4.10.2016, Laurianne Altwegg / Photo: Jean-Luc Barmaverain
En ville comme à la campagne, les ruches ont la cote. Abeilles des villes et apiculteurs débutants font-ils bon ménage? Réponses et conseils pratiques pour se lancer.
Contrairement à une idée reçue, les villes disposent d’une biodiversité élevée et celles dont les espaces verts ne sont plus traités aux pesticides offrent même un terrain très propice au petit hyménoptère. Comparées à certaines zones de campagne, les villes regorgent d’espèces différentes sur les balcons, dans les parcs et les cimetières. Arbres et fleurs ornementales constituent un vrai cocktail de nectars pour les butineuses. Leur survie étant menacée par les traitements chimiques et le manque de variétés en pollens, on comprend mieux la carte positive que peuvent jouer les cités urbaines.
Les analyses le prouvent: le miel des villes contient une plus grande diversité de pollens que nombre de miels des campagnes, surtout lorsque ceux-ci proviennent de zones en monoculture. Les autorités réalisent aujourd’hui que le miel issu des ruches urbaines, initialement destinées à polliniser les espaces verts, est aussi d’excellente qualité. A cela s’ajoutent des températures plus clémentes, profitables à la durée de vie et à la productivité des abeilles. Cela dit, l’utilisation de pesticides par des privés pour traiter leurs plantes peut parfois ternir cette image d’Epinal.
Et la pollution dans tout ça? Un test réalisé sur le miel de l’Opéra de Paris montre qu’il possède des caractéristiques proches des miels bio sauvages et ne contient aucune trace d’hydrocarbures ou de métaux lourds. Idem pour les miels de Lausanne, de Zurich et même celui des ruches installées à côté de l’aéroport de Genève. Il faut dire que l’abeille a un «effet filtre» permettant au miel d’être exempt de polluants ou de pesticides, même si ces substances nuisent à la survie de l’insecte.
«J’élève mes abeilles»
La plupart des apiculteurs ont des ruches par passion et sont des amateurs. Toutefois, leur nombre (comme celui des colonies) a chuté de moitié depuis les années 1950 – ils ne sont que 3700 en Suisse romande. Le regain d’intérêt actuel tombe à point nommé. D’autant que se lancer en apiculture ne requiert aucune demande d’autorisation ou chicanerie administrative. Seule obligation, celle de déclarer ses ruches au canton. L’apiculture demande en revanche d’être bien préparé et conscient de l’investissement que cela représente. Premières exigences, acquérir des connaissances et du matériel, et être prêt à faire des sacrifices. Notamment ne pas partir en vacances entre avril et octobre, à moins d’avoir un bon réseau d’amis apiculteurs prêts à prendre le relais. S’agissant d’un insecte très sensible aux maladies, il faut le surveiller, le nourrir et le soigner: une responsabilité importante qui peut avoir des conséquences sur la survie des ruches environnantes en cas d’épizootie.
Une ruche à soi: les étapes principales
S’INFORMER | Prendre des cours permet d’acquérir les connaissances théoriques minimales (organisation de la colonie, législation, travail du miel, etc.) et les gestes de base grâce à des travaux pratiques au rucher-école. Chaque région possède des sociétés apicoles qui en proposent. Comme ils sont souvent complets, il est conseillé de s’inscrire à l’avance. Des livres – dont L’apiculture – une fascination édité avec Agroscope – et revues spécialisées vous aideront à compléter ces notions et à rester au fait des développements dans le monde apicole, particulièrement les produits autorisés ou les zones touchées par les maladies.
CRÉER SON RÉSEAU | L’échange d’expériences est la base de l’apprentissage. Faites appel aux conseillers apicoles de votre canton, là pour répondre à vos questions. Adhérer à une société permet aussi de rencontrer d’autres apiculteurs. Ces discussions vous orienteront sur le lieu d’implantation approprié – orientation, craintes des voisins, ruches et nourriture à proximité – et vous aideront à choisir le type de ruche à mettre en place.
