13.2.2025, Sandra Imsand
Application anticipée de la baisse, communication cachée ou inexistante, erreurs d’affichage des prix et manque de transparence: le suivi de la baisse de TVA n’a pas été de tout repos…
Depuis le début de l’année, les produits d’hygiène menstruelle bénéficient du taux de TVA réduit à 2,6%. Un projet que la FRC avait défendu et soutenu politiquement. Maintenant que le projet est appliqué, notre association a donc voulu vérifier si la baisse avait effectivement été appliquée en rayon.
Nous avons donc effectué des relevés de prix de plus de 200 produits chez Migros, Coop, Lidl, Aldi, Manor et Denner en décembre 2024. Puis, en janvier, nous avons à nouveau effectué le même exercice. L’échantillon comprend plus de 120 produits, serviettes hygiéniques, tampons et protège-slips, identiques lors des deux visites.
Baisses anticipées, Manor en retard
Première surprise: à part de très rares exceptions par-ci et par là, nous n’avons constaté aucune baisse de prix, alors qu’elles devraient se monter jusqu’à 40 centimes par paquet pour les produits de marque, les plus onéreux. Renseignements pris, les distributeurs nous informent avoir déjà répercuté la baisse au cours de l’année 2024. Selon les informations qui nous ont été transmises, Lidl a «réduit ses prix de manière proactive en 2024», Denner a effectué le changement dès le 10 septembre, Coop, en juillet déjà et Migros en août. Chez Aldi, c’était même «début 2024».
4466 fr. – C’est le coût moyen des règles en Suisse sur une vie calculé en 2020. Il est réjouissant de voir que cette facture s’allège dès cette année!
Manor est le seul détaillant qui a reconnu ne pas avoir adapté ses prix au 1er janvier 2025: «Manor a décidé de faire bénéficier ses client·e·s de la baisse de la TVA. Les prix de ces produits diminueront d’au minimum 6% d’ici à la fin du mois (réd.: de janvier)», le temps pour le système informatique de s’adapter, selon leur porte-parole. Nous avons effectué de nouveaux relevés le 12 février et les prix des protections hygiéniques n’avaient toujours pas été baissés…
Mise à jour: suite à la parution de notre article, Manor nous a informé avoir bien effectué les baisses des produits fin janvier mais suite à une «enquête interne», avoir découvert que «si le magasin de Lausanne affichait des prix inchangés, c’est en raison d’un retard dans le changement d’étiquette.» L’affichage a été corrigé depuis.
Une information invisible
Si ces applications anticipées sont une excellente chose pour le porte-monnaie de la clientèle, l’information est en revanche passée complètement inaperçue. Denner a envoyé un communiqué de presse où la réduction anticipée de la TVA sur les produits d’hygiène féminine n’est que le quatrième et dernier point d’une communication globale de baisses de prix. Chez Migros, c’est dans un minuscule encart à la page 9 de l’édition du 5 août 2024 de son magazine que l’information a été donnée à ses clients. Et dans les rayons, pas une trace de l’indication de cette baisse. Une stratégie bien surprenante, alors que les détaillants communiquent volontiers largement sur des opérations diverses, surtout dans la mesure où ils ont anticipé une mesure obligatoire et ont donc volontairement réduit leurs marges. La question du positionnement par rapport au prix est cruciale en ce moment dans les supermarchés. Par exemple, difficile actuellement de passer à côté des petits panneaux jaunes «prix bas» qui pullulent dans les rayons d’un des géants orange, offensive lancée en automne dernier et qui devrait encore s’intensifier dans les prochains mois. Il est d’autant plus étrange que les distributeurs n’aient pas sauté sur l’occasion de communiquer.
Migros seul détaillant pas transparent
Afin de pouvoir vérifier dans quelle mesure les baisses avaient été effectuées, nous avons donc demandé aux détaillants de nous transmettre les prix avant la baisse. Et effectivement, les produits de protection menstruelle coûtent moins cher, la différence correspondant au moins à la différence de TVA. Un bon point! Seule Migros fait figure de cancre, en refusant de livrer les anciens tarifs pratiqués. En gros, le message est clair: «Faites-nous confiance». Vraiment?
Des erreurs de prix
Malgré cet exercice de transparence apprécié, certains éléments laissent toutefois songeur. Aldi, après avoir dans un premier message affirmé que ses «clients profitent déjà depuis un an des prix réduits», explique dans un second échange que l’anticipation de la réduction de la TVA ne s’applique en fait qu’à ses marques propres. Chez Coop, nos relevés permettent de mettre en lumière des erreurs d’affichage des prix dans une succursale lausannoise. En effet, les serviettes hygiéniques Prix Garantie devraient désormais être vendues à 1 fr. 20 et pas 1 fr.30, comme ça a été le cas lors de nos visites. Chez Aldi, les prix transmis par le service de presse pour les serviettes ajustées Satessa ne correspondent pas à ceux relevés en magasin (59 ct. contre 65 ct.)… Mais tout ceci laisse une furieuse impression de chaos. Et pour compliquer encore la chose: chez trois détaillants, de nouveaux produits ont été ajoutés dans l’assortiment courant 2024 alors que la baisse de TVA avait, du moins partiellement, déjà été appliquée. Chez Migros, la gamme propre Molfina subit actuellement un relaunch. Cela signifie que «les emballages de tous les produits Molfina ont été retravaillés et redessinés, et les noms des articles ont été légèrement modifiés à certains endroits», explique le porte-parole. Ce changement complique certainement la tâche aux consommateurs pour la comparaison des prix. Quant à savoir si ce remaniement aura prochainement une incidence sur le prix, à nouveau, le détaillant se mure dans le silence.
Grâce à nos demandes auprès des détaillants, nous avons découvert que le Surveillant des prix suit lui aussi ce changement. Une bonne chose. Il a ainsi demandé aux vendeurs actifs sur le territoire du pays de lui transmettre la liste de prix des produits concernés par la baisse de TVA. «À l’exception d’un très petit vendeur qui n’a pas répondu dans le délai, nous avons reçu les informations souhaitées, explique Stefan Meierhans. Ces demandes officielles ont été complétées par des enquêtes numériques auprès des entreprises.» Le Surveillant des prix a évalué ces informations et informera «le public intéressé des résultats en temps voulu ». À voir si son rapport laisser transparaître la même impression de pagaille que notre enquête.