1.5.2018, Laurianne Altwegg / Pierre Reimann ne rentrera pas dans ses frais. Photo: Jean-Luc Barmaverain
Des milliers de petits producteurs de solaire toucheront bien moins que promis. Explications.
En 2013, Pierre Reimann a investi 50 000 francs dans une installation solaire pour sa maison. Un montant important correspondant aux prix du marché de l’époque. Après l’annonce de mise en service auprès de Swissgrid, la société chargée de l’attribution des subventions lui annonce que chaque kilowattheure injecté dans le réseau sera rétribué 31,4 ct. pendant 20 à 25 ans. Il doit toutefois attendre trois ans pour toucher cette «rétribution à prix coûtant» (RPC), le fonds manquant de moyens (lire encadré). Dans l’intervalle, son courant est repris à 9 ct./kWh par Romande Energie, soit un manque à gagner d’environ 3500 francs par année.
En 2017, Pierre Reimann est toujours sur liste d’attente, mais la votation sur la Stratégie énergétique de la Confédération vient changer la donne. Swissgrid lui annonce ainsi par courrier le 8 décembre 2017 que «la nouvelle loi ne prévoit plus qu’une rétribution unique (RU) pour les installations photovoltaïques d’une puissance inférieure à 100 kWc dès 2018», c’est-à-dire les petites installations. Le montant étant bien inférieur à la RPC, la pilule est dure à avaler pour les milliers de petits producteurs sur liste d’attente.
Les règles du jeu ont changé
Le procédé est toutefois légal. Sur son site, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) rappelle que «dans le cas d’installations déjà réalisées, (…) l’investissement est effectué à ses propres risques» et que Swissgrid a toujours indiqué «qu’il n’est pas certain que le projet puisse être soutenu et, s’il le peut, à quelle date». En clair, le non-respect des montants mentionnés de même que l’allongement du temps d’attente ne peuvent faire l’objet d’aucune action en justice.
Selon Bilan, les prix des installations solaires auraient baissé de 40% ces cinq dernières années. Si on les compare aux 30% maximum de coûts d’investissement pris en charge sous le régime actuel de la RU, le calcul est vite fait: les pionniers comme Pierre Reimann ont beau avoir contribué à lancer le marché solaire en Suisse, ils y ont financièrement perdu. Surtout, les règles du jeu ayant changé en cours de route, nombreux sont ceux qui n’auraient pas pris ce risque s’ils avaient su que les subventions n’étaient pas assurées. Seule bonne nouvelle, l’OFEN vient d’annoncer que les rétributions uniques pourront «probablement» être versées d’ici à la fin de l’année aux 6600 installations mises en service avant mi-septembre 2015. Prudence pour celles annoncées après le 1er janvier 2018, il faut s’attendre à de longs délais, deux ans au moins.