23.9.2019, Robin Eymann – Collaboration: Maxime Bottel / Le coût d’une exploitation laitière bio est en moyenne de 20% plus élevée. Le prix payé par le client est lui 35% plus élevé. Shutterstock.com
Le prix que le consommateur accepte de payer en plus va-t-il bien dans la poche du producteur ? On peut en douter. Exemples.
Les produits bio sont plus chers que les conventionnels. Cela à hauteur de 50% en moyenne, selon le panier type de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Pour les besoins de cette enquête menée conjointement avec On en Parle,, l’émission radio de la RTS, nous avons retenu quatre denrées de base: les œufs, les pommes de terre, la farine et le lait.
En Suisse, impossible d’obtenir les marges des distributeurs. Les données dont on dispose sont le prix à la production (part qui revient à l’agriculteur) et le prix à la consommation (somme que le client débourse). La différence entre eux est l’argent qui revient aux intermédiaires: c’est la marge brute des transformateurs et des distributeurs. Les données des denrées bio ont été confrontées à celles des conventionnelles.
Calculs à l’appui
Ainsi, les marges dans le bio sont effectivement bien plus élevées. En gros, les intermédiaires paient un prix un peu plus élevé au producteur, mais revendent bien plus cher au client. Prenons un kilo de pommes de terre: il coûte au client 1 fr. 47 de plus en bio, mais seulement 47 ct. reviennent au producteur. Le franc restant s’évapore en chemin. Cela représente une marge supplémentaire de 74% pour les intermédiaires par rapport au conventionnel.
Les œufs d’élevage au sol est un exemple plus marquant encore: le consommateur consent à payer 40 ct. de plus pour un œuf bio. Mais 20 ct. seulement retournent au producteur. Les intermédiaires empochent donc la moitié du différentiel (95%)! A quoi ils rétorquent que transporter, préparer, emballer, mettre en rayon les produits bio amènent des coûts supplémentaires. Contacté, Coop, par exemple, refuse de commenter ses marges et se borne à dire qu’il gagne autant d’argent sur le bio que le non-bio.
Client pris au piège
Agridea, l’Association suisse pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural, n’est pas de cet avis. Certes, une partie de la marge des intermédiaires s’explique par des surcoûts: emballages parfois de meilleure qualité, plus grande traçabilité ou frais spécifiques de mise sur le marché, convient Sophie Reviron, qui a fait de nombreuses études sur le sujet. Mais les coûts de séparation des circuits de production semblent ne jouer plus aucun rôle aujourd’hui. En clair: une bonne partie du prix du bio ne tient pas aux coûts effectifs mais au fait que les distributeurs exploitent la propension du client à payer davantage un produit labellisé.
Plus de transparence
«Le prix accepté et payé par le consommateur peut être beaucoup plus élevé que les coûts de production réels, relate encore la spécialiste. La part du prix de vente final qui revient au distributeur augmente fortement sur les produits à haute valeur ajoutée (…). C’est le cas pour le lait bio (+35%) ou certaines spécialités et produits de marque (+50%). Le distributeur gagne ainsi par deux fois: d’abord avec un prix de vente plus élevé, ensuite du fait de l’augmentation du taux de marque. Plus les producteurs et transformateurs arrivent à convaincre le consommateur de payer le prix fort, plus la part de la valeur des distributeurs augmente.»
De l’avis de la FRC, il est temps d’exiger davantage de transparence pour obtenir des denrées saines, respectueuses de l’environnement, payant plus équitablement le producteur et acceptables dans le budget de tous les ménages.