4.6.2019, Laurianne Altwegg et Sandra Imsand / Photo: shutterstock.com
Mise à jour le 7 mai 2024
Source de confusion auprès du chaland et ne présentant aucun bénéfice environnemental, le plastique oxo-fragmentable doit disparaître.
Même interdit, le plastique oxo n’a pas disparu
Souvent présentée comme une alternative plus écologique au plastique classique, la variante oxo-dégradable est particulièrement problématique du fait de la fragmentation rapide du polymère en microplastiques. Une raison qui a poussé la FRC et quelques alliés à demander son interdiction, effective depuis avril 2022. Or, ce produit est encore en circulation, plusieurs Lausannoises en ayant fait part à la FRC. Les sachets incriminés sont d’autant plus problématiques qu’ils affichent la promesse d’être biodégradables, ce qui peut laisser penser à tort qu’ils sont adaptés à une utilisation dans une poubelle verte. Pire, l’inscription «n’aura aucun résidu nocif» risque d’inciter à les abandonner dans la nature. Une tromperie pure et simple à laquelle il doit être mis fin. C’est en tous les cas le message adressé à la Direction générale de l’environnement du canton de Vaud, qui l’a transmis à l’Office fédéral de l’environnement. Charge à lui de mettre en place les mesures nécessaires à un meilleur contrôle de l’interdiction de ces articles, sachant que le problème n’est certainement pas cantonné à la région lausannoise.
Imaginez un polymère qui, même issu du pétrole, disparaît entièrement au bout de quelques années grâce à l’ajout d’un oxydant qui le fait se fragmenter en si petits morceaux qu’il en devient biodégradable. Un vrai miracle au coeur des activités d’entreprises telles que Symphony Environmental. Le leader mondial autoproclamé en «technologie plastique responsable pour l’environnement» commercialise des plastiques à la durée de vie soi-disant contrôlée. Sauf que ce fait n’est pas prouvé et que la dégradation du produit dépend grandement de l’environnement dans lequel il se trouve, ce qui pose de multiples problèmes. Primo, lorsque la matière ne se dégrade pas correctement, soit elle demeure entière (quand elle est enterrée ou immergée notamment), soit elle laisse en héritage des microplastiques. Certes, une étude récente du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche indique que la Suisse est pour l’instant peu concernée par la pollution des microplastiques, mais les dangers qu’ils présentent pour l’humain ou l’environnement sont mal connus.
Deuzio, l’oxo ressemble à n’importe quel autre plastique et ne peut donc pas être trié lors du recyclage, détériorant de fait la qualité de la matière dans son ensemble. Surtout, du point de vue du grand public, qui a déjà du mal à s’y retrouver entre les sacs autorisés ou non pour collecter les déchets verts, l’oxo ajoute encore à la confusion. Avec des allégations du type «100% dégradable» ou «biodégradable», le risque est grand qu’ils finissent au compost, voire dans la nature, avec toutes les pollutions qui en découlent.
Enquête de terrain
Des arguments qui ont poussé la FRC à s’allier à d’autres organismes début 2019 pour demander à la cheffe du Département en charge de l’environnement d’interdire cette technologie en Suisse. Décevante, la réponse de Simonetta Sommaruga n’était qu’une réplique de celle donnée à l’interpellation au National d’Isabelle Chevalley (Vert’libéral/VD), soit d’attendre les résultats d’une étude mandatée auprès de l’Ecole polytechnique de Zurich. Cela alors que la France et d’autres pays ont déjà interdit les sacs oxo et que l’Union européenne est en passe de le faire, après avoir publié un rapport exposant clairement les problèmes de la technologie en 2018.
Si les nuisances de l’oxo ne sont plus à démontrer, reste à savoir dans quelle mesure le grand public y est confronté. Pour le savoir, nous avons envoyé des enquêteurs dans les petits commerces de quatre cantons différents: Genève, Vaud, Neuchâtel et Valais. Au total, plus de 70 épiceries de quartier, pharmacies ou stands de marché susceptibles de distribuer ces sacs ont été répertoriés.
Connaissances floues
Ce faisant, les clients mystères ont relevé la difficulté de différencier un sac oxo d’un autre, en polyéthylène standard. Surtout que l’indication «oxo-dégradable» ou «oxobiodégradable » figure parfois en très petits caractères, et qu’elle n’est même pas obligatoire. Un indice permet cependant de repérer ces produits: ils arborent souvent arbres, éléments végétaux ou slogans faisant croire à un produit respectueux de l’environnement.
Les sacs oxo n’ont été trouvés qu’à trois reprises: dans un magasin de produits du terroir à Sion, un autre du même type à Lausanne, ainsi que sur un stand au marché de Neuchâtel. Interrogé à ce sujet, le gérant de l’enseigne valaisanne a expliqué y avoir renoncé depuis, suite aux remarques de clients. Il avait choisi ces sachets parce qu’ils étaient moins onéreux que les sacs compostables et avaient été présentés comme une alternative «écolo» au plastique traditionnel. A l’usage, leur qualité laissait toutefois à désirer: «Nous avons dû jeter beaucoup de rouleaux car les sacs étaient cassés.» L’effet du fameux oxydant. Désormais, les clients auront le choix entre des contenants en coton, en jute, en papier et des sacs compostables, payants.
Lors des discussions, les commerçants proposant ces produits ont admis que leurs connaissances sur la dégradation véritable des sacs oxo étaient floues. La Société suisse des pharmaciens a de son côté publié en avril une annonce invitant les officines à y renoncer. En espérant qu’elle sera suivie d’effets. Quant aux deux fournisseurs qui vendaient ces articles aux commerces en Suisse, l’un a complètement cessé la distribution, l’autre continue d’en proposer deux modèles dans son assortiment. Aux propriétaires de magasin et aux consommateurs de les refuser et de faire entendre leur voix à ce sujet. En attendant une interdiction enfin définitive.