15.9.2021, Aude Haenni
Savoir-faire ancestral, la technique s’invite désormais chez les créatifs. Rencontre avec une Romande passionnée par cette méthode qui a pris un sérieux coup de jeune.
Hélène Bezzola est graphiste. Sur papier, sur écran. Sur tissu aussi. Avec sa marque Maison & Maison, elle a imaginé des couvertures et des écharpes, toutes réalisées par des professionnels du métier. «J’aime le support textile. Mais j’avais envie de trouver le moyen de ne pas dépendre d’un producteur.» C’est via une vidéo d’une fille qui créait un tapis à l’aide d’un pistolet qu’elle découvre la solution pouvant lui offrir cette liberté: le tufting, tuftage ou touffetage en français. Soit une technique artisanale consistant à insérer de la laine sur une toile tendue grâce à cet engin. Un peu à l’image d’un tatouage, illustre la Lausannoise. «Cela demande de l’expérimentation, quelques heures d’entraînement, mais à partir de là, on fait tout ce que l’on veut!» Du basique rectangle à la forme de canard ou de nuage en passant par des lettrages jusqu’aux reliefs, le tapis tufté semble n’avoir aucune limite. Même pas celle du temps. Entre l’idée, la réalisation, la couche de colle à moquette et le rasage à la tondeuse à cheveux (!), la créative – qui avoue n’avoir aucune patience – a calculé environ quatre heures pour un tapis rond orné d’un crabe, dix pour un chat tout allongé. «Le temps dépend surtout du dessin», souligne-t-elle.
Joyeusement rétro
Une fabrication simple et plutôt rapide, un résultat charmant et une douceur sans pareille au toucher: autant d’éléments qui ont de quoi affoler les réseaux sociaux, qui en sont envahis! «Il y a une année, on ne voyait quasiment pas de vidéos sur You- Tube. Les premières images provenaient surtout de pays anglophones, mais depuis quelques mois, ça explose de partout!» En Suisse romande, la tendance est encore au calme, bien que la graphiste soit de plus en plus interpellée sur son compte Instagram par des curieux désirant se lancer.
Si les entreprises ne se sont pas encore engouffrées dans la brèche par ici, des sites dédiés en Amérique et en Europe ont senti le potentiel du touffetage et se mettent à vendre des laines spécifiques et des canevas. «On trouve de la toile exprès pour, alors que quelques mètres de jute font très bien l’affaire, note Hélène Bezzola, qui se procure le sien en Suisse. D’ailleurs, mis à part la machine commandée aux Etats-Unis, j’ai essayé de tout récupérer en occasion.» Aussi, l’atelier situé dans les locaux de Décal’Quai à Montreux regorge de piles de pelotes d’acrylique et de laine 100% mouton achetées sur un site de seconde main, notamment auprès d’une Alémanique… qui créait justement des tapis! Quant au matériel familial qui avait pris la poussière, le voilà revenu à sa fonction première. «Ici, c’est la bobine de ma mère, le vieux tape-tapis de ma grand-mère et le dévidoir en bois de mon arrière-grand-mère! énumère la graphiste. J’aime le fait de ressortir de vieux objets dont on ne voyait plus l’utilité.»
Après le crochet et le tricot, le touffetage dépoussière donc une énième pratique classée par certains dans la catégorie «mémère». Ces pièces extrêmement design, pratiques de surcroît, sont à accrocher au mur ou à utiliser comme accessoires, au salon ou dans la chambre à coucher, tout simplement!