27.5.2020, Anne Onidi / Photo: shutterstock
Ce produit traditionnel survit au prix de quelques compromis. Mais gare aux faux! Décryptage et guide d’achat.
Son histoire, vieille comme le monde, a connu des heures de gloire et de gros coups durs. Ainsi, l’ère de la cosmétique industrielle a porté un lourd préjudice au savon jusqu’à il y a peu. Et face à la nécessité de se laver les mains, les savonniers, eux, se les frottent! Selon le quotidien français La Croix, les fabricants de savon de Marseille ont quasi doublé leur production tant la demande est forte. En parallèle, le désir de nombreux consommateurs de se tourner vers des compositions simples et compréhensibles, de limiter la production de déchets et l’impact environnemental de leurs achats contribue au regain d’intérêt pour les vieilles recettes. Le savon de Marseille, tout comme d’autres pains non industriels, y répond. En Suisse romande, de nombreuses savonneries artisanales ont vu le jour, démontrant l’intérêt pour cet article d’antan.
Mais au fait, le savon, qu’est-ce que c’est? Ce nom désigne le fruit de la réaction chimique entre une graisse et de la soude, un procédé nommé saponification. On obtient ainsi un produit solide. En remplaçant la soude par de la potasse, le savon deviendra liquide. Rien à voir avec un gel douche qui, lui, contient des détergents et non du savon.
Mais retournons sur la côte méditerranéenne. La composition du savon de Marseille est-elle irréprochable et correspond-elle à l’idée qu’on s’en fait? Nous avons examiné la composition de douze références, achetées en majorité sur internet. Premier constat sur la base de l’examen des listes d’ingrédients: contrairement à ce qu’on pourrait attendre, l’huile d’olive n’est pas l’ingrédient de base. En fait, seuls quatre pains de savon en contiennent, mélangée à de l’huile de coco; l’olive prédomine tout de même dans la formule. Pour en avoir le coeur net, rien de plus simple: cette matière grasse donne au savon une teinte vert… olive. Et sur l’étiquette, son nom figure aussi clairement sous la mention Sodium olivate. Inutile donc d’en chercher dans un savon de Marseille couleur crème.
Deuxièmement: plus d’un tiers des produits vendus sous l’appellation «savon de Marseille» ne répondent à aucun critère d’authenticité, en termes de composition, de mode de fabrication et d’origine (lire encadré). Cela n’en fait pas nécessairement de mauvais produits, mais la référence à la ville phocéenne est clairement galvaudée.
Boeuf à la salle de bain
Troisièmement: certaines substances n’ont rien à faire dans un savon dit de Marseille. Le pain AlmaWin contient ainsi du Limonene, un parfum allergène et polluant. Quant à celui de La Cigale, il est fabriqué principalement à partir de graisse de boeuf, repérable par la mention Sodium tallowate. Voilà qui fleure plus l’étable que la Provence…
Quel bilan tirer de ce tour d’horizon? D’abord, une note positive: la tradition du savon de Marseille demeure vivante. Mais, point malheureux, au prix de compromis quant aux huiles végétales utilisées. La concurrence est rude, et recourir aux graisses de coco, de palme et de palmiste (issues de parties différentes du même fruit), moins onéreuses, permet de rester dans la course. Pour qui veut éviter les graisses de palme, les formules à l’huile d’olive en sont heureusement exemptes. Quant à la graisse de coco qui lui est associée, difficile à l’heure actuelle de connaître l’impact environnemental de sa production. Les cigales chantent donc encore, mais peut-être avec un peu moins de coeur que jadis.
Voir le test des savons de Marseille sur test.frc.ch