6.3.2024, Rebecca Eggenberger / Crédit photo: shutterstock.com
Mise à jour le 09.07.2024
L’ONG Foodwatch a porté plainte contre Nestlé Waters en France pour avoir traité ses eaux en bouteille sans en informer la clientèle. En Suisse, la FRC utilise le levier politique lors de la session de mars 2024 par l’entremise de sa Secrétaire générale.
Suite à l’affaire des eaux minérales, le Conseil fédéral a répondu aux questions de la Secrétaire générale de la FRC. Et il ne compte pas faire grand-chose! Il estime qu’il n’est pas nécessaire de dresser un inventaire de la qualité de ces denrées en Suisse, mais assure observer la situation. Selon lui, il n’y a pas lieu de mener de réflexions sur cette dénomination et les exigences légales y relatives. Plusieurs experts estiment pourtant qu’en raison de la pollution des sols et du réchauffement climatique notamment, ne pas traiter l’eau minérale deviendra un défi toujours plus complexe.
En janvier 2024, Nestlé Waters a défrayé la chronique en France pour des pratiques interdites de filtrage sur certaines eaux minérales. En Suisse, on apprend quelques jours plus tard que Nestlé a utilisé des filtres à charbon pour filtrer l’eau minérale de sa marque Henniez. La problématique est complexe. Tous les enjeux sous forme de FAQ.
QUEL EST LE PROBLÈME? | Selon l’Ordonnance fédérale sur les boissons, l’eau minérale naturelle est définie comme «une eau microbiologiquement irréprochable, ayant pour origine une nappe ou un gisement souterrain». Il est attendu d’une eau commercialisée sous cette dénomination une forme de «pureté originelle». Selon le texte légal, une eau naturelle ne peut pas être filtrée pour être débarrassée de certains résidus de pesticides, par exemple. C’est pourtant ce qu’a fait Henniez en installant des filtres à charbon dans le but de purifier son produit de certains résidus de pesticides.
En installant ces filtres sans y être autorisée, l’entreprise a violé la loi durant plusieurs années. Le consommateur a donc été victime de tromperie: la boisson de cette marque ne pouvait plus être considérée comme une eau minérale naturelle, mais la bouteille a pourtant conservé cet étiquetage illégalement et a continué à être vendue au même prix.
LA SANTÉ DES CONSOMMATEURS A-T-ELLE ÉTÉ OU EST-ELLE MISE EN DANGER? | Non. L’entreprise a installé ces filtres afin d’améliorer la qualité de son produit. Ces filtres à charbon sont sans danger pour la santé de la clientèle. Lorsque les autorités vaudoises ont découvert leur présence, elles ont ordonné leur retrait. Si la teneur en résidus a ensuite très certainement augmenté, elle reste dans des valeurs acceptables. Selon les autorités, l’eau d’Henniez peut être consommée.
POURQUOI CELA EST-IL ARRIVÉ? | Ces dernières années, certains sols et nappes phréatiques se sont imprégnés de résidus de certains pesticides, comme le chlorothalonil par exemple. De plus, la multiplication des épisodes liés au réchauffement climatique comme les fortes pluies ou les phases de sécheresse contribue à nourrir ce problème. Cette problématique de contamination a fini par toucher des sources d’eaux minérales en France et également en Suisse. Il convient également de relever que les techniques de détection de ces résidus sont de plus en plus sensibles.
Les autorités ainsi que la presse ont également fait état de la présence de résidus de pesticides dans l’eau du robinet de certaines régions, avec nécessité d’y trouver un traitement adapté. L’eau potable/eau du robinet répond toutefois à des normes légales différentes notamment en termes de contrôles et de traitements admis.
QUEL EST L’AVENIR DES EAUX MINÉRALES NATURELLES? | Le nombre de cas recensés en France ainsi que le cas Henniez en Suisse prête à croire que la pollution des sols et le dérèglement climatique entraîneront peut-être de nouvelles contaminations des sources d’eaux minérales. Certains distributeurs de ces eaux ne seront peut-être plus à même de respecter la législation en vigueur et d’assurer la «pureté originelle» mentionnée par la loi. Il est donc essentiel que les autorités fédérales et cantonales prennent le problème en main et apportent des réponses aux consommateurs sur l’avenir des eaux minérales naturelles. Ces derniers sont d’ailleurs en droit de se demander à ce stade quelle est la plus-value de consommer ces eaux par rapport à l’eau du robinet, au vu de sa différence de prix, étant parfois jusqu’à 300 fois plus élevé.
«Au vu de récentes affaires, on peut se demander dans quelle mesure les exigences légales liées à la pureté et au non traitement de l’eau minérale sont encore applicables.» Rebecca Eggenberger, resp. Alimentation
QUE FAIT LA FRC? | Contrairement à l’ONG Foodwatch, qui a lancé l’alerte en France, notre association a renoncé à déposer plainte contre Nestlé. Elle estime que la lenteur du système judiciaire en Suisse, qu’elle a expérimenté notamment dans l’affaire Viagogo – qui a duré plus de 6 ans – ne permettrait pas d’apporter toutes les réponses nécessaires.
Ainsi, Sophie Michaud Gigon, Secrétaire générale de la FRC, a déposé deux objets au Parlement, une question orale ainsi qu’une interpellation. Elle demande notamment au Conseil fédéral de faire la lumière sur la qualité des eaux minérales en Suisse et comment il entend assurer la qualité de ces dernières à l’avenir. Dans ses réponses, il indique notamment que « même si la production d’eau minérale naturelle est soumise à des exigences strictes, le Conseil fédéral estime qu’elle reste possible en Suisse. Selon lui, la dénomination spécifique « eau minérale naturelle » est donc toujours d’actualité ». Il renvoie également la balle aux autorités d’exécution, soit les chimistes cantonaux, chargés de faire appliquer les normes en vigueur.
Le Conseil fédéral ne se mouille pas | Le Gouvernement a répondu aux questions de la Secrétaire générale de la FRC. Et il ne compte pas faire grand-chose! Il estime qu’il n’est pas nécessaire de dresser un inventaire de la qualité de ces denrées en Suisse, mais assure observer la situation. Selon lui, il n’y a pas lieu de mener de réflexions sur cette dénomination et les exigences légales y relatives. Plusieurs experts estiment pourtant qu’en raison de la pollution des sols et du réchauffement climatique notamment, ne pas traiter l’eau minérale deviendra un défi toujours plus complexe. Bref, un dossier à ne pas lâcher!
Le Chimiste cantonal vaudois a dénoncé les agissements de Nestlé Waters au Ministère public, qui a ouvert une enquête pénale. Affaire à suivre.