Consultations politiques : Votation du 13 juin

Oui à «zéro pesticide»

Pesticides

4.5.2021, Laurianne Altwegg

L’initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» demande d’interdire ces produits d’ici à dix ans pour toutes les denrées, comme pour l’entretien du territoire. La FRC soutient ce texte.



Les attentes du consommateur sont claires: des aliments sains produits dans le respect de l’environnement. Or il est prouvé que l’exposition chronique, même faible, à certains pesticides est néfaste à la santé. L’interdiction récente de produits parmi les plus vendus – le Mancozeb ou le Chlorothalonil – confirme que la toxicité réelle des substances est souvent méconnue lors de leur homologation.

Certes, des mesures ont été prises, mais elles demeurent insuffisantes. Le plan d’action de la Confédération ne concerne que 55 substances jugées trop dangereuses. Quid des effets que nous ne connaîtrons que demain? Quid des centaines de coformulants et adjuvants susceptibles de renforcer leur toxicité? Reste aussi l’impact à long terme et l’effet cocktail (combinaison de l’exposition à plusieurs molécules) qui ne sont pas étudiés. Renoncer à ces produits est la seule mesure efficace pour protéger l’humain et l’environnement.

La FRC aurait préféré un contreprojet, fruit d’une discussion constructive entre le monde agricole et la société civile. Il est regrettable que les milieux conservateurs aient bloqué cette voie en suspendant les travaux sur la Politique agricole. Soutenir l’initiative est désormais nécessaire pour ne pas renvoyer la poursuite des réformes dans l’agriculture aux calendes grecques. D’autant que si le texte passe, le Parlement fera preuve de réalisme pour sa mise en œuvre.

Marge de manœuvre

La FRC ne craint pas une réduction de l’offre: elle est aujourd’hui pléthorique et l’agriculture comme les filières auront une décennie pour s’adapter. Côté prix, le niveau n’atteindra jamais celui du bio, vendu 40 à 50% plus cher que le standard. Car les exigences du bio vont au-delà des pesticides et les intermédiaires ne pourront pas prélever les marges scandaleuses qu’ils appliquent à ces produits-là.

En cas de hausse, la population dispose d’une marge de manœuvre importante, notamment en réduisant le gaspillage alimentaire ou en adaptant certaines de ses habitudes. Bien qu’une augmentation du budget des ménages reste possible, elle ne peut être que limitée sachant que la formation des prix dépend avant tout des intermédiaires et non pas des coûts de production. D’où l’importance accrue des circuits courts pour lesquels les représentants des consommateurs et des agriculteurs travaillent ensemble. Un défi qui fait de cette initiative une véritable opportunité pour renforcer l’agriculture indigène.

Vision FRC de l’agriculture

Pour ou contre, le débat

Matthieu Glauser, de Bio Vaud, et Anne Challandes, de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales, répondent aux questions délicates que pose l’initiative «zéro pesticide». Eclairage en quatre arguments

Pollution dans les eaux, perte de biodiversité, interdiction croissante de substances jusqu’ici autorisées en raison de leur toxicité : tous les voyants sont au rouge. N’est-il pas urgent de changer de cap?

Anne Challandes: Le changement est déjà en route. L’agriculture sert à nourrir la population. La FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, définit l’agriculture durable comme répondant aux besoins des générations actuelles et futures. Pour garantir une production alimentaire dans un volume suffisant, elle n’exclut pas l’utilisation de produits organiques et inorganiques. Dans ce cas, ils ne sont utilisés en Suisse qu’en dernier recours et selon des règles strictes.

Les autres activités humaines ont aussi un impact sur la nature. L’agriculture n’a pas attendu pour agir. Elle a déjà progressé et poursuit sur cette voie. Le Parlement a adopté en mars la Loi pesticides la plus sévère d’Europe (Initiative parlementaire 19.475 «Réduire le risque de l’utilisation des pesticides»). Elle s’appliquera dès 2023 avec l’objectif ambitieux de réduire les risques des pesticides de moitié en six ans.

L’agriculture aurait dix ans pour trouver des solutions et se réformer: n’est-ce pas suffisant?

