12.9.2019, Aude Haenni
Les Artisanes du vin ont 20 ans. Rencontre en marge d’un couronnement.
Elles célèbrent dignement leur jubilé cette année, notamment avec un bar à la Fête des Vignerons – où nous sommes allés les trouver – et en devenant les 22 marraines de la Semaine du Goût, qui se déroule du 12 au 22 septembre. Leur histoire trouve ses racines dans les années 1990, lorsque la place des femmes dans le monde du vin n’était pas simple. La reprise d’un domaine était mission difficile et le statut de vigneronne signifiait épouse de vigneron. Depuis, le métier a évolué. Françoise Berguer, Marie-Thérèse Chappaz et Coraline de Wurstemberger, fondatrices des Artisanes du vin, se sont retirées de l’association pour faire place à 22 vigneronnes «aux profils très ouverts, qui touchent à tout, des vignes aux caves», souligne la Neuchâteloise Céline Austing. Avec en prime leurs noms sur les bouteilles. «On se permet tout de même de collaborer avec nos pères, frères et maris, ce qui n’était pas autorisé au départ.»
Le règlement s’est assoupli, se retrousser les manches à plusieurs n’a par contre pas failli. Dans un domaine très prenant, ces professionnelles provenant de toute la Suisse s’engagent au sein de l’association afin «d’échanger, de mettre en commun nos expériences, de nous retrouver dans des événements où l’on n’oserait pas aller seule, comme la rencontre Women do Wine cet été à Paris, explique la Vaudoise Noémie Graff. Et si je veux discuter pinot noir, j’appelle mes collègues de Neuchâtel! Cette facette nationale est très enrichissante.»
Bien qu’elle ait eu un parcours universitaire teinté de féminisme, Noémie Graff a adhéré aux Artisanes non pas pour défendre un statut, mais pour miser sur cette force du collectif. «De nos jours, qu’une femme reprenne une exploitation, c’est acquis», explique-t-elle. Céline Austing acquiesce: «Les gens nous voient d’un bon oeil.» Il n’empêche, le jour où un domaine sera uniquement féminin semble encore loin. Une cheffe de culture reste ainsi plus rare à dénicher, la faute à la mécanique et à une grande force requise. Et d’ajouter qu’«on fera toujours face à quelques réfractaires».
Et, de ce fait, aux clichés qui vont avec. A l’image du vin féminin qui se distinguerait par sa délicatesse, sa finesse, sa légèreté, son manque de caractère… «Et avec une licorne sur une étiquette rose?», plaisante la Neuchâteloise tandis que la Vaudoise ironise sur le vin masculin «fortement réduit avec une odeur de vestiaire de gym!».
Plaisanterie mise à part, Noémie Graff tient à signaler que, lors de dégustations, personne ne peut différencier le travail d’une vigneronne de celui d’un vigneron. Quant à l’idée reçue que les femmes préfèrent les vins fruités, les études démontrent qu’elles penchent plus pour le rouge tannique. «Surtout pas de vin doux! rigole Céline Austing. Dans tous les cas, il y a assez de vin pour que tout le monde y trouve son compte, et chacune, à sa manière, y contribue!», conclut-elle.