26.10.2021, Propos recueillis par Yannis Papadaniel / Lausanne, le 13 Octobre 2021. Portrait du Professeur Gilbert Greub, Médecin Chef de Service en Microbiologie du Chuv. Photos: Jean-Luc Barmaverain
Gilbert Greub a été au coeur de la mise en place des tests dès la première vague de la pandémie. Il apporte un éclairage intéressant non seulement sur leur prix, mais aussi sur leur qualité. Interview.
La FRC a souvent été interpellée sur la question du prix des tests. C’est un fait, comme pour tout dispositif médical, ils coûtent plus cher que dans les pays voisins. Mais à la question du prix s’ajoute celle de la fiabilité: et si la solution la plus intéressante, économiquement et sanitairement, était dans des tests PCR réalisés à moindre coût? Une utopie? Le professeur Gilbert Greub, qui dirige l’Institut de microbiologie du CHUV et est en charge des laboratoires de microbiologie diagnostique, nous apporte quelques pistes très concrètes.
On parle souvent du prix des tests. Mais entre tests salivaires, antigéniques et PCR, quelle est la fiabilité de chacun? Chez des patients hospitalisés au CHUV, nous avons démontré que les PCR effectués sur des frottis nasopharyngés sont plus sensibles (98%) que les PCR salivaires (69%), car la charge virale est environ dix fois plus basse au niveau de la bouche. Les tests antigènes sont, eux, 1000 fois moins sensibles que les tests PCR. Ainsi, les tests antigènes sur frottis nasopharyngé ne présentent qu’une sensibilité de 28 à 33% chez des asymptomatiques: on manque plus d’un cas sur trois. De plus, nous avons observé qu’environ 50% des tests antigènes positifs étaient des faux positifs; autant jouer à pile ou face.
S’ils sont problématiques, quel usage faire de ces derniers, alors? Selon les recommandations de la Société suisse de microbiologie, les tests antigènes ne sont utilisables que chez des gens avec un à quatre jours de symptômes, car la quantité de virus est alors souvent supérieure à 1 million de copies par millilitre. Ensuite, la sensibilité est moindre, de 25% entre cinq et sept jours et de 18% au-delà de sept jours de symptômes chez les patients hospitalisés ici. Cette faible sensibilité des tests antigènes est problématique car elle rassure faussement, surtout vu la contagiosité accrue de la souche delta omniprésente en Suisse. Pour cette raison, le dépistage des soignants non vaccinés se fait aujourd’hui par RT-PCR sur frottis salivaire poolé (récolte d’échantillons issus de plusieurs individus; si le résultat est positif, les membres de l’échantillon passent un test individuel, ndlr) et non par des tests antigènes.
Et les autotests? La sensibilité de ces tests antigènes effectués sur un frottis nasal est aussi insuffisante. Ils ne permettent que de détecter les gens avec des charges virales très élevées. Mais quelqu’un qui est rassuré à tort par un autotest antigène négatif risque de transmettre le coronavirus.
Quels devraient être les standards idéaux? Le PCR devrait être systématiquement effectué, soit sur frottis nasopharyngé, soit sur frottis salivaire.
Existe-t-il un consensus avec vos collègues épidémiologistes (non microbiologistes)? Non. Certains considèrent que de détecter uniquement les individus particulièrement contagieux (superspreaders) est suffisant. Pour eux, le coût moindre des tests antigènes et leur résultat rapide justifient leur utilisation malgré une sensibilité médiocre. Ce sont de mauvais arguments, car la contagiosité accrue du variant delta est liée à une meilleure capacité d’infecter les cellules et n’est pas due à une quantité plus importante de virus. De plus, les tests rapides PCR existent et permettent d’obtenir un résultat en vingt minutes. Ils sont d’ailleurs proposés aux voyageurs ayant besoin d’un pass Covid pour prendre l’avion à des prix cependant trop élevés. Enfin, manquer les gens positifs avec 100 000 copies laisse le virus se propager, et documenter un cas même peu contagieux donne la possibilité de détecter d’autres cas, y compris des super-spreaders, grâce à l’enquête d’entourage.
Revenons à la question du prix. Dès septembre 2020, une analyse pour un test PCR est passée de 95 fr. à 82 fr. Et vous êtes parvenu à la proposer à 52 fr. Comment expliquer une telle variation? Dès janvier 2020, les PCR étaient facturés 180 fr. Au CHUV, nous avons décidé dès avril 2020 de réduire le prix des tests afin d’éviter que la facture ne soit un frein limitant. En effet, une grande part de la population a une franchise élevée et les coûts n’étaient alors pas pris en charge par l’assurance. Un tarif de 52 fr. par PCR a été établi, basé sur les coûts effectifs. Ils ont été pris en charge par le Canton.
Quelle a été la réaction des laboratoires concurrents? La plupart ont alors refusé de faire des tests, vu ce tarif trop bas à leurs yeux. Dès que les tests ont été remboursés à 95 fr. par la Confédération, ils ont repris leur activité, vu la marge bénéficiaire. Globalement, il est regrettable que les tests PCR aient été facturés si cher en mars et avril 2020 (à 180 fr.), car cela a pu contribuer à l’essor des tests antigènes, puis des autotests.
Depuis l’abandon du remboursement des tests, le Conseil fédéral mise sur la concurrence et le libre-marché comme régulateurs de prix. Ce levier est-il le bon? Un tarif uniforme serait préférable. Le libre-marché risque d’être à l’origine de prix exagérés. Par exemple, le PCR a été facturé 380 fr. à l’aéroport de Zurich, vu le besoin d’un test pour prendre l’avion.