1.11.2022, Yannis Papadaniel
La FRC a reçu de nombreuses réactions après qu’Assura a revu à la baisse le nombre d’hôpitaux et de cliniques dans certains de ses modèles d’assurance complémentaire hospitalisation. La problématique ne lui est pas propre et implique d’autres acteurs. Éclairage et perspectives.
Au mois d’août, Assura envoyait un courrier aux titulaires d’une complémentaire santé Optima/Optima Varia dans lequel le groupe annonçait avoir redéfini ses conventions avec les fournisseurs de soins. L’assureur y justifiait la démarche en plaidant la garantie d’une facturation transparente. L’argument est correct. Il répond à une enquête que la Finma – l’organisme qui contrôle les assurances privées – avait close en décembre 2020. Les résultats pointaient du doigt un manque de clarté dans la facturation, voire des surfacturations dans les prestations dites hôtelières, mais également dans les honoraires privés des médecins. La Finma a donné un délai à fin 2023 aux assureurs pour dénoncer et renégocier les contrats qui les lient aux établissements de santé privés.
Nous avons pu consulter les nouvelles conventions, sans connaître le montant négocié entre Assura et les établissements signataires. Les nouvelles directives sont effectivement beaucoup plus précises. Elles offrent une meilleure transparence en listant les prestations prévues en cas d’hospitalisation en régime privé ou semi-privé. Clairement un gain pour les assurés.
Un point joue toutefois grandement en leur défaveur: certains établissements d’importance régionale ne leur sont plus accessibles. Face à cette situation, la marge des assurés s’est révélée très restreinte. Ils peuvent soit s’accommoder des listes révisées, soit opter dans un délai initialement fixé à fin septembre, puis prolongé à fin octobre 2022, pour la complémentaire Ultra Varia. L’augmentation de prime est rédhibitoire. En outre, en optant pour l’Ultra Varia, les assurés qui étaient au bénéfice de l’Optima, fermée à la vente, renoncent à une prime dite «à âge d’entrée» (prime qui n’est pas adaptée tous les cinq ans, entre 26 et 91 ans).
Les assurés devant le fait accompli
Certains établissements se sont directement adressés à leurs patients pour leur annoncer leur retrait des listes et dénoncer les conditions imposées par Assura. Dans un message adressé à leurs médecins agréés à la fin du mois d’août, les cliniques Bois-Cerf et Cecil à Lausanne (Hirslanden), qui restent sur les listes, affirment tout mettre en œuvre pour absorber les nouveaux patients et leur faciliter les changements occasionnés. Or les difficultés peuvent être importantes pour les malades chroniques ou les personnes en cours de traitement contraintes de changer d’établissement et, souvent, de médecin. Celles atteintes d’un cancer sont particulièrement exposées. Il est néanmoins trop tôt pour déterminer si les établissements maintenus sur les listes parviendront à absorber le flux des nouveaux patients.
« Tout médecin doit informer son patient lorsqu’une intervention ou un traitement ne sont pas couverts. »
Yannis Papadaniel
Suivant les requêtes de la Finma, on sait que des négociations similaires ont lieu actuellement entre tous les assureurs LCA et les prestataires. Cet épisode n’est donc que le premier. Toutefois, les assureurs ne sont pas les seuls à blâmer. Ils ont certes attendu les injonctions de la Finma pour agir, mais les fournisseurs de prestations se sont bien gardés de revoir leur politique tarifaire et de facturation. Ils n’ont jamais tenté de contrôler les coûts ni d’empêcher les primes d’augmenter.
Et les médecins ?
Il semblerait que les négociations pour encadrer les honoraires médicaux s’avèrent encore plus laborieuses. En début d’été, Helsana a adressé un courrier à ses assurés, dont une copie a été transmise aux médecins privés. à l’avenir, lors d’une prise en charge en régime privé ou semi-privé, le praticien doit justifier de ses prestations supplémentaires. Par supplémentaire, on entend toute prestation qui n’est pas déjà comprise dans les remboursements effectués par l’assurance obligatoire. La demande semble raisonnable, elle vise à éviter la double facturation et à clarifier le contenu des factures, incompréhensible voire faux comme la FRC l’a illustré dans une enquête en mai 2022. Or, dans un courrier daté du 15 août dernier, la Société vaudoise de médecine (SVM) s’inscrit en faux contre cette démarche: «Notre rapport contractuel est avec le patient. C’est à lui que nos factures sont destinées (…). Charge à l’assurance du patient de lui rembourser nos factures. Le patient est, bien sûr, en droit d’être informé sur le montant prévu des honoraires médicaux et nous sommes tenus de le renseigner (…). Si d’autres patients vous interpellent pour des courriers similaires, nous vous suggérons de les rassurer, de leur expliquer notre absence de rapport contractuel avec leur assurance, et de leur conseiller de ne pas donner suite aux requêtes de l’assureur.» De son côté, Helsana signale que des discussions ont abouti avec la Fédération des hôpitaux vaudois, ainsi que l’Hôpital du Valais et une clinique genevoise. La situation semble plus compliquée dans les discussions avec la SVM, de l’aveu de plusieurs acteurs.
Devoir d’information
La position de la SVM n’est pas sans danger pour les patients qui pourraient devoir régler de leur poche les factures refusées par les assureurs. Une position que réfute Philippe Eggimann, président de la SVM, pour qui «la responsabilité incombe aux assureurs. En décidant unilatéralement de modifier les conditions de remboursement à leurs assurés, ils prennent le risque de ne pas respecter leurs obligations contractuelles. Il s’agit aussi de définir ce que sont ces prestations supplémentaires d’un point de vue médical. Les conventions que nous proposons incluent leur définition et la manière de les documenter. Cet aspect ne peut pas être unilatéralement défini et/ou imposé par les assureurs.» Une telle position relègue tout de même au second plan le devoir d’information auquel sont soumis les médecins. Celui-ci n’implique pas uniquement une explication complète, claire et intelligible des aspects médicaux de la prise en charge, mais aussi celle des coûts et de leur remboursement. Tout médecin doit attirer l’attention du patient lorsqu’une intervention ou un traitement ne sont pas couverts pas l’assurance de base ou la complémentaire. Dès lors qu’il existe un doute quant à la prise en charge de ses honoraires, il ne peut ignorer la politique de remboursement, aussi nouvelle soit-elle, des assureurs. Faute de quoi, il participe comme les autres acteurs du système de santé à laisser les assurés porter seuls ce fardeau.
Pour aller plus loin
Enquête: facture médicale