Petits petons en péril

Offrir à son bébé une alimentation exempte de pesticides et des soins corporels sans substances nocives: voilà les préoccupations – justifiées – qui nourrissent les discussions dans les lieux de puériculture et dans les forums de parents sur internet. Vulnérables et en pleine croissance, les enfants méritent de se développer dans un environnement sain. Côté habillement, on attend aussi des produits taillés dans des matières agréables et sans chimie.

Les pantoufles en cuir souple sont ainsi plébiscitées. Confortables, d’une bonne tenue aux pieds, mais aussi parce que conçues exclusivement dans un matériau noble et naturel. Naturel, le cuir, vraiment? Hélas, non. Sur les dix paires que nous avons fait analyser, quatre contiennent du chrome VI, un allergène puissant, susceptible de provoquer des dermatites de contact. Le taux détecté dépasse même largement la norme autorisée pour trois modèles.

Le revers du cuir bon marché

Ce chrome VI, appelé aussi «chrome hexavalent», est issu de l’oxydation du chrome III, un composé utilisé pour le traitement du cuir dans la grande majorité des tanneries. C’est en quelque sorte le fruit d’une dégradation indésirable qui apparaît lorsque les processus de tannage sont mal maîtrisés ou que les bains sont utilisés trop longtemps. Il entre dans la liste des substances préoccupantes. Seule l’Allemagne a fait un pas radical, interdisant le chrome VI dans les produits en cuir. En France, 30% des articles vendus dépassent les limites, selon le Centre technique du cuir. Un chiffre que notre test corrobore.

Comment peut-on atteindre de tels taux de non-conformité? Vraisemblablement parce que c’est l’un des prix à payer pour des pantoufles trop bon marché, fabriquées à l’autre bout du monde avec du cuir peu coûteux. En mars 2012, notre test portant sur l’éthique des fabricants de cuir indiens dévoilait des conditions de travail épouvantables, tant d’un point de vue humain que sanitaire et environnemental. Des documentaires diffusés par A Bon Entendeur et Envoyé spécial ont également mis en évidence les dessous honteux du cuir bon marché tanné au Bangladesh.

L’alternative, c’est le cuir dit «végétal», qui représente 15% de ce marché. La peau est alors traitée avec des tannins naturels, mais la technique n’est pas exempte de produits chimiques pour autant. Son impact sur l’environnement reste moins conséquent que celui du tannage au chrome, l’une des industries les plus polluantes de la planète. Plus long à fabriquer et impliquant des matières premières plus onéreuses, ce matériau est au moins deux fois plus cher. Quatre de nos pantoufles sont à base de cuir végétal. Une garantie de qualité qui leur vaut une très bonne appréciation. Sans surprise, elles sont aussi les plus coûteuses.

En revanche, la non-conformité d’un modèle à près de 35 francs de Robeez, une marque pourtant populaire et pionnière dans le domaine, est interpellant. En 2012 déjà, la firme canadienne décidait de rappeler tous les chaussons vendus au cours des douze mois précédents pour un problème identique (lire encadré). Après un incident de cette ampleur, on pouvait donc s’attendre à une vigilance accrue de sa part.

Migros lent à la détente

Fermant la marche, les deux modèles de Migros, vendus une vingtaine de francs, contiennent en moyenne dans leurs semelles 30 fois plus de chrome VI que ce qui est toléré. En regard de ces résultats désastreux, la réaction de l’entreprise se révèle décevante. «Nos tests de produits montrent que ces articles sont commercialisables», argumente le groupe, précisant tout de même avoir retiré de la vente les derniers chaussons de cette série. Le distributeur ne s’est engagé ni à faire analyser les chaussons retirés ni à procéder à un rappel de ses pantoufles, jugeant une telle action «disproportionnée pour ce genre de situation». A chacun d’apprécier ce point de vue...

Voir les résultats du test (contenu réservé aux adhérents):
Test chaussons en cuir