Alimentation

Croquettes pour chat: la gamelle qui rend malade

Trop de composés nocifs entrent dans la composition des produits. Aux fabricants d’agir, vite!
Alimentation

Archive · 03 septembre 2018

Le chat est en moyenne dix fois plus exposé à l’acrylamide que l’homme. Jean-Luc Barmaverain

Et si l’alimentation industrielle rendait les chats souffrants? La question est légitime. Une étude suédoise a montré que lorsque les félins domestiques ne meurent pas par accident (13% des cas), ils décèdent de maladies urinaires ou rénales (20%) et de cancers (12%). Certes, la génétique y est pour beaucoup – surtout chez ceux de race – cependant, les aspects environnementaux tels que la nourriture ou la qualité de l’air jouent aussi un rôle dans le développement de ces maladies.

Pour investiguer, nous nous sommes focalisés sur les croquettes, plébiscitées par une large majorité des propriétaires de chats. Nous avons sélectionné quinze marques, allant du premier prix aux références haut de gamme (Hill’s, Iams, Royal Canin, Almo, Pro Plan, Josera).

Comme ces aliments sont constitués de céréales, nous les avons suspectés de contenir de l’acrylamide (lire ci-contre). Une suspicion évidente car bon nombre de denrées destinées aux humains, du pain aux biscuits en passant par les frites et le café, en recèlent. Pourtant, nous n’avons trouvé nulle trace d’étude scientifique portant sur la présence de ce composé dans les produits pour animaux; notre test constitue donc une première.

Le chat est en moyenne dix fois plus exposé à l’acrylamide que l’homme.

Cruelle absence de réglementations

Une première retentissante, tant les résultats s’avèrent édifiants. Certes, aucune norme ne réglemente le taux d’acrylamide dans les croquettes pour animaux, mais une simple comparaison avec les valeurs indicatives destinées aux humains suffit pour constater que les chats ingèrent beaucoup trop de cette substance cancérigène durant leurs repas. Nos analyses mettent clairement en évidence la nécessité de fixer des limites pour les aliments destinés aux animaux.

Les fabricants donnent le ton

Toujours en raison de la présence de céréales, les croquettes sont susceptibles de contenir des mycotoxines, des contaminants naturels très toxiques qui affectent aussi la nourriture humaine. Là encore, notre laboratoire a trouvé des quantités inquiétantes de certaines variétés de mycotoxines. Mais en l’absence de réglementations, ou du moins de normes plus strictes, les fabricants se déclarent satisfaits des résultats. Avec aussi peu de contraintes, difficile en effet de livrer un produit insatisfaisant selon leurs critères. Nous ne partageons pas ce point de vue et avons pénalisé les neufs variétés qui contenaient des doses de mycotoxines plus élevées.

Mais alors, qui dicte aux fabricants quoi mettre ou pas dans les produits? Eh bien, ce sont les fabricants eux-mêmes qui éditent chaque année des lignes directrices par le biais de la Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers. Un document que l’Union européenne reprend tel quel pour fixer ses normes d’étiquetage. On y trouve beaucoup de chiffres indiquant les quantités de nutriments, de minéraux, de vitamines que devraient contenir selon eux leurs aliments. En revanche, aucune mention d’éventuels contaminants ni de substances indésirables. Même le taux admissible de sel ajouté en est absent.

Résultats du test

Et comment les industriels ont-ils accueilli nos résultats? Si certains, comme Nestlé (Felix, Purina One, Purina Pro Plan) et Hill’s, déclarent n’avoir aucun commentaire à faire, d’autres, comme Mars (Whiskas, Iams, Royal Canin), livrent une réponse beaucoup plus détaillée, mais sans réelle remise en question: «Nous continuons à observer tout développement supplémentaire dans la recherche sur l’acrylamide. » Migros affirme quant à elle que son «fournisseur a pris les mesures nécessaires afin de minimiser le risque de formation d’acrylamide dans le processus de production». Quant à Coop, elle dit «prendre en compte ces résultats dans la prochaine évaluation de produits». Tous relèvent toutefois en premier lieu que leurs produits satisfont les réglementations en vigueur.

En proportion avec les valeurs admises chez l’homme, le chat ingère 3,5 fois trop de sel.

