3.2.2021, Privilégier des aliments peu ou pas transformés est une recommandation qui ne mange pas de pain! Shutterstock
L’industrie a rendu certaines denrées très attrayantes et pratiques. Mais sont-elles réellement bonnes? Questions-réponses avec Jean-Claude Moubarac de l'Université de Montréal.
Confinement et télétravail ont affecté notre manière de manger. Selon un sondage réalisé par les offices fédéraux, plus de fruits et légumes et de pain maison chez les uns, plus de grignotage et de repas décalés chez les autres. Les en-cas tout prêts, par exemple, sont vite avalés entre deux visioconférences et incitent à en manger à toute heure. Ces produits appartiennent typiquement à la catégorie des aliments ultratransformés (lire encadré). Leur facilité d’emploi et leur palatabilité incitent au snacking hors des repas traditionnels. Jean-Claude Moubarac, professeur adjoint en nutrition internationale à l’Université de Montréal et spécialiste des systèmes alimentaires, décrypte ce phénomène de société.
Comment définissez-vous une denrée ultratransformée?
Il s’agit d’un produit dont la formulation contient des substances extraites d’aliments. Ses additifs cosmétiques (colorants, arômes) font qu’il ressemble à une denrée intacte ou peu transformée. Mais en fait, le produit a été fortement travaillé pour se substituer aux préparations simples et faites maison, sans avoir à cuisiner.
On modifie les denrées brutes depuis la découverte du feu. Alors, pourquoi considérer désormais le degré de transformation des marchandises du commerce?
Dès que l’on agit sur de la matière, on altère ses propriétés et ses effets sur notre corps. Mais cela ne veut pas dire que la transformation est mauvaise en soi, bien au contraire! Toutefois, il est important de considérer le degré, la raison et la fonction de cette action si l’on veut comprendre les liens entre alimentation, nutrition et santé.
Quelles sont vos observations sur les ultratransformés?
Ils sont riches en sucres, sel et gras; les trois variables étant souvent combinées. De plus, ils fournissent un faible apport en fibres, vitamines et minéraux. Ils ont également des caractéristiques obésogènes car ils favorisent la suralimentation au-delà des besoins. Globalement, plus on en mange, moins la qualité de l’alimentation générale est favorable au bon équilibre corporel. Ils constituent entre 40 et 70% des calories quotidiennes dans la plupart des pays occidentaux, et leur consommation augmente rapidement dans le reste du monde – avec des effets importants sur la santé.
Quels sont ces effets justement?
La composition des ultratransformés, leur consistance, leur disponibilité constante et le marketing qui y est associé modifient l’alimentation en profondeur. Leur consommation est associée à une détérioration de la qualité nutritionnelle et, de ce fait, de l’état de santé. Particulièrement, plusieurs méta-analyses ont conclu que ces produits augmentaient le risque d’obésité et de nombreuses maladies chroniques.
Plusieurs pays ont décidé d’inverser la tendance. Comment devraient agir les autorités suisses?
Il faut développer des politiques publiques et des infra-structures supportant la création de systèmes sains et durables, par exemple en favorisant un système d’approvisionnement basé sur l’agriculture locale et biologique ainsi que la cuisine dans les écoles et hôpitaux. Mais aussi mener des campagnes de sensibilisation sur l’importance de la cuisine et des aliments et plats locaux via les recommandations alimentaires nationales.
En attendant, que conseillez-vous?
De privilégier une grande variété de produits frais ou peu transformés, et de les préparer simplement, avec la main légère sur les sucres, huiles et sel. Et d’éviter de consommer des produits ultratransformés sur une base quotidienne