourit Thibaud. Sur les 540 inventoriées sur le site, c’est un bateau gonflable qui s’est retrouvé le must have de cet été… Tellement mieux que de prendre la poussière chez un quidam.
«Si l’on achète parfois du seconde main pour répondre à certains besoins, l’immense majorité de ce que l’on loue ici provient de dons, explique le bénévole. Parfois, des personnes débarquent avec cinq ou six outils.» Pour permettre de donner une seconde vie à des objets peu utilisés, pour gagner en place, parfois même en autosatisfaction. «Personnellement, je me sens utile en prêtant mon Polaroïd, raconte Valentin Augsburger, cofondateur de La Manivelle. J’ai plaisir à l’utiliser, mais surtout plaisir à le transmettre alors que je ne l’enclenche que quelques minutes par année!» Et pour le loueur, ce n’est que du bonus. «Il sera ravi d’en profiter, il y gagnera financièrement. Et participera par la même occasion au bien-être de l’humain et de la planète, au vu des conditions de travail déplorables et du bilan carbone que l’on connaît trop bien.»
Thibaud s’investit grandement au sein de l’association. Il croit en ce mode de fonctionnement.
Les valeurs d’une communauté
Gentiment mais sûrement, de nouveaux membres s’inscrivent auprès de cette coopérative ouverte en début d’année. Variant entre 10 francs (un tarif au mois quand on a des moyens limités) et 150 francs (soutien annuel), les abonnements permettent de louer autant de choses que l’on désire pour une durée d’une semaine. A l’image des bibliothèques de livres, il est possible de les prolonger, pour autant que personne n’ait réclamé l’article. En cas de dégât, un prix de remplacement indicatif permet au loueur de remplacer l’objet par un autre de même valeur – un robot ménager par un kayak par exemple – si l’on ne désire pas activer son assurance responsabilité civile. «On craignait que cela n’arrive trop souvent, mais l’expérience de La Manivelle Genève nous a rassuré, car ils ont très peu de cas. Et effectivement, les gens sont plutôt soigneux, fait remarquer Valentin. On n’a eu que deux ou trois casses.» La Manivelle mutualise non seulement ce qui est matériel mais aussi les compétences de tous, bénévoles ou membres. «Si l’on peut réparer à l’interne, on le fera avant de songer à utiliser notre budget alloué à cela.» La coopérative prône ainsi non seulement l’écologie et l’économie, mais aussi la solidarité d’une communauté. Autant de raisons de sauter le pas!
La vitrine ressemble à un commerce mais cache une caverne d’Ali Baba, pleine de trésors inattendus.