Quand les marques s’invitent à l’Université

Nous avons également soumis ces résultats à Pascal Chaubert, vétérinaire au Mont-sur-Lausanne (VD). Ce praticien féru de médecine préventive et en particulier de questions nutritionnelles affiche déception et désarroi: «Je ne m’attendais pas à des valeurs d’acrylamide aussi élevées, surtout dans certains produits haut de gamme par ailleurs très bien formulés. Bien qu’aucune recommandation officielle n’existe quant aux doses journalières maximales tolérables chez l’humain et chez l’animal, le principe de précaution voudrait que les industriels réduisent les concentrations au plus bas. D’autant plus que les croquettes représentent le seul apport alimentaire chez bon nombre d’animaux de compagnie. Une réduction drastique est parfaitement possible puisque dans cette étude, les taux observés dans les croquettes varient d’un facteur de 10. Ces résultats démontrent que tous les industriels doivent remettre en question leur mode de fabrication. L’idéal pour minimiser la production d’acrylamide serait probablement de fabriquer les croquettes par séchage au four à 100°C plutôt que par extrusion à plus de 120°C.»

Quelles alternatives?

Autre experte que nous avons sollicitée: Annette Liesegang, directrice de l’Institut de nutrition vétérinaire à l’Université de Zurich. Malgré notre insistance, elle n’a pas répondu à nos multiples sollicitations, pour cause de vacances. Surpris par ce manque d’intérêt, nous avons chercher à contacter d’autres personnes du centre. En vain. Mais constaté au passage que Royal Canin (Mars) finance deux places d’étudiants en nutrition vétérinaire. Quant à la doctoresse Liesegang, elle promeut sur internet les produits de la gamme Purina Proplan (Nestlé). Dans une telle situation, propice aux conflits d’intérêts, on imagine mal comment cette spécialiste aurait pu nous livrer une expertise indépendante. C’est pourtant bien ce que l’on attend d’un professeur d’Université…

Définitions

QU’EST-CE QUE C’EST?

L’acrylamide est une substance chimique qui se forme dans les aliments riches en amidon comme les pommes de terre, le blé, le riz, le maïs lorsqu’ils sont cuits à une température supérieure à 120 °C.

POURQUOI EN TROUVE-T-ON?

Toutes contiennent un ou des ingrédients à base d’amidon. L’industrie pourrait fabriquer des croquettes à des températures inférieures à 120 °C, mais elle ne le fait visiblement pas, sans doute pour des questions de rentabilité: plus on chauffe, plus vite le produit peut être conditionné, plus le volume est élevé.

QUELS SONT LES DANGERS?

L’acrylamide est reconnue comme cancérogène avéré pour l’animal et possible pour l’homme. Chez les rats et les souris, elle affecte le système nerveux et la reproduction. Elle est également génotoxique, c’est-à-dire qu’elle peut affecter l’ADN et donc provoquer un cancer.

QUE DIT LA LOI?

Aucune loi ne limite la teneur en acrylamide des aliments pour humains et pour animaux. Depuis cette année toutefois, un nouveau règlement européen donne des niveaux indicatifs d’acrylamide que les industriels de l’alimentation humaine ne devraient pas dépasser. Pour l’heure, ces indications ne sont pas contraignantes. Selon ses déclarations, la Confédération prévoit de reprendre les dispositions de ce règlement dans le droit suisse. Pour l’alimentation animale, aucune disposition n’existe à ce jour.

COMMENT AVONS-NOUS ÉVALUÉ?

Le règlement européen indique une limite de 300 microgrammes (μg) d’acrylamide par kilo pour les céréales du petit-déjeuner. C’est cette valeur que nous avons retenue pour juger nos quinze variétés de croquettes.

QUELLE QUANTITÉ DANS LES CROQUETTES?

Onze variétés dépassent la limite de 300 μg. Purina One et Purina Pro Plan sont de loin les plus chargées en acrylamide, avec respectivement 1660 et 1530 μg par kilo. Qualité & Prix suit avec 1010 μg d’acrylamide au kilo. Des valeurs intolérables qui outrepassent largement les limites fixées pour l’homme, alors même que les croquettes constituent souvent l’essentiel de l’alimentation du chat. Celles qui en contiennent le moins sont les Coshida de Lidl (178 μg).

QU’EST-CE QUE C’EST?

Le sel, ou chlorure de sodium, est un additif bien connu dans l’alimentation humaine, comme dans la nourriture destinée aux animaux.

POURQUOI EN TROUVE-T-ON?

Le sel apporte du sodium, un minéral bénéfique pour la santé. Il rend également le produit plus appétissant. Car comme l’être humain, les animaux sont attirés par la saveur des aliments salés.

QUELS SONT LES DANGERS?