ACHETER LE MATÉRIEL | Deux écoles s’affrontent en la matière: les Romands adeptes de la «ruche Dadant» et les Alémaniques qui lui préfèrent la «ruche suisse». Cette distinction se retrouve auprès des fournisseurs. Quelle que soit votre choix, comptez 2500fr. au moins pour l’ensemble du matériel, sauf si vous optez pour une ruche d’occasion et empruntez le matériel d’extraction du miel. Autre alternative intéressante mais peu répandue, la «ruche Warré»: développée pour permettre une apiculture à moindre coût, elle requiert moins de matériel, mais il est conseillé de ne pas l’utiliser sans cadres car cela empêche l’inspection du couvain en cas d’épizootie. Au-delà du type de ruche, l’important pour pratiquer une apiculture respectueuse des abeilles est de leur laisser suffisamment de miel pour se nourrir et d’utiliser le moins de produits possible. Il vous faudra au moins deux ruches pour débuter.
TROUVER DES ABEILLES | L’acquisition d’un nucléi (jeune colonie) peut s’avérer difficile. Votre réseau peut vous aider. Dans tous les cas, renoncez à importer: non seulement la procédure est très stricte, mais vous prenez le risque d’introduire des maladies graves en Suisse.
DÉCLARER SES RUCHES | Obligation légale émanant de l’Ordonnance fédérale sur les épizooties, l’inscription auprès de l’Inspecteur cantonal des ruchers a pour but de recenser les maladies et d’empêcher toute propagation à d’autres colonies. Véritable conseiller apicole, il vous aide à surveiller la santé de vos protégées et à prendre les mesures qui s’imposent en cas de présence de bactéries, maladies ou ravageurs.
Quelle ruche pour mes abeilles?
Ruche Dadant, suisse ou Warré: laquelle choisir? Petit tour de leurs atouts et faiblesses.
A l’heure de choisir le type de ruche avec lequel vous souhaitez travailler, vous constaterez rapidement que le sujet est controversé. Les apiculteurs sont en effet très attachés à leur modèle, ne trouvant que des défauts aux autres. Il est toutefois conseillé de faire son choix en fonction des avantages et inconvénients de chacune et du type d’apiculture envisagé.
Ruche suisse | Elle est le symbole de la tradition apicole alémanique. L’observation de la colonie est facile, elle offre des rendements rapides et permet également de moins se fatiguer le dos puisque l’apiculteur ne manipule que les cadres. Elle est en revanche chère à l’achat, en plus d’être très lourde: prévue pour un rucher pavillon, elle peut difficilement être déplacée. Inconvénient majeur: l’orientation des cadres oblige l’apiculteur à tous les sortir s’il souhaite inspecter celui qui se trouve proche de l’entrée de la ruche. Il est donc obligé de disposer d’une caisse adaptée pour les déposer le temps de la manipulation. Qui du coup prennent aussi plus de temps.
Ruche Dadant | Cette ruche à hausses multiples a l’avantage d’être modulable: il est possible de lui ajouter des éléments pour l’adapter au développement de la colonie. Grâce à un accès aux cadres aisé, elle a l’avantage d’être plus maniable et un simple support suffit pour la poser. Elle est également moins chère et idéale pour l’apiculture pastorale car facile à déplacer. Son principal désavantage: la travailler demande plus d’efforts pour le dos.
Ruche Warré à cadres | Simple, légère, petite et maniable, elle peut être construite facilement sur plan par un apiculteur un peu bricoleur. Commander le bois ne revient qu’à quelques centaines de francs: un budget bien moindre que pour d’autres types de ruches. En revanche, même si laisser les abeilles construire leurs propres cadres est séduisant puisqu’elles se comportent ainsi comme dans la nature, ce n’est toutefois pas recommandé. Il est en effet indispensable de pouvoir observer si le couvain est sain, ce que l’absence de cadre rend difficile, voire impossible si ceux créés par les abeilles ne peuvent être retirés. En cas d’épizootie, l’inspecteur des ruchers risque fort d’être contraint d’ordonner la destruction de la ruche s’il ne peut l’inspecter.
Dans tous les cas, il est conseillé de disposer de deux ruches au minimum pour se lancer la première année et de continuer au moins trois ruches dès la deuxième. Et quelle que soit l’école pour laquelle vous opterez, rappelez-vous que pour pratiquer une apiculture respectueuse des abeilles l’important est de prendre conscience que c’est un élevage d’animaux, de leur laisser suffisamment de miel pour se nourrir et d’utiliser le moins de traitements possible.