AC: Les solutions alternatives n’existent pas encore pour toutes les cultures, toutes les maladies ou tous les ravageurs. Dix ans, c’est bien plus court que le temps nécessaire à la recherche pour trouver, développer et mettre en application des variétés résistantes ou des moyens de lutte efficaces. Avec les méthodes de sélection admises en Suisse (moratoire sur le génie génétique), la recherche a besoin de temps pour aboutir à un résultat efficace.

Une interdiction va beaucoup trop loin. Le trafic des personnes, des marchandises et le réchauffement climatique rendent plausible l’apparition d’une maladie ou d’un ravageur inconnu qui peut anéantir une production. L’initiative nous prive d’une possibilité de mettre au point rapidement un traitement efficace. L’interdiction des biocides pose problème pour la sécurité des aliments (transport, stockage).

Sachant que les produits importés devraient satisfaire aux mêmes normes que les produits suisses, en quoi l’initiative met-elle en péril l’agriculture suisse?

AC: Cette exigence est contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce. Vouloir mettre en place de telles réglementations dans tous les pays concernés, assurer un niveau équivalent au niveau exigé en Suisse et un contrôle crédible, c’est irréaliste. L’importation d’huile de palme, par exemple, démontre la difficulté de garantir une production et une certification crédibles et sûres. L’initiative entraînerait une forte diminution, voire une disparition des productions délicates comme le colza, que l’huile de palme risque justement de remplacer. La baisse de production en Suisse et les difficultés d’approvisionnement réduiraient la sécurité alimentaire et le choix des consommateurs. Le durcissement des conditions de production ferait augmenter les prix et causerait la perte d’emplois en aval de l’agriculture jusqu’à 160 000 postes.

Les consommateurs veulent des aliments sains produits dans le respect de l’environnement: pourquoi ne pas saisir l’occasion de répondre à cette demande?

AC: Les denrées alimentaires suisses sont saines et durables, produites selon les normes de l’agriculture raisonnée ou dans le cadre de labels spécifiques. Les consomm’acteurs ont déjà le choix d’acheter des produits bio ou labellisés. Les parts de marché du bio sont actuellement de 10,8%. La marge de progression est énorme. L’agriculture est prête à répondre à une demande supplémentaire. L’initiative entraînerait une baisse de la production et une augmentation des importations, donc un impact environnemental plus grand et délocalisé à l’étranger. L’initiative n’offre aucune garantie quant aux conditions sociales et économiques dans les pays producteurs. De telles conséquences vont à l’encontre de l’éthique, de la durabilité et de notre responsabilité. Les denrées produites localement sont la meilleure garantie de durabilité.

Sachant que produire en bio coûte plus cher et que les rendements sont moindres qu’en agriculture conventionnelle, peut-on garantir que l’initiative ne fera pas exploser les prix de l’alimentation?

Matthieu Glauser: Il est vrai que produire de manière biologique coûte plus cher, et les agriculteurs doivent être rémunérés pour ce travail. Mais le prix à la production n’est pas forcément le facteur le plus important dans l’élaboration du prix des produits pour le consommateur. Les marges actuelles des grands distributeurs sont exagérées et elles rendent les produits bio trop chers. Si l’initiative passe, les distributeurs devront faire un effort. Et si les prix de l’alimentation augmentent un peu, les coûts de la santé et de la réparation des atteintes à l’environnement pourraient, eux, diminuer de manière sensible. Par exemple, si le prix du sucre augmente, les gens en consommeraient moins, les industriels en rajouteraient moins dans les produits finis et on aurait un effet positif sur la santé.

Avec des rendements de 20% inférieurs en moyenne, ne va-t-on pas moins produire en Suisse et importer davantage?

