30.8.2016, Sandra Imsand / @erics/shutterstock.com
La dernière tendance en matière de vernis est à déconseiller aux enfants et adolescentes. En cause: les allergènes présents dans la composition.
Dans les cours d’école, les doigts des fillettes se parent de couleurs voyantes: rose, bleu, vert, jaune ou orange. Et, désormais, ils embaument. En effet, les fabricants, jamais à court d’idées, proposent des vernis qui, une fois secs, dégagent une douce odeur de pomme verte, de pêche, de citron, de litchi, de myrtille ou encore de cupcake. Ces produits sont principalement disponibles aux rayons jouets des grands magasins ou dans les enseignes destinées aux (très) jeunes filles girly. Mais des marques sélectes se sont également glissées dans le créneau, Guerlain propose ainsi dans sa dernière collection une laque dégageant l’odeur de sa fragrance fétiche. Un produit destiné cette fois aux coquettes plus âgées… à la bourse bien garnie.
Jusqu’à sept parfums par fiole
La FRC a voulu en savoir plus sur les molécules qui entrent dans ces flacons-là. La composition de quatorze produits disponibles en Suisse romande a été analysée. Les résultats sont sans appel. Tous les vernis contiennent au moins une substance problématique. En première ligne: les parfums, une source fréquente d’allergie cutanée. Une laque pour fillettes, aromatisée à la rose et disponible chez Claire’s, en contient même sept différents. Or, les parfums sont actuellement la cause d’environ 20% des eczémas de contact dans la population qui consulte un docteur, selon Anne-Marie Calza, médecin associé en dermatologie pédiatrique aux HUG.
Mais ils ne sont pas les seuls en cause. Huit formulations sur quatorze contiennent également des filtres solaires; la benzophenone-1 ainsi que l’octocrylene. Absorbant les UV, ces substances protègent l’éclat de la couleur, mais sont aussi susceptibles de déclencher des allergies et sont des perturbateurs endocriniens.
Conseils
A appliquer sur le bout des doigts
Posez une base avant la couleur. Agissant comme un isolant, elle prévient une pigmentation orangée permanente de l’ongle. Et mollo avec les teintes foncées.
• Entre deux manucures, offrez une pause à vos ongles: eux aussi ont besoin de repos.
• Adoptez une manucure «à l’italienne» – une marge entre l’ongle et la peau – pour protéger cette dernière, plus perméable aux substances indésirables.
• Les alternatives maison au dissolvant ne sont pas forcément plus inoffensives ni plus efficaces.
• Tant le vernis que le dissolvant, potentiellement toxiques par inhalation, doivent être appliqués dans une pièce bien aérée.
Visage exposé aux allergies
L’analyse de nos échantillons met aussi en évidence la présence de dioxyde de titane. Cette molécule, largement répandue dans les cosmétiques et l’industrie alimentaire, est très controversée. Classée dans la famille des nanoparticules, ses effets comme perturbateur endocrinien sur la santé et l’environnement restent à évaluer. Les médecins interrogés sont d’avis que la molécule, prisonnière de la résine, pose potentiellement moins de problèmes. Mais une étude scientifique a récemment prouvé que les substances chimiques traversent la barrière de l’ongle pour pénétrer dans l’organisme.
Pierre-André Piletta, médecin associé au Service dermatologie des HUG, rappelle à ce titre que les allergies aux vernis se déclarent ailleurs sur le corps: près de la bouche, sur les paupières et dans le cou. Le contact des doigts, et donc des agents allergènes, par frottement ou grattage sur les zones où la peau est fine et sensible, provoque des rougeurs, voire des plaques d’eczéma. «Un enfant est plus exposé car il aura tendance à se toucher le visage plusieurs fois par jour, souligne le spécialiste. Lorsque nous constatons des symptômes sur ces zones en particulier, un de nos premiers réflexes est de demander si le patient a changé de vernis», explique encore le médecin. Seule solution pour que le problème disparaisse: renoncer au produit problématique. Et définitivement.
Arômes beurrés: attention!
