25.8.2014, Dossier réalisé par Anne Onidi et Barbara Pfenniger / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Nous avons débusqué ce composé soupçonné d’être cancérigène dans 13 échantillons. Résultats: les frites maison sont susceptibles d’en contenir en masse, à moins d’obéir à certains préceptes. Nos conseils.
La présence de l’acrylamide dans l’alimentation a été découverte, un peu par hasard, en 2002, et son effet cancérigène démontré sur l’animal. Toutefois, la communauté scientifique n’a pas de certitude quant à sa toxicité pour l’homme. Raison pour laquelle l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) rassemble depuis plusieurs années les résultats des campagnes d’analyse des niveaux d’acrylamide menées dans 25 pays. Très attendu, son rapport, consultable jusqu’à la mi-septembre (efsa.europa.eu/fr/consultations/call/140701.htm), servira à mettre en place différentes mesures.
Les plus concernés: les jeunes
Pour l’heure, cette étude à large échelle ne permet pas de mettre en évidence les méfaits de ce composé chimique sur la santé humaine. Mais les experts européens restent prudents, considérant que les doses d’acrylamide absorbées par la population restent trop élevées pour écarter tout risque cancérigène. Raison pour laquelle ils recommandent d’en consommer le moins possible.
Mais qu’est-ce que l’acrylamide? Une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas d’un additif alimentaire que l’industrie ajoute à ses préparations. Cette substance, qui existe depuis la nuit des temps, est générée par certains végétaux lorsqu’ils sont cuits à haute température.
Parmi les denrées les plus concernées: les pommes de terre frites, les chips et les röstis. Or, pour les enfants et les adolescents, les frites sont les aliments qui contribuent le plus à l’ingestion d’acrylamide – jusqu’à plus de 50%! Dès lors, afin de savoir à quoi les amateurs de bâtonnets bien dorés sont exposés, nous avons fait analyser 13 échantillons. Au menu des éprouvettes du laboratoire: des frites issues de fast-foods et de take-away de la région lausannoise, des pommes au four congelées et une sélection de frites maison élaborées par nos soins. Pour les juger, nous nous sommes basés sur l’avis de l’Efsa, qui recommande de ne pas dépasser 308 µg (microgramme) d’acrylamide par kilo de pommes de terre. Et surprise: le pire ne se cache pas là où on l’attendait.
Frites au four
Elles ont presque tout bon
Etonnamment, les échantillons McCain et M Classic achetés chez les distributeurs contiennent peu d’acrylamide. Ils ont pourtant été chauffés pendant une vingtaine de minutes à 200 °C, comme les modes de préparation le préconisaient, alors que l’acrylamide se forme en masse à partir de 180 °C déjà. Un bon point à McCain, qui précise d’ailleurs que ses frites peuvent être cuites dans l’huile à 175 °C. Les frites au four M Classic jouissent, elles, d’une meilleure composition: des pommes de terre et de l’huile de tournesol, alors que McCain ajoute un enrobage d’amidon et de colorants naturels.
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Frites achetées au restaurant
Des résultats contrastés
Entre 44 et 452 µg par kilo, les doses d’acrylamide produites d’un établissement à l’autre sont très variables. Mais deux portions dépassent la teneur moyenne mesurée par l’Efsa, soit 308 µg. Nous avons également trouvé un taux jusqu’à deux fois plus élevé dans les produits de Holy Cow!, de Burger King et de MacDonald’s que nos confrères français de Que Choisir durant leur campagne d’analyse.
On sait que plus la température et le temps de cuisson sont élevés, plus ce composé se forme. Or, en examinant de plus près les informations que les restaurateurs des take-away et des fast-foods nous ont transmises, difficile de voir le lien entre ces deux paramètres et les résultats. A titre d’exemple, les frites de MacDonald’s sont celles qui contiennent le plus d’acrylamide, mais ce sont aussi celles qui ont été cuites à la température la plus basse. Il semblerait donc ici que le choix des pommes de terre ou leur entreposage, et donc leur taux d’amidon et de sucre réducteur, soit à l’origine de ces écarts.
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Frites maison
Dorées, pas plus !
Ces frites-là, nous les avons préparées nous-mêmes en coupant des pommes de terre (issues du même sachet) à la main et en les cuisant deux fois à la friteuse. Ce qui les différencie: la température de l’huile et le temps durant lequel les patates y ont été plongées. Visuellement, ces cinq échantillons vont du doré au caramel foncé.
Et le constat est simple: seules les frites tout juste dorées contiennent peu d’acrylamide.
Dès qu’on dépasse ce stade, les taux atteignent des sommets! Par exemple, les frites précuites 4 minutes à 150 °C puis cuites à 190 °C contiennent 153 µg d’acrylamide après 20 secondes de cuisson. Un taux qui monte à 293 µg si on les laisse 40 secondes de plus et à 954 µg, avec une minute et 40 secondes supplémentaires. Et lorsqu’on les cuit à 175 °C (une température à conseiller), il faut aussi veiller au temps de cuisson: 181 µg après 2 minutes et 996 µg après 4 minutes. Le temps double mais le taux, lui, fait plus que quintupler! Moralité: pour éviter de préparer des frites ou des röstis riches en acrylamide, il faut ouvrir l’œil.