Article : Médicaments

«On ne doit pas forcément dénier l’accès des patients à ces traitements, mais on peut en relativiser la portée»

31.10.2023, Propos recueillis par Yannis Papadaniel

Les résultats de notre enquête sur la vente de médicaments traitant, en automédication et sur conseil des pharmaciens, des pathologies bégnines ont été soumis au professeur Thierry Buclin, pharmacologue spécialisé dans le développement clinique et le suivi thérapeutique des médicaments. Entretien.



Quand on est malade, on est preneur de toutes sortes de préparations qui soulagent. Thierry Buclin plaide pour privilégier les solutions les moins à risque d’effets indésirables et les moins onéreuses. Il détaille les bénéfices thérapeutiques et les précautions d’usage de la liste que la FRC lui a fournie.

Vous avez pris connaissance de notre enquête. D’une manière générale, les produits sélectionnés apportent-ils un réel bénéfice thérapeutique? Si oui, dans quelle situation?

Les situations testées correspondent à des demandes pour des traitements «symptomatiques», dont on attend un soulagement, essentiellement subjectif, sans prétendre modifier le cours de l’affection traitée, en général bénigne. Les symptômes ont de toute façon d’excellentes chances de se corriger spontanément en quelques jours ou semaines. On trouve des essais cliniques contrôlés démontrant cette efficacité symptomatique, par exemple pour les pastilles contre les maux de gorge, qui atténuent significativement les douleurs et la peine à avaler. On ne doit pas forcément dénier l’accès des patients à ces traitements, mais on peut en relativiser la portée. Quand on est malade, on cherche sincèrement du soulagement et on est preneur de toutes sortes de préparations; l’important me semble de privilégier les solutions les moins à risque d’effets indésirables et les moins onéreuses. On peut souvent se faire autant de bien avec des traitements maison que des spécialités achetées en pharmacie. Il m’est arrivé, par exemple, de prôner le recours au jus de navet comme alternative à un sirop antitussif: il n’est pas moins efficace et, en plus, plaisant à préparer et à prendre. Pour les entorses, des massages avec un gel ou une crème neutres ne seront pas beaucoup moins efficaces qu’avec une préparation contenant un anti-inflammatoire.

Nous avons affaire ici à ce que l’on appelle parfois des «gammes parapluies», c’est-à-dire des marques qui réunissent sous leur appellation différents produits, différentes indications, modes d’administration et dosages. Ces marques proposent souvent une gamme «forte» où la quantité du principe actif est augmentée, parfois doublée. Est-ce sans gravité? Avec un bénéfice thérapeutique?

Dans le cas des pastilles pour la gorge, la différence entre le médicament de base et sa version «forte» se limite à un doublement de la dose de lidocaïne. Cette substance a une action anesthésique locale «en surface», qui diminue la douleur au niveau de la muqueuse du larynx quand celle-ci est enflammée. Elle anesthésie aussi la langue, alors que la composante «profonde» de la douleur de la gorge, liée typiquement aux ganglions lymphatiques enflammés, ne diminue guère. Évidemment, si on compare les deux médicaments sur la base de l’effet subjectif ressenti d’anesthésie locale, on trouvera que la version «forte» a une action plus intense. Mais cela se limite à cet effet sensoriel. Il est sans différence sur l’intensité de l’antisepsie bactérienne, qui est une action recherchée de ces pastilles à sucer, pour éviter ou limiter la surinfection des amygdales. Dans le cas des gels pour soulager des douleurs articulaires, la version «forte» contient une concentration plus élevée d’anti-inflammatoire. Mais encore une fois, cette substance active ne joue dans le meilleur des cas qu’un rôle accessoire dans le soulagement apporté par l’application du produit, qui doit plus au contact avec la peau et au massage.

Lire l’enquête

Dans notre scénario d’enquête plus ouvert, où les enquêteurs décrivaient des symptômes pour voir ce que leur proposaient les officines, certains pharmaciens ont préféré des produits de marque à base de flurbiprofène comme le Strepsils. Est-ce justifié? Y a-t-il des précautions à prendre, comme de ne pas prendre d’anti-inflammatoire à double?

