Sécurité
Les mesures pour éviter les accidents des tous petits
Archive · 27 août 2009

Quand et comment vous êtes-vous intéressé à la prévention des accidents d'enfants?
Lorsque, en 1980, on m'a demandé de m'occuper des urgences chirurgicales pédiatriques du CHUV. Je ne pouvais pas passer mon temps à soigner des enfants accidentés sans me demander comment cela arrivait et ce que l'on pouvait faire pour l'éviter. Un voyage au Canada et aux USA en 1984 m'a ensuite permis de rencontrer des confrères canadiens et une pionnière de la prévention des accidents d'enfants, tous convaincus que l'accident n'est pas accidentel et que des stratégies sont possibles pour les éviter.
Quelles actions menez-vous pour informer la population ?
Nous dispensons des informations à travers des conférences grand public, des manifestations, un enseignement universitaire et para-universitaire, des travaux de recherche et des publications scientifiques.
Vous militez contre le port des colliers chez les tout petits. Pour quelle raison et jusqu'à quel âge les déconseillez-vous?
Nous déconseillons vivement le port de tout collier chez les petits enfants, qu'il soit d'ambre ou chaînette, car ces colliers causent des morts par strangulation. Tout dépend du développement de l'enfant, mais 3 ans me paraît être un âge limite raisonnable. Pour les plus prudents je dirais même 5 ans car à cet âge, l'enfant est capable de se dégager ou de casser le collier s'il se coince quelque part.
Quels sont les autres objets que vous aimeriez voir interdits pour des raisons de sécurité ?
Le youpala et les jeux de balles avec des élastiques très solides qui provoquent des strangulations. Les tables à langer sont également inutiles et causent quantités de traumatismes. Une couverture imperméable au milieu du lit des parents est moins chère et moins dangereuse. L'absence de norme permet aussi de vendre des chaises d'enfant instables, des toboggans dangereux. Il faut faire preuve d'un peu de bon sens lorsque l'on acquiert certains jeux ou objets.
Il y a aussi des comportements qu'on aimerait voir interdits, mais c'est évidemment impossible. Comme les jeux de strangulation, auxquels les enfants s'adonnent avec des foulards ou des cordes, par exemple.
Est-ce que ces jeux sont nouveaux ?
Non, cela fait longtemps que les enfants jouent à s'étrangler.
Jugez-vous certains dispositifs de sécurité dangereux?
Non. Sont dangereux les dispositifs de sécurités inadaptés ou mal installés, comme les sièges auto par exemple. Il ne suffit pas d'acheter des instruments de sécurité, il faut savoir s'en servir.
Mais avant d'acheter, il y a des mesures qui ne coûtent rien à prendre...
Oui, comme parcourir la maison à quatre pattes et récupérer les petits objets qui se cachent sous les meubles; supprimer les appareils électriques de la salle de bain ; enlever tout ce qui est entreposé sur le balcon ; cacher les rallonges qui traînent par terre et, enfin, mettre en hauteur les substances dangereuses, comme les produits de nettoyage ou les médicaments. La majorité des produits en cause dans les intoxications par produits chimiques ont été trouvés sous l'évier dans des flacons ne disposant pas de bouchons de sécurité. C'est notre habitude de placer les produits de ménage sous l'évier et les casseroles en hauteur. Il est pourtant si simple d'inverser cette pratique dangereuse pour des enfants de moins de 5 ans. Quant aux médicaments absorbés accidentellement par les enfants (contraceptifs, somnifères, tonicardiaques), ils traînent en général dans la table de nuit ou sur la table de la cuisine.
Ne croyez-vous pas qu'il y a un risque de surprotéger son enfant ?
Bien sûr qu'il y a des parents qui surprotègent leurs enfants et d'autres qui sont trop laxistes. Mais le métier de parent est extrêmement difficile. Et quand quelque chose arrive, il est toujours coupable. C'est impossible d'éviter que les enfants se confrontent au danger, mais il faut faire en sorte que les risques pris par l'enfant soient le plus faible possible.
Jean Piaget a décrit le développement comme étant l'adaptation de l'enfant à son environnement; un processus continu où chaque progrès cognitif mène à la phase suivante. L'enfant assure donc son développement psychomoteur grâce à un apprentissage par manipulation et par imitation. La manipulation de son environnement l'expose obligatoirement à des traumatismes. Il n'est pas envisageable de lui enlever cette possibilité de progresser. Son droit à l'erreur doit être accepté. Cependant, on cherche à ce que cette expérimentation obligatoire ne mette pas la vie de l'enfant en danger. A la maison, on peut minimiser les interférences dangereuses. Par exemple, lorsque l'enfant apprend à marcher, on accepte qu'il doive tomber. Mais on le laisse sur de la moquette et non sur du béton.
Grâce à la nouvelle norme suisse, les petits ne peuvent plus s'électrocuter en introduisant leurs doigts dans la prise. Verriez-vous d'autres réglementations susceptibles d'accroître la sécurité des enfants dans l'habitat?
Oui, limiter la température de l'eau chaude des boilers à 55°C comme c'est déjà le cas au Canada. Cette mesure, écologique de surcroît, garantit plus de sécurité et prévient l'encrassement des conduites. Par ailleurs on a réglementé l'utilisation du siège auto, ce qui est très bien. Dommage que cela soit venu si tard. Quant au port du casque cycliste, il devrait être obligatoire, comme en Australie. J'attends également qu'on établisse une définition des bouchons de sécurité et que leur utilisation soit imposée. (ndlr : les bouchons de sécurité sont ces bouchons que les enfants ne parviennent pas à ouvrir car ils nécessitent en général 2 mouvements combinés). Enfin, la protection des piscines privées est obligatoire dans plusieurs pays, soit par une clôture soit par une couverture flottante capable de porter le poids d'un enfant. C'est un exemple à suivre selon moi.
Quelles tendances avez-vous observées au fil de votre carrière de chirurgien pédiatre?
Malgré toutes les mesures prises, globalement le nombre des accidents d'enfants augmente. Cependant, la morbidité et la mortalité dues à des accidents de la voie publique sont en baisse. Je m'en réjouis car ces accidents sont souvent très graves. En traumatologie sportive, en revanche, on observe une augmentation des traumatismes aigus et dus à des lésions de surcharge. La pratique sportive que l'on demande à l'enfant ne tient souvent pas compte de sa croissance particulière et individuelle. Cette tendance-là reflète un réel problème de société. Quant aux accidents domestiques, ils sont en stagnation.
Pourtant on aurait plutôt tendance à penser que leur nombre baisse...
Ce n'est pas le cas. A la maison, un problème en chasse un autre et les stratégies de prévention nécessitent un perpétuel recommencement. Lorsqu'une population est sensibilisée à un problème donné, on constate une diminution de fréquence, mais si on ne fait pas des " injections de rappel ", comme pour les vaccins, les bonnes résolutions sont vite oubliées.
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