31.5.2016, Aude Haenni / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Disparues depuis de nombreuses années du paysage suisse, les malteries font leur retour, pour le plus grand bonheur des brasseurs et des buveurs qui privilégient les produits d’ici. Reportage à Satigny, dans le canton de Genève.
La bière locale n’a de local que le nom, ou presque. Car l’eau mise à part, tout ce qui entre dans le flacon est importé. Partant de cette constatation, John Schmalz, directeur du Cercle des agriculteurs de Genève et environs (CAG), s’est mis en tête de produire du malt 100% suisse. D’une simple idée lancée en 2011, le projet a fait son bout de chemin, et la malterie de Satigny (GE), première en Suisse, a ouvert en octobre dernier. Par ici la visite!
Les critères essentiels
C’est au centre collecteur de céréales que la vingtaine d’agriculteurs apportent leur orge brassicole. Celle-ci est analysée en détail, à commencer par le calibrage. Le grain doit être assez gros, mesurer au moins 2,5 millimètres. L’humidité, elle, ne doit pas dépasser 14%. Quant au taux de protéine, entre 9,5 et 11,5%, il influence la qualité de la bière. «Au-delà, il n’y aurait que de la mousse», explique le directeur. Des contrôles olfactifs et visuels sont réalisés pour détecter la présence de maladies et prévenir les mycotoxines, des substances hautement cancérogènes. Point le plus important, les graines doivent pouvoir germer. Et si un critère venait à manquer, alors «toute la production serait recyclée en orge fourragère».
La céréale est ensuite promenée jusqu’au sommet de la tour. En route, elle sera débarrassée de toute poussière, subira un nouveau tri, puis sera séchée pour être stockée.
Une semaine de travail
Transvasées dans la cuve, cinq tonnes de graines passent à la phase de trempage. Les eaux usées sont évacuées une première fois, puis les graines nettoyées s’offrent un deuxième bain. Saturée d’eau pure du réseau, la céréale commence alors son processus naturel de germination. Dans une atmosphère «qui simule le printemps comme dehors», l’orge continue à faire son bonhomme de chemin. Répartie au sein d’un cylindre, la voilà ventilée par 40 000 mètres cubes d’air par heure. La qualité de l’air pouvant jouer un rôle, il est mesuré dans une station à Meyrin. Ce qui permet par ailleurs de déceler la présence de nitrosamines, substances potentiellement cancérigènes.
Passé cette étape, il est temps de monter en température avec le touraillage, cette phase qui serait propice aux acrylamides si la température dépassait les 120 °C. Pas de ça au CAG: le séchage du grain, entre 80°C et 120°C maximum, stoppe la germination. Plus la température sera élevée, plus le malt deviendra foncé.
Reste à éliminer les dernières radicelles, et le malt est enfin prêt. Le processus en cuve aura duré sept jours. Mis en sac, non sans qu’on ait prélevé un échantillon au préalable, il sera placé en quarantaine pendant une à deux semaines, le temps de recevoir l’aval de l’Institut français de la brasserie et de la malterie (IFBM, un organisme auquel se réfère l’industrie des filières de la bière) et d’un laboratoire zurichois.
Le malt 100% suisse pourra ensuite être acheminé auprès des huit brasseurs qui se fournissent actuellement à Satigny. Ravis de produire une bière au «goût de terroir et au parfum de céréale plus prononcé», ils n’hésitent pas à dépenser 2 francs le kilo au lieu de 90 centimes d’euro que coûtent le malt importé de France ou d’Allemagne. La qualité à un prix.
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