4.5.2021, Sandra Imsand
Des filous imitent des articles de presse pour soutirer de l’argent en ligne. L’astuce révèle un degré élevé de connaissance du paysage régional.
«Depuis l’arrivée du Covid, les escrocs ont eu le temps d’affiner leurs techniques.» L’analyse de Florence Maillard, cheffe de la section communication et relations publiques à la Police cantonale vaudoise, sonne juste. En effet, fini les tentatives d’hameçonnage au français approximatif et les astuces cousues de fil blanc. Depuis quelques mois, des arnaques d’un genre nouveau fleurissent. Leur spécificité: utiliser des codes très locaux.
Faux secret médiatisé
Le scénario est similaire à chaque fois. Sur les réseaux sociaux, une publication imitant l’habillage d’un média local, en l’occurrence lematin.ch, fait croire à un article rédactionnel. Le sujet est une personnalité comme Roger Federer, Darius Rochebin ou encore Jean-Marc Richard qui, à cause d’une pseudo-bourde, dévoilerait un secret bien gardé.
«Un micro défectueux durant une interview révèle ceci» est un des titres accrocheurs de ces faux articles. Le secret en question: des investissements financiers juteux. En cliquant sur le lien, l’internaute tombe sur un site ressemblant à s’y méprendre à celui du média orange. Et lorsqu’il cherche à aller plus loin, il est renvoyé vers une société proposant des investissements avec la promesse de gros gains.
Une membre en a fait l’amère expérience. «J’ai lu un témoignage de Darius Rochebin, et mon erreur, c’est d’y avoir cru», explique cette résidente d’Yverdon-les-Bains (VD), qui reconnaît son inexpérience en matière de finance. Après un premier investissement de 250 euros qui rapporte très vite beaucoup, son contact, présenté comme «senior account manager», la met en confiance. Il lui fait retirer une somme plus importante de sa carte de crédit, puis lui recommande d’opter pour un compte moins risqué en passant par sa banque.
C’est là que le piège se referme sur la Vaudoise, puisqu’en une nuit, elle perd l’équivalent de 9000 fr. L’excuse de son soi-disant conseiller: les échanges s’effectuant la nuit, il aurait fallu que la cliente surveille son compte au lieu de dormir.
Du côté du Matin, la situation est connue. «Il s’agit de pirates informatiques très organisés et dont les publications traversent les filtres, explique le rédacteur en chef Laurent Siebenmann. Raison pour laquelle il a rédigé un article mettant en garde les lecteurs. TX Group (Tamedia jusqu’en 2020) a déposé une plainte pénale en février.
«Nous regrettons l’inaction de Facebook face à ce phénomène. Nous avons dénoncé ces publications en utilisant les formulaires ad hoc, mais après quelques échanges, nous n’avons plus obtenu de réponse. De même, notre courrier adressé à la société est resté lettre morte», raconte Bill Chappex, conseiller juridique au sein du groupe de presse. Conscient que la cybercriminalité est difficile à arrêter, il espère que la plainte pénale suscitera une réaction des réseaux sociaux et le démantèlement des montages mis en place.
Déposer plainte
Jean-Marc Richard, de son côté, déplore l’utilisation de son image à des fins malhonnêtes. «Suite à ces publications, j’ai reçu des questions concernant mes investissements dans les cryptomonnaies», explique l’animateur vedette de la Chaîne du Bonheur et de La ligne de coeur à la RTS. De par mon travail, je suis en contact avec des personnes fragiles et je crains qu’elles ne perdent de l’argent en pensant suivre mes conseils.»
De son côté, la FRC recommande à chacun d’affûter son esprit critique, surtout en ligne. Les escrocs sont très bien renseignés et ne ménagent pas leurs efforts pour vider les comptes de leurs victimes. Lesquelles sont encouragées à déposer plainte, afin que les autorités compétentes prennent connaissance de ces affaires.