MG: A court terme, c’est possible. Mais l’initiative laisse dix ans pour trouver des solutions et adapter notre mode de consommation. Si tous les acteurs de la filière alimentaire cherchent des solutions contre le gaspillage, par exemple, une partie de la diminution de production sera compensée. L’évolution de la production biologique ces dernières années nous montre aussi que des techniques innovantes permettent de produire plus que par le passé et sont plus résilientes face au changement climatique. Pour les importations, les denrées seront produites selon les mêmes exigences que les nôtres, donc nous favorisons aussi une production plus durable à l’étranger, c’est déjà le cas actuellement avec le label Bio Suisse, les produits importés respectent notre cahier des charges.

Est-ce réaliste de supprimer les pesticides d’ici à dix ans dans toutes les cultures, y compris par exemple dans l’arboriculture?

MG: Les producteurs biologiques le prouvent, il est possible de se passer de produits de synthèse dans l’arboriculture, mais ça ne veut pas dire ne plus rien faire pour protéger les plantes. Un suivi est nécessaire pour garantir la qualité des produits, et nous utilisons des substances naturelles, mais qui peuvent parfois être problématiques sur le long terme, comme le cuivre. Mais si tout le monde cherche des solutions alternatives durant cette décennie, nous aurons plus de chances d’en trouver qu’à l’heure actuelle où nous sommes environ 16% à chercher. La sélection de variétés résistantes doit être plus soutenue, c’est une des clés de la réussite. Le consommateur doit accepter que des pommes ou des carottes aient des défauts visuels qui ne changent pas le goût. Et sensibiliser les enfants dès leur jeune âge!

N’y a-t-il pas un risque de voir les agriculteurs jeter l’éponge?

MG: C’est un métier de passionnés. Et à force d’être montrés du doigt et d’avoir des contraintes toujours plus difficiles, certains pourraient être découragés. Mais d’un autre côté, c’est un défi passionnant à relever pour la nouvelle génération de paysans qui arrive. Les enjeux d’une agriculture écologique et responsable sont énormes et les attentes des citoyens aussi. Nous devons produire des aliments de qualité avec des moyens restreints et un climat qui fait le yoyo. Pour moi, la réponse à ces défis passe par une évolution de la société entière et une part plus grande de personnes travaillant dans l’agriculture, ce ne sont pas 2% de la population qui vont arriver à tout résoudre, mais plutôt 35-40%, pas forcément tous pleinement, mais ce retour à la terre est essentiel pour y arriver.

«Eau propre» - Pas de recommandation

La FRC soutient les objectifs et les moyens (paiements directs) prévus pour les atteindre. Son défaut: elle ne concerne pas les denrées importées, ce qui entrave le maintien d’une agriculture indigène forte et n’aurait que peu d’effets sur le contenu de notre assiette.

Devenez membre

Notre association tire sa force de ses membres

  • Vous obtenez l’accès à l’ensemble des prestations FRC
  • Vous recevez notre magazine FRC Mieux choisir
  • Vous pouvez compter sur notre équipe d’experts pour vous défendre
Devenez membre

Interpellation des grands distributeurs

 
Nous demandons aux distributeurs

  • cesser le marketing agressif sur les fraises, mais également sur d’autres denrées hors saison, que ce soit en rayon ou dans les différentes publications destinées à vos clients (catalogues, magazines, journaux, newsletter, etc.) ;
  • renoncer à disposer les fraises espagnoles aux endroits stratégiques de vos points de vente, à savoir en face de l’entrée, sur des ilots dédiés, ou en tête de gondoles ;
  • ne pas recourir à des mises en scène pour vendre la fraise hors saison (à savoir jusqu’en avril), en l’associant par exemple à de la crème et des tartelettes. Une demande valable aussi pour d’autres denrées, comme les asperges du Pérou associées à de la mayonnaise, viande séchée ou autre ;
  • indiquer clairement, de manière bien visible et transparente le pays de provenance ainsi que les noms des producteurs de fraises importées, que ce soit sur les affichettes qui accompagnent ces fruits en rayon, dans les publicités ou sur le dessus des barquettes ;
  • ne plus utiliser de formulations qui peuvent induire en erreur le consommateur sur la saison de la fraise en Suisse. Une demande valable pour la mise en rayon, ainsi que toute publication ;
  • être en mesure de prouver toute allégation de durabilité concernant l’assortiment.

Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)