25.2.2020, Anne Onidi
Un mi-blanc reste comestible après 48 heures, sans plus. Dégustation, astuces antigaspi et avis d’experts.
Ah, la croûte qui craque sous la dent et la mie légère qui fond en bouche! Le bon pain est un plaisir sans cesse renouvelé. Pourtant, dans la réalité, miches et baguettes tardent à être consommées et terminent trop souvent leur triste existence dans la poubelle. En Suisse, on jette 43% du pain qui tient ainsi une place importante sur les environ 90 kg de nourriture que chaque Helvète transforme annuellement en détritus. Jeter une livre de pain, c’est comme gâcher cinq baignoires d’eau utilisées pour sa production…
Dans notre pays, trois pains sur quatre sont achetés en supermarché. Toutes les enseignes proposent des fours permettant de terminer sur place la cuisson de pains précuits puis congelés. Les hypermarchés Migros et Coop abritent même de véritables ateliers, où se fabriquent des pains de A à Z. Résultat: de la marchandise fraîche à toute heure, même le soir, et des rayons toujours bien garnis. Pour avoir une idée de ce que proposent les principales enseignes, nous avons interrogé Aldi, Coop, Lidl et Migros. Quelle est leur part de pains cuits sur place? Aldi et Coop ne répondent pas précisément; Lidl annonce un taux de 75%, tandis que Migros tourne autour de 90%. Chez ce dernier, la part de produits entièrement réalisés sur place est considérable. «Les pains faits main constituent environ 70% de notre chiffre d’affaires dans ce secteur», précise Tristan Cerf, porte-parole du groupe. Partout, la fraîcheur, l’authenticité et le savoir-faire traditionnel sont mis en avant.
Fraîcheur à l’épreuve
Soit. Mais cette boulangerie «fraîche» le restet- elle longtemps? Dans l’optique de prévenir le gaspillage, nous avons comparé divers modes de conservation (lire encadré). Ensuite, un jury de professionnels a évalué les qualités sensorielles de pains mi-blancs après deux jours. Ce sont donc onze pains qui ont subi l’examen, une fois déballés de leur torchon. Dans le rôle des experts figuraient Xavier Ballansat, ingénieur et entrepreneur chargé d’implanter en Suisse romande l’enseigne Äss-Bar spécialisée dans la vente de produits boulangers de la veille, Laurent Buet, boulanger à Lausanne (VD), Hélène Ducrot, de la boulangerie Au Citronnier à Payerne (VD), Dario Fossati, sélectionneur de blé à Changins (VD), et Barbara Pfenniger, responsable Alimentation à la FRC et membre du jury du Concours suisse des produits du terroir.
Mangeables mais sans âme
Question fraîcheur, tous les pains restent «propres à la consommation». Mais le rendu de l’expérience s’avère morne; tandis que Xavier Ballansat relève le côté standardisé des produits, Laurent Buet leur reproche leur manque de goût et d’âme. La dégustation de ces pains n’a procuré aucun plaisir à Hélène Ducrot et Dario Fossati regrette quant à lui la présence de défauts tels que mie trop compacte et cuisson insuffisante. Barbara Pfenniger ne s’attendait pas à ce que le niveau soit aussi bas… Tous les pains ont été examinés frais du jour, mais seuls quatre ont convaincu par leur aspect et leur parfum: le pain clair au feu de bois de Lidl, la Manorette claire bio et le mi-blanc de Manor, ainsi que le pain bûcheron de Migros. Le prix a fait causer, celui des meilleur marché de la sélection ne couvrant même pas les frais d’achat de la farine. Un non-sens pour Laurent Buet, qui voit là une menace directe pour sa branche: «C’est indécent de vendre un article à ce prix-là. Comment nous, artisans, pouvons-nous rivaliser dans ces conditions?» C’est sans doute au niveau de la qualité que les indépendants peuvent faire le poids. Car un pain savoureux, lui, se laisse uniquement manger avec gourmandise, pas jeter.
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