10.9.2024
Jean Busché est expert en nouvelles technologies à la FRC. Il suit de près les dérives du monde numérique, dont celles liées aux dark patterns sur les plateformes en ligne et les achats intégrés dans l’industrie du jeu.
Quel est l’intérêt de faire écho à ce test en Suisse?
Ces applications, les enfants y jouent aussi. Il est certes important d’appeler les parents à être vigilants, mais certains jeux sont problématiques dans leur conception même. Au-delà, le test montre une fois de plus que même dans des produits qui ciblent les plus jeunes comme ces apps, on retrouve des pratiques extrêmement problématiques qui poussent à l’achat, à la non-déconnexion ou au partage excessif de données.
Qu’est-ce qu’une bonne application de jeu?
Celle dont le contenu est adapté à la personne, qui est sûre à l’utilisation, qui ne pousse pas à l’achat compulsif et qui respecte le temps de déconnexion du joueur. Ainsi, choisir un jeu qui possède un début et une fin et acquérir une application payante permet d’éviter ces pratiques prédatrices inhérentes au modèle économique dit «freemium». Tester le jeu soi-même est aussi judicieux. Pro Juventute est également une bonne ressource d’information.
32,7 mia, soit le chiffre d’affaires du secteur du jeu vidéo en 2021. Preuve que les achats intégrés pour obtenir des améliorations ou débloquer des paliers sont lucratifs.
Ce test met l’accent sur les manipulations dont les enfants sont victimes. Que peut faire un parent?
Commencer par comprendre les astuces de conception, ces dark patterns qui poussent à ne pas quitter le jeu et à acheter des éléments pour progresser dedans. Sachant comment cela fonctionne, les adultes sont ensuite en mesure d’expliquer les mécanismes aux enfants et de les accompagner afin qu’ils puissent les reconnaître aussi. C’est un peu comme installer un cercle vertueux vis-à-vis de la personne la plus vulnérable pour qu’elle résiste mieux à la pression addictive.
Mais ne faudrait-il pas agir en amont, plutôt?
En effet, la Suisse est face à un vide juridique qui profite aux acteurs les plus problématiques. Or les mauvaises pratiques se multiplient. Il faut donc protéger la population contre ce type d’abus. C’est au Parlement de s’emparer du dossier pour dessiner les contours d’un cadre légal spécifique et adapté. Et de l’élargir à tout type de plateformes.
«Investir dans une console dédiée avec des jeux sans pratiques prédatrices est un bon moyen de faire un pied de nez au modèle économique de ces apps.» Jean Busché, responsable Nouvelles technologies
Les achats intégrés sont aussi problématiques?
On pense à tort que le jeu en ligne est un marché de niche, réservé aux geeks. La preuve que non, puisque ce test concerne les 0-12 ans. Cette industrie génère des milliards et les microtransactions constituent le modèle économique dominant pour les jeux mobiles. Pourtant, les régulations sont inexistantes. La FRC souhaite là aussi une prise de conscience du législateur pour garantir un environnement de jeu sûr et transparent. Elle revendique davantage d’information et de transparence sur les prix, une limitation des pratiques tordues générant des achats impulsifs et non prémédités, ainsi qu’une protection efficace des mineurs et des personnes vulnérables.