Une consommation excessive de sel favorise l’hypertension, à l’origine de nombreux problèmes cardiovasculaires et rénaux. Chez l’homme, les instances nationales et internationales de la santé recommandent de ne pas consommer plus de 5 grammes de sel par jour.

QUE DIT LA LOI?

Rien n’oblige les fabricants de nourriture pour animaux à indiquer le taux de sel de leurs préparations, comme c’est le cas pour la nourriture humaine. Et aucune réglementation ne limite le taux de sel dans les croquettes destinées aux animaux. La Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers (FEDIAF) recommande de ne pas dépasser 15 grammes de sodium par kilo. Mais cette recommandation émanant des industriels eux-mêmes, nous l’avons jugée trop permissive.

COMMENT AVONS-NOUS ÉVALUÉ?

Nous avons considéré comme bons, voire très bons, les produits contenant jusqu’à 10 grammes de sel au kilo. Jusqu’à 13 grammes, les croquettes obtiennent un score moyen et, au-delà, une mauvaise, voire très mauvaise appréciation. Ce barème a été apprécié par un vétérinaire.

QUELLE QUANTITÉ DANS LES CROQUETTES?

Avec 14,6 grammes de sel au kilo, les Coshida de Lidl dépassent notre limite de 13 grammes. Quant aux croquettes Whiskas, elles en recèlent… 24,4 grammes au kilo. Par comparaison, ce produit est aussi salé que les «pires» corn-flakes de notre Observatoire du sel. Or, on l’ignore bien souvent, ceux-ci figurent parmi les aliments secs les plus riches en sel, dépassant même largement les chips. Avec une ration de Whiskas, un consommateur à quatre pattes ingurgite ainsi 1,5 gramme de sel par jour. En rapport avec son poids, c’est comme si un individu de 60 kilos en ingérait 18 grammes quotidiennement, soit 3,5 fois la dose préconisée…

QU’EST-CE QUE C’EST?

Les mycotoxines, littéralement champignon et poison, proviennent de moisissures. On trouve ces contaminants naturels dans les denrées végétales, principalement les céréales et les produits à base de céréales. Elles apparaissent parfois en plein champ ou au cours du stockage, s’il est réalisé dans de mauvaises conditions d’humidité et de température. Les variétés les plus connues de mycotoxines sont les aflatoxines, mais il en existe quantité d’autres, telles que les ochratoxines, les fumonisines, les trichothécènes et la zéaralénone.

POURQUOI EN TROUVE-T-ON?

Ces contaminants peuvent se retrouver dans l’aliment final car ils résistent extrêmement bien à la chaleur.

QUELS SONT LES DANGERS?

Les risques varient en fonction du type de mycotoxines. Les aflatoxines sont des cancérogènes reconnus pour l’homme et l’animal, l’ochratoxine A est toxique pour les reins, les fumonisines ont une toxicité variable en fonction de l’espèce, mais sont liées au cancer de l’oesophage chez l’homme. La mycotoxine T2, la plus toxique de la famille des trichothécènes, peut être cancérogène chez l’animal. Quant à la zéaralénone, c’est un perturbateur endocrinien qui a un effet oestrogénique.

QUE DIT LA LOI?

Il existe une ordonnance sur les teneurs maximales en contaminants qui fixe des valeurs pour certaines mycotoxines, mais elle ne concerne que l’alimentation humaine. Pour les animaux, une valeur maximale officielle n’existe que pour l’aflatoxine. Concernant certaines autres mycotoxines, des valeurs maximales sont recommandées. Mais elles sont particulièrement élevées et ne tiennent pas compte du poids de l’individu.

COMMENT AVONS-NOUS ÉVALUÉ?

Pour juger nos échantillons, nous nous sommes appuyés sur les valeurs recommandées par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) car elles mettent en relation la quantité journalière tolérable et le poids de l’individu. Nous avons calculé la dose ingérée quotidiennement par un chat de 5 kilos dans 60 grammes de croquettes. A noter que ces valeurs de tolérance sont beaucoup plus basses que celles de la Suisse et de l’Union européenne.

QUELLE QUANTITÉ DANS LES CROQUETTES?

Nos analyses ont révélé des doses jusqu’à douze fois trop élevées de déoxynivalénol, de zéaralénone et/ou de fumonisines B1 et B2 dans neuf échantillons, signalés en rouge. Le pire de tous étant le Qualité & Prix, dépassant toutes les valeurs acceptables et contenant même deux fois plus de zéaralénone que ce que recommande l’Union européenne, pourtant bien permissive.

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