25.3.2014, Sophie Reymondin / Les comprimés qui facilitent la digestion ont-ils leur place au supermarché ? Assurément, non. Photo: Maridav/shutterstock.com
La vente de dispositifs médicaux en supermarché ne répond pas aux exigences légales en matière de conseil. Enquête menée avec l’émission On en parle.
Des pastilles contre les troubles gastro-intestinaux? «Oui, au rayon Bien-être, mais ce ne sont pas des médicaments», répond une vendeuse très inspirée. Bien rares sont en effet les employés des grandes surfaces qui font la différence entre médicaments et dispositifs médicaux. «Même les pharmaciens font parfois la confusion!» lance Christian Robert, pharmacien cantonal genevois.
Et pour cause: la distinction relève d’une subtilité administrativo-légale. En effet, les médicaments doivent être enregistrés chez Swissmedic et sont délivrés en principe en pharmacie, avec ou sans ordonnance, à l’exception des substances de classe E vendues en supermarché. Quant aux dispositifs médicaux, ils ont une action mécanique (et non chimique), et peuvent dès lors se trouver en grande surface munis du sigle CE, signe de conformité à la législation européenne. Encore faut-il se munir d’une loupe pour vérifier si la fameuse abréviation est suivie de quatre chiffres. Si c’est le cas, on est en présence de dispositifs médicaux «particuliers», dont la vente en supermarché requiert des conseils spécialisés. Les pastilles et comprimés à mâcher qui ont fait l’objet de cette enquête (lire protocole ci-dessous) font justement partie de cette catégorie.
Des réponses fantaisistes
Mais la visite de 21 supermarchés romands montre des lacunes importantes en matière d’information au consommateur. Chez Aldi, les vendeurs ont montré un front uni, quel que soit le canton concerné, pour renvoyer notre client mystère à la notice d’emballage, respectant ainsi la position officielle de l’entreprise: «Le conseil spécialisé est garanti par les prescriptions d’utilisation détaillées en trois langues qui accompagnent le produit.»
Chez Coop, même son de cloche de la part du porte-parole: «Les conseils donnés par les vendeurs ne doivent pas dépasser les informations qui se trouvent sur l’emballage.» Sur le terrain, le personnel de vente s’est parfois montré ouvert au premier abord, mais a rapidement avoué son ignorance quand on l’a questionné sur la posologie et les contre-indications, se bornant à renvoyer notre enquêteur à son médecin. Quant à la hotline, dont le numéro figure sur l’emballage, elle expédie le consommateur à un autre numéro, en précisant que Coop ne distribue plus les produits de marque Abtei. Encore raté!
Et ce n’est pas chez Migros que nos enquêteurs ont eu plus de succès. Là encore, entre les réponses fantaisistes et les aveux d’incompétence, le client ne se trouve pas plus avancé. Idem via la hotline, même si le personnel se montre en général un peu plus coopératif, et que l’entreprise estime «remplir son devoir d’information par le biais de M-Infoline et respecter les exigences légales».
Une information lacunaire
Alors, conforme? Tout dépend de ce que l’on entend par «conseil spécialisé». Selon Swissmedic, les «points de vente sont tenus de s’assurer que le client reçoit bien le conseil de spécialistes et qu’ils sont à même de mener un dialogue sur la destination, les contre-indications, l’utilisation, la compréhension de l’information sur le produit…». L’Institut suisse de contrôle des produits thérapeutiques précise que «la référence au pharmacien ou au médecin n’est pas suffisante». De même quand personne n’est en mesure d’informer le client en magasin et qu’aucune hotline ne pallie ce manque. A ce titre, notre enquête est éloquente… Par le passé, Swissmedic est déjà intervenu auprès des grands distributeurs après avoir constaté les mêmes lacunes, et prendra des mesures pour que la loi soit respectée.
«Quand une personne vient avec un problème de santé, elle attend que l’on creuse et que l’on cherche une solution», souligne Christian Robert, pharmacien cantonal genevois. Ce n’est pas au supermarché qu’elle trouvera une réponse.
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