Interview

Huile de palme: "L'engagement des entreprises compte plus que les logos"

L’organisation RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) a été créée en 2004 pour promouvoir l’huile de palme durable. Membre initiateur, le WWF a contribué à l’élaboration des critères pour les différents types de certifications que l’on trouve sur le marché. Entretien avec Matthias Diemer, responsable des projets internationaux pour le WWF Suisse.

Alimentation Emballages et étiquetage Enjeux collectifs Impact environnemental

Archive · 06 novembre 2012

L’huile de palme avec le label RSPO est-elle toujours garantie durable?
Le RSPO prévoit des contrôles auprès des exploitations affiliées. Dès lors, on attribue un nombre de certificats RSPO équivalent aux quantités d’huile produite. Celle-ci sera traçable dans le cas de certificats de type «identité préservée» ou «ségréguée». Dans le cas de la filière «mass balance», elle est mélangée à de l’huile classique. L’huile GreenPalm est, elle, virtuelle: elle contribue à financer des projets d’exploitation durable. (A propos des filières de production, lire notre guide)

Mise à jour février 2018: le RSPO, n'ayant pas atteint ses promesses, est sévèrement critiqué par la coalition suisse sur l'huile de palme.

Comment expliquer que des entreprises soient membres de RSPO sans utiliser une seule goutte d’huile certifiée?
Au départ, nous avons essayé d’inviter le maximum d’entreprises à participer au dialogue. A présent, RSPO demande à ses membres de fournir des rapports annuels sur les progrès en matière d’huile durable. Une entreprise qui n’atteindrait pas ses objectifs pourrait être, en théorie, exclue de la table ronde.

L’huile GreenPalm est issue du système «Book & Claim», qui permet l’achat de certificats. Cette option, bonne conscience à moindre coût, est moins chère pour les entreprises. Dès lors, quel est l’avantage à opter pour une filière durable?
Il faut savoir que la démarche RSPO implique une constante évolution et des objectifs échelonnés dans le temps. Les certificats de type «Book & Claim» ne sont pas une fin en soi: ils sont une première étape d’achat d’huile virtuelle avant le passage complet vers une huile bien réelle et certifiée. Cela étant, il est vrai que le label GreenPalm prête à confusion sur les produits…

Paradoxalement, les fabricants ne souhaitent pas afficher le label RSPO sur leurs produits car ils craignent que les consommateurs choisissent des produits sans palme…
C’est vrai, la majorité des fabricants renoncent à afficher un label. Certains estiment qu’il porte à confusion si tous les ingrédients entrant dans la composition d’un produit ne sont pas issus d’exploitation durable (ndlr : le sucre ou d’autres matières premières). D’autres y renoncent pour la raison que vous mentionnez ou par manque d’espace sur de petits emballages. Par ailleurs, lorsque l’huile de palme est présente en quantité limitée dans un produit final (1-2%), est-il vraiment nécessaire d’apposer un label? Au final, l’engagement des entreprises a bien plus d’importance que les logos utilisés pour la communication…

RSPO est une initiative basée sur le volontariat, que l’on peut quitter à tout moment, à l’image de la société new-yorkaise Heracles Farm qui, accusée par des ONG de s’approprier des terres de manière illicite en Afrique, a préféré partir plutôt que de changer sa pratique…
Ce cas est regrettable. Mais je ne suis pas sûr que cette entreprise ait fait le bon choix: de plus en plus d’organismes de financement exigent de leurs clients d’être membre de RSPO. Dès lors, Heracles risque de rencontrer des problèmes pour un prêt. Par ailleurs, cette production d’huile devra être mise sur le marché. Là aussi, de plus en plus d’entreprises exigent que leurs fournisseurs soient membres de RSPO. Enfin, une huile RSPO peut être vendue plus chère, il y a donc aussi un intérêt financier à opter pour la culture de palmeraies certifiées!

En réponse à notre questionnaire, beaucoup d’entreprises s’engagent à s’approvisionner uniquement en huile durable d’ici 2015. Est-ce réaliste?
Certaines prévoient de passer entièrement à de l’huile durable, d’autres s’engagent à acheter des équivalents de certificats GreenPalm. Dans les deux cas, les objectifs me semblent réalistes, tout du moins pour l’huile directement incorporée dans les produits. Cette étape est un premier jalon. Le WWF a publié, en 2009, un classement des entreprises européennes. Désormais, ce sont les organisations de consommateurs qui évaluent leurs efforts. Ce processus est important pour inciter les entreprises à concrétiser leurs engagements!

Comment se situent les entreprises suisses?
Certaines, comme Migros, sont des membres initiateurs de RSPO. Elles sont globalement en bonne position sur le classement européen. Cela s’explique par le fait que nos distributeurs produisent eux-mêmes une partie des aliments élaborés et que leur tonnage annuel d’huile est faible par rapport à une multinationale qui commercialise ses produits à l’échelle mondiale.

L’engagement de la Suisse, petit pays, une goutte d’eau dans l’océan?
Nos marques nationales, même si elles sont minuscules faces aux entreprises chinoises ou indiennes, démontrent qu’on peut intégrer de l’huile certifiée dans les processus industriels. Les exploitations entrevoient, elles aussi, la plus-value financière d’une production certifiée. Aussi, les compagnies engagées doivent-elles continuer leur efforts et les consommateurs maintenir la pression sur les marques internationales: à long terme, il est peut probable qu’une multinationale propose des produits avec de l’huile certifiée pour l’Europe et conventionnelle pour le reste du monde!

Quel est le surcoût pour l’industrie d’utiliser de l’huile de palme durable?
C’est aux fabricants de prendre la décision de réduire l’utilisation des graisses. Cela étant, à l’heure actuelle, l’huile de palme reste l’option la moins chère. Le passage à l’huile de palme durable n’est pas insoutenable pour les fabricants: le secret est bien gardé par les entreprises de commerce d’huile, mais on estime que l’huile certifiée coûte 30% de plus qu’une huile conventionnelle. Ce surcoût peut passer inaperçu dans les coûts de production d’un produit.

Quelles sont les alternatives réalistes à l’huile de palme?
On peut opter pour d’autres types de matières grasses. Par exemple, les huiles minérales pour les bougies. Mais dans le cas de l’alimentation, il se pose le problème des graisses trans qui sont issues de l’hydrogénation des huiles liquides et qui ont des effets nocifs sur la santé. Enfin, à l’échelle nationale, il serait écologiquement plus durable d’utiliser l’excédent de beurre produit dans notre pays (ndlr: 8000 tonnes en 2011) plutôt que des matières grasses provenant des tropiques…

Appel aux consommateurs: signalez-nous les produits sans huile de palme!

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