Le flurbiprofène est une substance du groupe des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ajoutée à la gamme de certaines pastilles pour la gorge comme le Strepsils Dolo, ou aussi le Neo-Angin Dolo, etc. L’adjonction d’un anti-inflammatoire n’a probablement qu’une efficacité marginale au niveau local sur la gorge, mais va rajouter des effets analgésiques systémiques, du fait de la dose absorbée. Le patient ne sait donc pas qu’il prend un anti-inflammatoire. La revue Prescrire s’est insurgée contre l’adjonction de flurbiprofène aux pastilles pour la gorge. Selon elle, ces pastilles, semblables à des bonbons, banalisent l’usage des AINS, alors qu’elles exposent à leurs effets indésirables généraux, à leurs interactions médicamenteuses et aussi à des risques pour l’enfant à naître lors de prises durant la grossesse. Ceci a incité l’autorité française à mettre ce médicament sur ordonnance, ce qui n’est pas le cas en Suisse.

Dans les pastilles pour la gorge de notre échantillon, on trouve comme excipient du lévomenthol ou du sorbitol dans la plupart des produits. Doit-on être vigilant? Quel est leur rôle?

Le lévomenthol est un parfum à action rafraîchissante, le sorbitol un sucre à pouvoir édulcorant. Ces substances sont semblables à celles qu’on trouve dans la nature. Le menthol cause de très rares allergies, qui pourraient se manifester sous forme d’asthme si on le prend en pastille à sucer. Le sorbitol en administration régulière peut sans doute faciliter les caries, comme tous les sucres.

Toujours dans notre scénario d’enquête plus ouvert, de nombreuses officines se sont tournées vers des produits «naturels», type eau de mer. Est-ce vraiment plus naturel? Est-ce recommandé?

À mon avis, il est parfaitement justifié de proposer en première intention de l’eau salée, efficace pour déboucher le nez et rafraîchir la muqueuse enflammée. Des flacons de NaCl 0,9% stérile sont bon marché et parfaitement appropriés pour le rinçage nasal. On peut aussi utiliser de l’eau propre salée (1 cuillère à thé par 500 ml), qu’on a fait bouillir et qu’on conserve au frais dans un flacon fermé (7 jours au frigo). Les préparations d’eau de mer type Rhinomer, Otrivin ou autres sont comparativement beaucoup plus chères et n’apportent guère d’avantage, hormis peut-être une plus grande diversité de sels minéraux, mais surtout aussi une «efficacité symbolique» liée à l’utilisation d’eau de mer naturelle et à l’évocation des bienfaits en rapport avec les séjours balnéaires. Personnellement, je trouve intéressante cette «efficacité symbolique», qui vient compléter l’action pharmacologique de tous nos remèdes et qui mobilise utilement notre imaginaire et notre pouvoir d’autoguérison. Mais je déplore qu’elle soit simultanément prétexte à pratiquer des prix élevés.

Et que penser de la xylométazoline que l’on trouve dans de nombreux sprays nasaux dont la posologie implique une utilisation limitée à quelques jours et induit certains risques?

La xylométazoline est un vasoconstricteur qui sèche le nez en diminuant l’irrigation de sa muqueuse. La revue Prescrire la déclare «médicament à écarter des soins» comme tous les autres décongestionnants par voie orale ou nasale (éphédrine, oxymétazoline, phényléphrine, pseudoéphédrine…), qui peuvent exposer «à des troubles cardiovasculaires graves voire mortels (poussées hypertensives, accidents vasculaires cérébraux, troubles du rythme cardiaque dont fibrillations auriculaires), des colites ischémiques et des neuropathies optiques ischémiques, effets indésirables disproportionnés pour des médicaments destinés à soulager des troubles bénins et d’évolution rapidement favorable tels que ceux du rhume». Chez une personne jeune, en bonne santé et sans facteurs de risques, les effets secondaires à craindre sont toutefois minimes et on ne peut nier à ces vasoconstricteurs une action de soulagement, par exemple pour trouver le sommeil ou en cas d’oreilles bouchées au moment de prendre un avion… Leur utilisation doit cependant rester limitée à quelques jours, sous peine d’engendrer une rhinite vasomotrice liée à une utilisation prolongée: réapparition d’un écoulement nasal quelques heures après la dernière application des gouttes, qui incite les patients à en reprendre, entretenant ainsi un cercle vicieux. Chez des personnes plus âgées ou présentant des facteurs de risque (hypertension, tabagisme) ou des affections cardiaques, ces vasoconstricteurs sont clairement à proscrire.