Le problème, et il est de taille, c’est que la lecture d’étiquette, aussi longue et fastidieuse soit-elle, ne suffit pas à prévenir les accidents de parcours. La liste des ingrédients peut cacher de vilaines surprises. Il existe en effet de grosses lacunes quant à la déclaration des parfums ajoutés. Car seules les 26 substances sensibilisantes figurant sur la directive cosmétique de l’Union européenne sont obligatoires, pas les autres.
Exemple? Le diacétyle, utilisé dans les arômes de type beurré (lire ci-dessous). Impossible pour le client de savoir s’il se cache ou non dans le produit Claire’s Parfum Cupcake de notre sélection, à la simple lecture de l’étiquette. Contacté, le siège de la marque à Chicago assure que ce n’est pas le cas. Méfiez-vous tout de même des produits aux bonnes odeurs de pâtisserie.
Nos experts sont unanimes: «Appliquer un vernis doit rester un acte exceptionnel durant l’enfance. C’est aux parents d’être fermes, estime Pierre-André Piletta. Il faut éviter de multiplier les contacts avec les substances allergéniques inutiles.» Une allergie, c’est pour la vie. C’est encore plus vrai pour celles qui se déclarent en bas âge… Un conseil qui s’applique aussi aux femmes enceintes, d’ailleurs.
Lire le test des vernis à ongles parfumés dans notre comparateur
Vernis classiques
Les éprouvettes voient rouge
Le comble de la chimie cosmétique se trouve dans un vernis: outre les parfums, on trouve des solvants, des plastifiants, des résines, des colorants… Autant de substances susceptibles de pénétrer dans l’organisme? Absolument, a révélé une étude scientifique récente. La revue Que Choisir a analysé 16 références parmi les plus prisées, traquant les molécules indésirables. Et, constat sans appel, 13 contiennent jusqu’à trois perturbateurs endocriniens (PE). Phtalates, styrène, entre autres, sont sévèrement montrés du doigt. Les PE, rappelons-le, dérèglent le système hormonal et ont un impact négatif sur la reproduction. Encore pire, deux produits de marques dites «vertes», donc a priori plus naturelles et non problématiques, Avril et Kure Bazaar, sont dotés des compositions les moins recommandables. Décidément, quand on choisit une laque, il n’y a pas que pour la teinte qu’on en voit de toutes les couleurs…
AO
Substances et symptômes
Lire l’étiquette pour limiter les effets sur la santé
La composition des vernis vous donne des sueurs froides? Les effets toxiques sont d’ordres divers. «Souvenez-vous que les substances problématiques se trouvent dans bon nombre d’autres cosmétiques: savons, crèmes, aérosols, etc. C’est le cumul ainsi que l’interaction éventuelle entre produits qui sont difficiles à juger. Moins il y a de produits, mieux on se porte», souligne Anne-Marie Calza.
DEHP | Classé comme perturbateur endocrinien avéré, ce phtalate est toxique pour la reproduction.
STYRÈNE | Classé comme perturbateur endocrinien, avec des effets constatés chez l’homme.
TRIPHENYL PHOSPHATE (TPHP) | Soupçonné d’être un perturbateur endocrinien. Moins nocif que le DEHP, il le remplace parfois. Or, une étude a montré qu’on en retrouve dans les urines d’utilisatrices dans les dix heures qui suivent la pause de vernis qui en contiennent.
BENZOPHENONE-1, OCTOCRYLENE | Microplastiques soupçonnés de déclencher des allergies.
BUTYLPHENYL METHYLPROPIONAL (LILIAL) | Substance parfumante considérée peu sûre par les Européens car touchant la fertilité.
DIACÉTYLE ET 2,3-PENTANEDIONE | Arômes artificiels classés parmi les toxiques respiratoires, associés à la bronchiolite oblitérante (maladie pulmonaire très grave).
ACÉTONE | Composé entrant dans le dissolvant. En cas d’exposition prolongée, il peut provoquer des irritations des voies aériennes. D’où l’intérêt de miser sur un dissolvant qui en est exempt.
LE PALMARÈS
Dior 999 (mention très bon), 35 fr. 90
Bourjois 1 seconde gel 11 rouge in style (mention bon), 5 fr. 25