29.12.2015, Sophie Reymondin et Lionel Cretegny
Loin des conseils fumeux dispensés en magasin, choisir le bon produit pour bichonner ses souliers. Test et enquête.
Facile pour la femme de trouver bottine, escarpin ou ballerine à son pied, et de varier ainsi les plaisirs au gré des modes et des envies. La grande distribution n’offre pas à l’homme pareil assortiment, lequel doit investir dans des marques et des modèles plus onéreux pour paraître élégant. «Difficile d’être crédible en costume avec des chaussures à deux balles!» souligne Guillaume Deuzet, artisan cordonnier bottier, à Lausanne, en constatant qu’il vend plus de produits d’entretien à sa clientèle masculine.
En effet, l’achat de souliers en cuir de bonne qualité justifie quelques efforts pour les conserver en bon état. Notre dossier vise à définir quelles sont les marques de cirage dignes de nos plus jolies chaussures. A cette fin, les testeurs de la FRC ont fait analyser douze cirages noirs pour repérer ceux qui contiennent du silicone.
La cire de silicone synthétique bon marché est en effet à éviter: elle rend le cuir terne, bouche ses pores et, à terme, produit l’effet inverse de celui escompté, à savoir nourrir et assouplir la peau. Or seule une analyse chimique permet de mettre cette substance en évidence, vu que la composition ne figure pas sur l’emballage de ce type de produits en raison du secret de fabrication. En parallèle, une enquête conduite par cinq enquêteurs devait évaluer si les vendeurs spécialisés prodiguent des conseils éclairés en matière d’entretien.
Piètres conseils en magasin
A cette fin, une marche à suivre pour entretenir les chaussures en cuir lisse a été élaborée sur la base des recommandations exposées par le cordonnier. En résumé, il existe deux catégories complémentaires de produits: les crèmes aux vertus nettoyantes/ nourrissantes et les cirages.
Les premières s’appliquent avant les seconds. Plus gras, le cirage rend le cuir étanche et le fait reluire, pour peu qu’on y ajoute une petite dose d’huile de coude. En effet, les slogans du style «fait briller sans frotter!», que l’on trouve sur les produits tout en un, relèvent du pur marketing.
Un autre principe, notoire au sein de la corporation, bouscule une idée reçue. «Evitez les sprays imperméabilisants, car le cirage remplit la même fonction», remarque Guillaume Deuzet. Or, lors de leur visite dans douze supermarchés et magasins de chaussures, tous les vendeurs, sans exception, ont d’emblée conseillé l’achat d’un spray imperméabilisant. Afin d’évaluer les compétences du personnel de vente, nos enquêteurs avaient pour consigne de demander au vendeur ce qu’il conseillait en matière d’entretien du cuir et de noter les produits proposés. Outre le spray imperméabilisant, inutile, les enquêteurs se sont en général vu proposer une crème pour le cuir, parfois combinée à un cirage; un point à relever positivement.
En revanche, les conseils en matière d’application (méthode, fréquence, alternance, etc.) sont restés trop succincts, voire inexistants ou inappropriés. Chez Coop, le vendeur s’est borné à diriger notre enquêtrice vers le cordonnier installé à l’entrée du centre commercial. Chez Migros, la vendeuse a simplement lu l’étiquette du produit avec l’enquêtrice.
Etonnamment, les magasins dédiés aux chaussures – Vögele, Dosenbach, San Marina, Navy Boot, Bally, Arche et Bata – n’ont pas davantage brillé par leur science. Souvent, la vendeuse a proposé un produit tout en un avec applicateur. A chaque fois, l’imperméabilisant a été présenté comme le produit miracle. Bonne surprise toutefois chez la chaîne Mister Minit, qui a réalisé un sans-faute!
Toutefois, la chaîne vend sa propre marque de cirage, qui non seulement contient du silicone, mais constitue aussi la plus onéreuse du test. En revanche, les produits vendus en grande surface, soit notamment les marques Kiwi et Rapi, s’en sortent très bien: exempts de silicone, ils sont aussi les plus avantageux, ce qui paraît défier toute logique. En effet, le silicone est utilisé par les fabricants pour diminuer les coûts de production. On aurait donc pu s’attendre à le retrouver dans les crèmes à bas prix. Or c’est tout le contraire! Le consommateur est donc en mesure d’éviter à moindre coût les cirages en contenant, qui font craqueler le cuir après avoir procuré une brève illusion de brillance. Le spécialiste pondère toutefois ces résultats: «De par mon expérience, les produits de supermarché n’offrent pas toujours un aussi bon résultat que des marques à base de cires naturelles telles que Saphir et Famaco (hors échantillon).»
Au-delà de cette substance traquée par le laboratoire dans le cadre du test, il demeure difficile d’appréhender la composition des produits d’entretien du cuir. En effet, celle-ci est jalousement gardée par les fabricants, en particulier la proportion des composants utilisés. En général, deux éléments sont toutefois indispensables à l’élaboration d’un cirage:
- les solvants, dont le plus courant est l’essence de térébenthine, ou, moins coûteuse, l’essence de goudron, voire le White spirit. Il sert à donner sa consistance au produit fini – plus ou moins liquide, crémeux ou pâteux.
- les cires, qui sont soit de source minérale (silicone), soit végétale (carnauba, amande, etc.), soit animale (abeille), en fonction des propriétés que l’on souhaite donner à la préparation. D’ailleurs, les fabricants combinent en général plusieurs cires pour obtenir un produit plus ou moins pénétrant.
En outre, en fonction de la couleur souhaitée, sont encore ajoutés des pigments, synthétiques ou naturels, avec un pouvoir colorant et pénétrant plus ou moins important. Les marques prestigieuses, telles que Saphir (exempte de silicone et contenant des cires de haute qualité), proposent d’ailleurs une large palette de coloris qui contribuent aussi à rendre à la chaussure son éclat d’origine.