26.4.2010, Anne Onidi
Trois questions à Bill Hemmings, de l'Association européenne Transport et Environnement.
Quelle est la conclusion du Sommet de Copenhague au niveau de l’aviation?
Ce sommet a été assez décevant, d’une manière générale, et en particulier en ce qui concerne les émissions dues à l’aviation civile. Les accords passés ne mentionnent même pas le problème des carburants fossiles brûlés par l’aviation et le transport maritime. L’ICAO (Organisation internationale de l’aviation civile) et l’IATA (association internationale du transport aérien) ont assisté aux négociations et estiment de leur côté que les choses sont en main; l’ICAO a accepté une diminution de 2% de la consommation globale de carburant et dit travailler sur une norme de CO2, et considère que l’évolution des biocarburants est prometteuse. De son côté, l’IATA a présenté une perspective de croissance neutre pour le carbone d’ici à 2020 et une réduction de 50% des émissions d’ici à 2050. Mais même si toute ou une partie de ces mesures étaient réalisables, elles n’auraient aucun impact sur les émissions de GES durant les dix prochaines années!
Peut-on différencier les compagnies aériennes, s’agissant de leurs politiques et de leurs objectifs?
Cette industrie a un sérieux problème, et elle n’est pas soumise à une contrainte quelconque à l’heure actuelle. La demande de voyages ne cesse d’augmenter, les émissions vont croître à un taux de 3 à 55% par an. C’est insoutenable. L’aviation bénéficie en outre d’une exonération partielle mais importante de taxes sur les carburants. De nombreuses compagnies aériennes des pays en voie de développement restent d’Etat et craignent que les mesures de taxation du carbone ne nuisent à leur entreprise. Dans le même temps, quelques-unes des plus grandes compagnies aériennes du monde sont basées dans les pays en voie développement. La politique de l’OACI et l’IATA, et de ses groupes régionaux, signifie qu’il ya beaucoup de résistance au changement.
Il est donc très important que ces entreprises avec plus de points de vue éclairés – telles que celles de l’AGD (Aviation Global Deal Group) qui soutient un nouvel engagement mondial d’échange d’émissions – prennent l’initiative politique. Le Royaume-Uni a inclus les émissions de l’aviation dans son budget global du carbone. Cette pratique est susceptible de s’étendre à d’autres pays et d’accroître la pression pour une action. Au final, les consommateurs peuvent se tourner vers les compagnies aériennes qui déploient des efforts politiques, qui utilisent de nouveaux appareils moins gourmands en énergie et qui exploitent l’espace à bord de manière efficace. Les gouvernements devraient exiger des compagnies aériennes qu’elles rendent compte publiquement de leurs performances environnementales, afin que les consommateurs puissent commencer à prendre des décisions rationnelles plutôt que d’être confrontés à des campagnes d’éco-blanchiment intenses.
Quelles sont les mesures-clés qui devraient être effectivement mises en œuvre?
Un mécanisme de marché tel que les échanges d’émissions est requis d’urgence. Il doit être accompagné par un plafonnement global des émissions, de telle sorte que la croissance des émissions de l’aviation serait contenue par un prix du carbone. Les transporteurs étrangers sont en voie de se conformer aux exigences de l’UE pour l’aviation, qui commence en 2012. Nous pouvons au minimum attendre que les compagnies respectent la sécurité et les réglementations environnementales. Mais les échanges d’émissions ne seront pas suffisants. Le rendement énergétique des nouveaux appareils doit être revu de manière à réduire les émissions par passager plutôt que de voir des améliorations technologiques permettant de voler plus rapidement ou avec une plus grosse charge. Il n’y a aucune raison pour que la prochaine génération des avions moyen-courriers ne vole pas plus lentement et consomme moins de carburant.
A court terme, les compensations devraient jouer un rôle destiné à diminuer l’empreinte écologique. A la fin, ce seront les passagers qui fourniront le financement du carbone à travers le prix des billets. Les compagnies aériennes plus intelligentes que les autres élaboreront des stratégies qui leur permettront soit de diminuer leurs coûts, soit d’augmenter leurs bénéfices. Les passagers qui achètent actuellement des compensations n’ont pas de véritable garantie que les projets sont effectivement voués à réduire les émissions. Qui plus est, si ces achats déresponsabilisent la compagnie aérienne de toute implication qui n’est plus destinée à réduire son empreinte écologique, ils peuvent alors être contre-productifs.
Consultez l’article sur la responsabilité sociale des compagnies aériennes