27.8.2019, Yannis Papadaniel
Le prix des médicaments en Suisse fait débat. Mais il cache certaines subtilités… Exemple flagrant.
Velcade est un médicament qui permet de traiter le myélome multiple, une forme de cancer de la moelle osseuse dont on dénombre 570 nouveaux cas en Suisse chaque année. Il est distribué sur le marché helvétique par Janssen-Cilag. Le recours à ce médicament se fait généralement lorsque des patients n’ont pas réagi à un premier traitement ou s’ils sont victimes d’une récidive.
Ce produit est disponible sous forme d’ampoules de 1 mg ou 3,5 mg qui coûtent respectivement 642 fr. 95 et 1831 fr. 35. Selon la base de données relative au prix des médicaments et à leur chiffre d’affaires mise en place conjointement par Curafutura et COGE Sàrl, le prix de ce médicament demeure bien plus élevé en Suisse (de 10 à 75%) qu’en Europe, Autriche exceptée.
Le potentiel d’économie ne dépend pourtant pas exclusivement d’un ajustement du prix. En effet, Velcade est administrable de deux manières: en intraveineuse ou en sous-cutanée, dans la fesse par exemple. Indépendamment du volume qu’elles contiennent, les ampoules ont la même composition, or seules celles de 3,5 mg peuvent être administrées par l’une ou l’autre voie. Le conditionnement par 1 mg n’est en revanche disponible que pour l’intraveineuse.
Parce qu’elle diminue les effets secondaires du traitement, la voie sous-cutanée est utilisée de façon croissante. Par ailleurs, pour des personnes de faible corpulence (en particulier les personnes âgées ou malades), la dose de traitement injectée est souvent inférieure à 2 mg d’injection. Il n’est pourtant possible d’utiliser à cette fin que les ampoules de 3,5 mg. Si les médecins utilisaient deux flacons de 1 mg pour une injection sous-cutanée, ils s’exposeraient d’une part à des sanctions en cas de complication et le médicament ne serait d’autre part pas remboursé par les assurances. C’est ainsi que 1,5 mg, ou environ 600 francs, sont régulièrement jetés bien que payés.
Deux médecins lausannois se sont adressés à Swissmedic afin de connaître les raisons de cette situation. La réponse a été aussi laconique que décevante: dès lors que le fabricant ne leur a pas adressé une demande d’homologation pour administrer le Velcade 1 mg en souscutanée, rien ne peut être entrepris.
Explication non convaincante
Même son de cloche du côté de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui nuance l’ampleur du gaspillage: «Le partage de flacons est souvent pratiqué dans les hôpitaux. Tous les patients sont appelés le même jour pour un traitement, le reste d’une fiole est réutilisé pour le patient suivant et n’est pas jeté», explique Grégoire Gogniat, porte-parole. Ce raisonnement n’est valable que sous certaines conditions logistiques pour une prise en charge stationnaire, et ne l’est pas dans l’ambulatoire. L’OFSP, Swissmedic et le fabricant se renvoient donc la balle et n’offrent pas vraiment d’explication.
Il est piquant de constater que le nombre de boîtes vendues, tous conditionnements confondus, a baissé de 63,1% entre 2017 et 2018 selon les données de Curafutura. Pourtant, durant la même période, le chiffre d’affaires (20,1 mio) n’a baissé, lui, que de 12,8%. Une différence qui pourrait s’expliquer par la vente majoritaire des grands emballages.
Tout est bon à prendre lorsqu’il s’agit de maintenir ses marges. Le système de fixation des prix est complice de cette situation en ne laissant aucun levier aux autorités, aux médecins et aux usagers pour colmater des brèches, savamment entretenues, dans la certification de produits et de leurs usages.