Dans certains cas, pour le traitement d’un rhume et de ses symptômes, des clients se sont vu conseiller des produits à base d’huiles essentielles. Y a-t-il des précautions particulières à prendre?

Les huiles essentielles classiques, type menthe, lavande, sauge, etc., ne sont guère dangereuses, hormis tout au plus de très rares allergies. Elles ont une action subjective (odeur) et symbolique (nature) appréciée. Si des personnes désirent fortement s’auto-administrer quelque chose, je préfère nettement ce type de produit aux vasoconstricteurs évoqués ci-dessus. Reste l’aspect coût de ces produits, qui n’est pas négligeable.

À plusieurs reprises, plutôt que des produits à base de diclofénac, les pharmaciens ont conseillé le Perskindol (composé de divers topiques). Là aussi, qu’en pense le pharmacologue?

Le Perskindol Classic contient essentiellement des huiles essentielles de plantes, dont l’application va un peu chauffer la peau, tout en pouvant induire une sensation de fraîcheur (grâce au menthol) et en la parfumant. C’est surtout le massage réalisé pour étaler le produit et le faire pénétrer qui a une efficacité sur l’hématome et l’œdème consécutifs à une entorse. De nombreux gels incluent une molécule d’un anti-inflammatoire comme le diclofénac, l’ibuprofène, le kétoprofène, l’étofénamate, etc. L’intérêt de ces molécules actives dans ces préparations topiques est contesté et leur effet spécifique est tout au plus modéré, s’ajoutant à l’action de massage liée à l’application. Des études contrôlées montrent surtout une action anti-inflammatoire locale lorsqu’on applique ces gels sur des articulations «proches de la peau», typiquement le coude, le genou, la cheville ou le poignet: là, de petites quantités de substance active peuvent effectivement arriver dans l’articulation et développer une action topique. Il n’y a pas d’intérêt pour l’épaule, la hanche ou le dos, qui ne sont pas atteints par l’anti-inflammatoire appliqué sur la peau. La revue Prescrire déclare que «le diclofénac en gel expose à des réactions cutanées au site d’application et à des réactions de photosensibilisation. L’application cutanée de diclofénac ne met pas les patients traités à l’abri des effets indésirables généraux des AINS, comme des troubles gastro-intestinaux, des insuffisances rénales, et des réactions d’hypersensibilité.» Les auteurs donneraient plutôt leur préférence à l’ibuprofène en gel.

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Interpellation des grands distributeurs

 
Nous demandons aux distributeurs

  • cesser le marketing agressif sur les fraises, mais également sur d’autres denrées hors saison, que ce soit en rayon ou dans les différentes publications destinées à vos clients (catalogues, magazines, journaux, newsletter, etc.) ;
  • renoncer à disposer les fraises espagnoles aux endroits stratégiques de vos points de vente, à savoir en face de l’entrée, sur des ilots dédiés, ou en tête de gondoles ;
  • ne pas recourir à des mises en scène pour vendre la fraise hors saison (à savoir jusqu’en avril), en l’associant par exemple à de la crème et des tartelettes. Une demande valable aussi pour d’autres denrées, comme les asperges du Pérou associées à de la mayonnaise, viande séchée ou autre ;
  • indiquer clairement, de manière bien visible et transparente le pays de provenance ainsi que les noms des producteurs de fraises importées, que ce soit sur les affichettes qui accompagnent ces fruits en rayon, dans les publicités ou sur le dessus des barquettes ;
  • ne plus utiliser de formulations qui peuvent induire en erreur le consommateur sur la saison de la fraise en Suisse. Une demande valable pour la mise en rayon, ainsi que toute publication ;
  • être en mesure de prouver toute allégation de durabilité concernant l’assortiment.

Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)