18.2.2021, Yannis Papadaniel
Les résultats d’une enquête de la FINMA apportent un éclairage peu reluisant sur de drôles d’arrangements entre assureurs privés et fournisseurs de prestation.
Le 17 décembre 2020, la FINMA, l’institution en charge de surveiller les banques et les assurances privées, a publié un communiqué de presse inhabituellement long. Sous son apparente sobriété, c’est un ton plutôt ferme qu’elle utilise à l’encontre des assureurs, visant plus particulièrement certaines de leurs pratiques dans le domaine des complémentaires de santé. En effet, la haute autorité demande plus de clarté dans la facturation des prestations médicales et hospitalières. Elle a mené des contrôles durant l’année auprès de certains assureurs – sans spécifier lesquels – couvrant plus de 50% de l’ensemble des volumes des primes des assurances d’hospitalisation en division privée et semi-privée.
Ses constats sont proprement renversants, puisqu’il s’avère que de nombreux contrats liant les assureurs et les hôpitaux ou les médecins ne comportent que peu d’exigences quant au libellé et aux détails des factures. Ce manque de précision permet «de mauvaises incitations», pour reprendre la terminologie diplomatique de la FINMA. En clair, praticiens et institutions de soins avaient les coudées suffisamment franches pour gonfler des factures que les assureurs, de leur côté, ne sont pas donnés la peine de contester.
Une liste d’abus interminable
Il en a résulté des doubles facturations où des prestations déjà remboursées par l’assurance obligatoire ont été, au moins en partie, décomptées et remboursées une seconde fois par la complémentaire. Dans le cadre de produits laissant aux assurés le libre du choix du praticien, la FINMA a observé que les médecins traitants facturaient non seulement leurs honoraires, mais aussi d’autres médecins impliqués dans la prise en charge: jusqu’à 40 médecins ont fait valoir des honoraires via la complémentaire pour un seul patient et sans justification! Pour des traitements identiques, des variations de coûts ont été constatées, avec des charges supplémentaires facturées de 1500 à 25 000 francs en plus de la prestation de base couverte pourtant par l’assurance obligatoire. Sur les prestations hôtelières, les montants sont souvent élevés, sans qu’aucun détail ne soit fourni les justifiant: «Il y a des indices laissant penser que, dans certains cas, les coûts d’hôtellerie facturés dans les hôpitaux dépassent systématiquement les coûts réels». Et les patients ne sont pas à même de vérifier les factures puisqu’ils ne les reçoivent pas. Dans l’éventualité où une facture leur a été adressée, aucun libellé ne leur permet toutefois d’en comprendre le contenu détaillé.
Des informations pas assez détaillées
La FINMA précise «qu’il n’est pour l’instant pas possible d’estimer l’ordre de grandeur des prestations facturées en trop dans le domaine des complémentaires (…) mais (elle) considère que sur l’ensemble du marché, le montant qui ne devrait pas être assumé par les payeurs de primes est significatif». Alors que les primes des complémentaires ont également beaucoup augmenté – dernière annonce en date, en novembre 2020, celle d’Assura dont l’augmentation des primes touchait 50 000 assurés – l’enquête de la FINMA sous-entend clairement qu’une part de ces hausses est indue et ne devrait pas être assumée par les assurés. Pour rappel, à partir d’un certain âge, les assurés sont captifs. Il est impossible pour eux d’opter pour une autre assurance complémentaire dont l’accès est soumis à une sélection des risques par le biais de questionnaire de santé.
Au moment de rédiger cet article, la FRC envisage toutes les suites possibles. Elle cherche à obtenir davantage de détails pour connaître les montants en jeu et, surtout, les assureurs et les fournisseurs de prestations incriminés. Contactée, la FINMA ne communique aucun élément en plus que ceux figurant dans son communiqué de presse de décembre dernier: si elle admet «qu’il s’agit d’un problème systématique», elle indique ne pouvoir «fournir aucune information sur le volume, seulement vous dire que l’ampleur n’est pas négligeable, de sorte que nous avons vu un besoin urgent d’agir».